IRAN

La situation des droits humains s’est détériorée et la société civile a connu un renforcement des restrictions pesant sur les libertés fondamentales d’expression et d’association. De très nombreux prisonniers politiques, dont certains étaient des prisonniers d’opinion, continuaient de purger des peines de détention infligées les années précédentes à l’issue de procès inéquitables. Des milliers d’autres personnes ont été arrêtées, souvent lors de manifestations ou à la suite de celles-ci. Des défenseurs des droits humains, parmi lesquels figuraient des journalistes, des étudiants et des avocats, étaient au nombre des personnes emprisonnées de manière arbitraire et privées d’assistance juridique et de contact avec leur famille. La torture restait très répandue, particulièrement durant la détention provisoire. Au moins 177 personnes ont été exécutées ; quatre d’entre elles – peut-être davantage – étaient âgées de moins de dix-huit ans au moment des faits qui leur étaient reprochés. L’un des suppliciés avait moins de dix-huit ans lors de son exécution. Deux personnes auraient été lapidées. Cette année encore, des peines de flagellation, d’amputation et d’énucléation ont été prononcées. Les cas signalés d’exécution ou de châtiments corporels étaient vraisemblablement bien inférieurs aux nombres réels.




Contexte
Le différend entre l’Iran et la communauté internationale résultant de la détermination du gouvernement à poursuivre son programme d’enrichissement de l’uranium a continué de s’aggraver. En mars, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a soumis le cas de l’Iran au Conseil de sécurité des Nations unies, lequel a adopté, en décembre, un programme de sanctions contre l’Iran, qui n’avait pas respecté la date butoir de suspension de ses activités nucléaires, fixée en août. L’Iran a continué d’accuser des gouvernements étrangers de fomenter des troubles dans les régions frontalières, tandis que ceux-ci imputaient au pouvoir de Téhéran une responsabilité dans la détérioration de la sécurité en Irak. En février, le gouvernement des États-Unis a sollicité un budget supplémentaire de 75 millions de dollars (58 millions d’euros environ) pour « soutenir la démocratie » en Iran. Le président Ahmadinejad a continué de faire des déclarations menaçantes envers l’État d’Israël et il a mis en doute l’existence de l’holocauste. Le dialogue sur les droits humains entre l’Union européenne et l’Iran était toujours suspendu.
Des élections locales et à l’Assemblée des experts, qui contrôle la désignation du Guide suprême, ont eu lieu en décembre. Le Conseil des gardiens, chargé de vérifier la conformité des lois et de la politique mise en œuvre aux principes de l’islam et à la Constitution, n’a accepté que 164 candidatures à l’Assemblée des experts ; au moins 12 femmes qui s’étaient présentées ont été écartées en raison d’une procédure de sélection discriminatoire. Les résultats des deux scrutins ont été considérés par la plupart des observateurs comme un revers pour le gouvernement du président Ahmadinejad.
Les autorités ont été confrontées à l’opposition armée de groupes kurdes et baloutches.
En décembre, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution condamnant la situation des droits humains dans le pays. Bien qu’il leur ait adressé une invitation permanente en 2002, l’Iran n’a fixé aucune date pour la visite des mécanismes des Nations unies relatifs aux droits humains.

Répression des minorités
Comme les années précédentes, les membres des minorités ethniques et religieuses ont été victimes de lois et de pratiques discriminatoires qui étaient source d’agitation politique et sociale.
Arabes
Les Arabes continuaient de se plaindre de discrimination, notamment dans la distribution des ressources ; des cas d’expulsion forcée ont par ailleurs été signalés. En octobre, le Conseil des gardiens a approuvé un projet de loi allouant 2 p. cent des revenus pétroliers à la province du Khuzestan, où vivent bon nombre des Arabes d’Iran.
Des dizaines d’Arabes ont été arrêtés au cours de l’année. Déclarés coupables de participation à des attentats à l’explosif perpétrés en 2005 à Ahvaz et à Téhéran, au moins 36 d’entre eux ont été condamnés à mort ou à de lourdes peines d’emprisonnement à l’issue de procès inéquitables. Cinq ont été mis à mort, parmi lesquels Mehdi Nawaseri et Mohammad Ali Sawari, exécutés en public en février après la diffusion de leurs « aveux » sur une chaîne de télévision.
Entre février et avril, cinq femmes au moins ont été incarcérées – certaines avec leurs enfants – dans des circonstances qui laissent penser que leur arrestation visait à contraindre leur mari de se livrer aux autorités ou de faire des « aveux ». Quatre femmes et deux enfants étaient, semble-t-il, maintenus en détention à la fin de l’année.
En octobre, sept avocats qui assuraient la défense de plusieurs accusés dans l’affaire des attentats ont été cités à comparaître devant le procureur du tribunal révolutionnaire d’Ahvaz pour « atteinte à la sécurité de l’État ». La citation faisait suite à un courrier qu’ils avaient adressé au président du tribunal révolutionnaire d’Ahvaz pour se plaindre des irrégularités entachant le procès de leurs clients.
Azéris
En mai, des manifestations de grande ampleur ont été organisées dans des villes du nord-ouest du pays, à majorité azérie, pour protester contre la publication dans le quotidien gouvernemental Iran d’une caricature insultante pour les Azéris. Des centaines, voire des milliers, de personnes ont été arrêtées et des dizaines d’autres auraient été tuées par les forces de sécurité ; les sources officielles ont toutefois minimisé le nombre d’arrestations et d’homicides. D’autres arrestations ont été signalées, notamment à l’occasion d’événements ou de dates importantes pour la communauté azérie, comme le rassemblement au château de Babek, à Kalayber, en juin, et le boycottage de la rentrée scolaire organisé pour revendiquer les droits linguistiques des Azéris.
Après avoir participé aux manifestations organisées à Ardabil contre la caricature publiée dans le journal Iran, Abbas Lisani a été arrêté en juin et placé en détention durant plus de trois mois. Amnesty International le considérait comme un prisonnier d’opinion. Déclaré coupable, entre autres, de « trouble à l’ordre public », il a été condamné, en septembre, à une peine de seize mois d’emprisonnement et à 50 coups de fouet. Il a de nouveau été incarcéré à la fin octobre, cinq jours après avoir interjeté appel. Sa famille a appris par la suite que sa peine avait été portée à dix-huit mois d’emprisonnement assortis de trois ans d’exil intérieur. Cet homme a affirmé être inconditionnellement opposé à l’usage de la violence. À la fin de l’année, Abbas Lisani devait purger deux autres peines d’emprisonnement pour sa participation, en 2003 et 2005, au rassemblement du château de Babek.
Kurdes
En février, neuf personnes au moins auraient trouvé la mort à la suite d’affrontements entre les forces de sécurité et des manifestants kurdes à Maku et dans d’autres villes ; de très nombreuses autres, peut-être plusieurs centaines, auraient été arrêtées. Des députés kurdes du Majlis (Parlement) ont écrit en mars au président Ahmadinejad pour réclamer l’ouverture d’une enquête sur les homicides et la comparution en justice des responsables. Une enquête aurait été diligentée, mais les conclusions n’avaient pas été rendues publiques à la fin de l’année. Certaines des personnes arrêtées auraient été condamnées à des peines comprises entre trois et huit mois d’emprisonnement.
Mohammad Sadeq Kabudvand, président de l’Organisation des droits humains du Kurdistan et rédacteur en chef de l’hebdomadaire interdit Payam-e Mardom, qui avait été condamné à une peine de dix-huit mois d’emprisonnement avec sursis pour « publication de fausses nouvelles et d’articles visant à susciter des tensions et des troubles raciaux et tribaux », a vu sa peine portée à un an d’emprisonnement ferme à l’issue de la procédure d’appel. Bien qu’ayant été convoqué en septembre pour purger sa peine, il restait en liberté à la fin de l’année en attendant que la Cour suprême statue sur son recours. D’autres journalistes de Payam-e Mardom ont également été traduits en justice.
Baloutches
En mars, 22 agents de l’État ont été tués et sept autres au moins ont été pris en otage dans la province du Sistan-Baloutchistan par des membres de Joundallah (Soldats de Dieu), un groupe armé baloutche. De très nombreuses personnes, peut-être plusieurs centaines, ont été arrêtées ; beaucoup d’entre elles auraient été emmenées dans des lieux inconnus. Le nombre d’exécutions signalées dans les régions baloutches a considérablement augmenté dans les mois qui ont suivi ces attaques. Selon certaines sources, plusieurs dizaines de personnes avaient été mises à mort à la fin de l’année.
Minorités religieuses
Des membres de minorités religieuses ont été incarcérés et harcelés du seul fait de leurs croyances.
En février, plus de 1 000 soufis nematollahis qui protestaient contre un ordre d’évacuation de leur lieu de culte, à Qom, ont été arrêtés. Plusieurs centaines d’entre eux ont été blessés par des membres des forces de sécurité et de mouvements partisans du gouvernement. En mai, 52 soufis, dont deux avocats qui assuraient la défense du groupe, ont été condamnés à des peines d’un an d’emprisonnement et de flagellation assorties d’une amende ; les avocats se sont en outre vu infliger une interdiction d’exercer leur profession. En août, le grand ayatollah Fazel Lankarani a promulgué un édit religieux qualifiant le soufisme de « nul et non avenu ».
Plusieurs chrétiens évangélistes, pour la plupart des musulmans convertis, ont été arrêtés, apparemment en raison de leurs activités religieuses.
En septembre, Feresteh Dibaj et son mari, Reza Montazemi, ont été incarcérés pendant neuf jours puis remis en liberté sous caution. Feresteh Dibaj est la fille cadette de Mehdi Dibaj, un musulman converti qui a été assassiné en 1994. Emprisonné durant neuf ans pour « apostasie », il avait été libéré peu auparavant.
Soixante-cinq baha’is ont été arrêtés en 2006 ; cinq d’entre eux étaient toujours détenus à la fin de l’année. Mehran Kawsari, qui avait été condamné à une peine de trois ans d’emprisonnement pour avoir adressé une lettre ouverte au président Khatami en novembre 2004, a été libéré par anticipation en mars.
Ce même mois, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la liberté de religion ou de conviction a exprimé sa préoccupation à propos d’une lettre datant d’octobre 2005 dans laquelle il était demandé à différents organes gouvernementaux de recenser les baha’is en Iran et de recueillir des informations à leur sujet.


Défenseurs des droits humains

Les défenseurs des droits humains étaient soumis à des restrictions croissantes et s’exposaient également à des représailles pour leurs activités. Des informations ont circulé en janvier selon lesquelles le ministère de l’Intérieur s’apprêtait à restreindre les activités des organisations non gouvernementales accusées d’être financées par des « sources internes ou externes visant à renverser le régime ». Les étudiants, qui restaient un groupe social actif sur le plan politique, étaient souvent la cible de représailles, notamment d’arrestations arbitraires et de mesures d’interdiction de réinscription à l’université.
En août, le ministère de l’Intérieur a interdit les activités du Centre de défense des droits humains, dirigé par la lauréate du prix Nobel de la paix Shirin Ebadi et par d’autres avocats de renom, au motif qu’il ne disposait pas de l’autorisation nécessaire. Le ministère a annoncé, en septembre, que celle-ci serait accordée « si des changements étaient apportés dans la mission » du centre.
L’avocat Abdolfattah Soltani, cofondateur du Centre de défense des droits humains, a été remis en liberté sous caution en mars. Il a été condamné par la suite à une peine de cinq ans d’emprisonnement pour « divulgation de documents confidentiels » et « propagande contre le régime ». Il était en instance d’appel à la fin de l’année.
Le prisonnier d’opinion Akbar Ganji, un journaliste qui avait mis au jour l’implication de responsables gouvernementaux dans le meurtre d’intellectuels et de journalistes dans les années 1990, a été remis en liberté en mars à l’expiration de la peine de six ans d’emprisonnement qui lui avait été infligée.


Torture et autres peines cruelles, inhumaines et dégradantes

Le recours à la torture restait fréquent dans de nombreux centres de détention et prisons, tout particulièrement dans la période précédant le procès, lorsque les détenus peuvent être privés de tout contact avec un avocat pendant une durée illimitée. Sept personnes au moins seraient mortes en détention dans des circonstances laissant penser que leur mort pourrait avoir résulté, directement ou indirectement, d’actes de torture ou de mauvais traitements, voire de l’absence de soins médicaux.
Deux prisonniers politiques, Akbar Mohammadi et Valiollah Feyz Mahdavi, sont morts respectivement en juillet et en septembre après avoir observé une grève de la faim pour protester contre leur maintien en détention.
Mohammad Reza Evezpoor, un adolescent azéri de quatorze ans, a été arrêté en avril pour avoir écrit sur un mur : « Je suis turc ». Détenu pendant trois jours, il aurait été suspendu par les pieds durant vingt-quatre heures, privé de nourriture et d’eau, et aurait subi d’autres tortures. Il a également été battu après une nouvelle arrestation, en septembre.
Au moins deux peines d’amputation ont été appliquées et une personne a été condamnée à l’énucléation. Les tribunaux continuaient de prononcer régulièrement des peines de flagellation.
Leyla Mafi a reçu 99 coups de fouet en février avant d’être transférée de la prison où elle était détenue dans un centre de réinsertion pour femmes.
Forcée à se prostituer alors qu’elle n’avait que huit ans et violée à maintes reprises, cette jeune femme avait été arrêtée au début de 2004 et inculpée d’« actes contraires à la chasteté ». Elle avait été condamnée à une peine de flagellation suivie de la mort. Sa sentence capitale a été annulée à la suite de pressions au niveau international.

Impunité
Les victimes de violations des droits humains et leur famille avaient toujours du mal à obtenir justice.
Ordonné en 2001, le réexamen du cas des fonctionnaires du ministère des Renseignements poursuivis dans le cadre de l’affaire des « meurtres en série » commis en 1998 n’était pas terminé. Nasser Zarafshan, avocat de plusieurs familles de victimes, continuait de purger une peine de cinq ans d’emprisonnement prononcée à son encontre pour des chefs d’accusation à caractère politique.


Peine de mort

Au moins 177 personnes ont été exécutées, dont un mineur et au moins trois condamnés âgés de moins de dix-huit ans au moment des faits qui leur étaient reprochés. La peine capitale était prononcée pour toute une série de crimes, dont le trafic de drogue, le vol à main armée, le meurtre, les actes de violence politique et les infractions sexuelles. À la suite de protestations dans le pays et à l’étranger, les peines de mort frappant plusieurs femmes ainsi que des prisonniers âgés de moins de dix-huit ans au moment des actes dont ils ont été déclarés coupables ont été suspendues ou annulées ; certains des bénéficiaires de ces mesures ont été de nouveau condamnés à mort après avoir été rejugés. Deux personnes auraient été lapidées, bien qu’un moratoire sur l’utilisation de ce châtiment ait été instauré en 2002. D’autres prisonniers étaient toujours sous le coup d’une condamnation à mort par lapidation. En septembre, des défenseurs iraniens des droits humains ont lancé une campagne en vue d’obtenir l’abolition de ce châtiment et de sauver neuf femmes et deux hommes condamnés à mort par lapidation. Les condamnations d’au moins trois de ces personnes avaient été annulées à la fin de l’année.


Liberté d’expression et d’association

Les restrictions pesant sur la liberté d’expression et d’association ont été renforcées. L’accès à Internet était de plus en plus strictement contrôlé. Des journalistes et des blogueurs ont été arrêtés et condamnés à des peines d’emprisonnement ou de flagellation ; 11 journaux au moins ont été interdits. Comme les années précédentes, les proches des détenus ou des personnes recherchées par les autorités risquaient d’être harcelés ou intimidés. Des syndicalistes indépendants ont été victimes de représailles et des universitaires, parmi lesquels Ramin Jahanbegloo, ont été arrêtés ou mis à l’écart.
Un millier de membres du syndicat indépendant des sociétés d’autobus Sherkat-e Vahed, mouvement interdit, ont été arrêtés en janvier après s’être mis en grève pour réclamer la reconnaissance de leur organisation et protester contre l’incarcération de son président, Mansour Ossanlu. Tous ont été libérés, mais plusieurs dizaines d’entre eux n’avaient pas été autorisés à réintégrer leur poste à la fin de l’année. Mansour Ossanlu, qui a été détenu pendant plus de sept mois en raison de ses activités syndicales, a été remis en liberté sous caution en août. Il a de nouveau été arrêté en novembre et incarcéré pendant un mois car, selon certaines sources, il avait assisté à des réunions organisées par l’Organisation internationale du travail.


Droits des femmes

À Téhéran, les forces de sécurité ont dispersé violemment en mars et en juin des manifestants qui réclamaient l’abrogation des lois discriminatoires envers les femmes. Certains ont été blessés.
Arrêté au cours de la manifestation de juin, l’ancien député Sayed Ali Akbar Mousavi-Khoini a été détenu pendant plus de quatre mois. Remis en liberté sous caution en octobre, il s’est plaint d’avoir été torturé en détention.
En août, des militantes des droits des femmes ont lancé une campagne en vue de recueillir un million de signatures pour une pétition réclamant l’égalité des droits pour les femmes.


Autres documents d’Amnesty International


 Iran. Défenseur des droits humains en danger. Abdolfattah Soltani. Cas d’appel (MDE 13/009/2006).

 Iran : New government fails to address dire human rights situation (MDE 13/010/2006),
résumé en français sous le titre Iran. L’incurie du nouveau gouvernement face à la désastreuse situation des droits humains (Résumé).

 Iran : Defending minority rights — the Ahwazi Arabs (MDE 13/056/2006).

2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit