Inde

Plusieurs centaines de personnes ont trouvé la mort dans différentes régions du pays à la suite d’attentats à l’explosif et lors d’affrontements armés. Les négociations de paix entre l’Inde et le Pakistan, de même que les initiatives en vue de résoudre les conflits du Cachemire et du Nagaland, n’ont guère progressé. Les avancées dans certains secteurs économiques ont suscité des attentes élevées dans les zones urbaines. Toutefois, des opérations d’acquisition de terres, entre autres ressources naturelles, pour des projets industriels et de développement, ont déclenché des mouvements de protestation dans plusieurs États. Ces manifestations ont coïncidé avec une recrudescence des activités de groupes armés maoïstes dans certains États, qui constituaient une source de préoccupation croissante en matière de sécurité et de droits humains. Craignant de voir leurs moyens de subsistance menacés, les groupes marginalisés – notamment les adivasis (aborigènes), les dalits (opprimés) et les petits paysans – ont protesté contre le fait que le gouvernement les privait de leur droit d’être consultés au sujet des projets de développement ainsi que des plans de réinstallation et de réadaptation. Toute une série de violations des droits humains ont été signalées, notamment des homicides illégaux, des expulsions forcées, l’usage excessif de la force par la police, des violences contre les femmes et des actes de harcèlement contre des défenseurs des droits humains. Les mécanismes institutionnels ne protégeaient pas les droits civils et politiques et ne permettaient pas aux victimes d’obtenir justice. Ces lacunes concernaient également les droits économiques, sociaux et culturels, en particulier ceux des groupes marginalisés.

Contexte
Plusieurs centaines de personnes ont trouvé la mort à la suite d’attentats à l’explosif. Soixante-six passagers d’un train à destination du Pakistan ont notamment été tués en février, 42 personnes sont mortes à Hyderabad en août et 10 autres ont péri dans l’Uttar Pradesh en novembre. Ces attaques répétées pesaient sur les négociations de paix entre l’Inde et le Pakistan, qui n’ont guère progressé en 2007. Les pourparlers à propos du Cachemire et du Nagaland n’ont pratiquement pas connu d’avancée. En Assam, des attentats à l’explosif ont été perpétrés comme les années précédentes, ainsi que des attaques, en janvier et en novembre, contre des migrants originaires d’États du nord de l’Inde.
Au moins 400 personnes ont été tuées à la suite d’affrontements entre la police et des membres de groupes maoïstes dans des États du centre et du sud du pays. Les populations locales de ces États s’opposaient aux acquisitions de terres destinées à des projets industriels et à la création de zones économiques spéciales (ZES). Plusieurs États – notamment le Bengale occidental, l’Orissa, le Jharkhand, le Chattisgarh, le Madya Pradesh, l’Andhra Pradesh, le Maharashtra, le Karnataka, le Tamil Nadu, le territoire de l’Union indienne de Pondichéry et le Meghalaya – ont connu une série de manifestations organisées par les populations locales dont les moyens de subsistance étaient menacés par des projets accélérés d’irrigation, d’exploitation minière, de constructions d’usines et d’implantation de sites industriels. Ces mouvements de protestation étaient de plus en plus souvent réprimés par des moyens illégaux et les auteurs d’atteintes aux droits humains continuaient de bénéficier de l’impunité.
Comme les années précédentes, un taux de suicide élevé parmi les agriculteurs endettés a été relevé dans certains États, notamment le Maharashtra, bien que des mesures aient été prises pour remédier à ce problème. L’accès insuffisant aux soins médicaux a provoqué une épidémie de choléra parmi les adivasis du sud de l’Orissa.
L’accord conclu avec les États-Unis en 2006 en vue de permettre à l’Inde d’obtenir du matériel nucléaire stratégique destiné à des usages civils n’avait toujours pas été mis en application, en raison de l’opposition de certains partis politiques. Les exportations d’armes à destination du Myanmar ont été suspendues en novembre, après la répression du mouvement en faveur de la démocratie dans ce pays.
L’Inde a signé, en février, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Elle a par ailleurs été réélue au Conseil des droits de l’homme [ONU]. Toutefois, le pays n’avait toujours pas ratifié la Convention contre la torture [ONU] ni la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille [ONU]. L’Inde n’avait toujours pas accédé aux demandes du rapporteur spécial des Nations unies sur la torture et de son homologue chargé des exécutions extrajudiciaires, qui souhaitaient se rendre dans le pays. Aucune invitation n’a par ailleurs été adressée au groupe de travail sur la détention arbitraire, ni à celui sur les disparitions forcées ou involontaires.


Droits économiques, sociaux et culturels

Quelque 300 millions de personnes, soit environ un quart de la population, vivaient toujours dans la pauvreté. La protection des droits des groupes marginalisés était source de préoccupation croissante. Les dispositions constitutionnelles existantes n’étaient pas respectées et des zones riches en ressources naturelles qui étaient destinées exclusivement aux habitations des adivasis étaient de fait attribuées à des fins d’exploitation minière, entre autres projets industriels. Les populations affectées par ces projets étaient le plus souvent exclues du processus de prise de décision, hormis pour leur réinstallation et leur réadaptation après le déplacement. Malgré les dispositions législatives sur le droit à l’information, les autorités se montraient toujours réticentes à communiquer des éléments importants aux intéressés.
À Nandigram, dans l’État du Bengale occidental, des milices privées associées au Parti communiste indien (marxiste) (CPI-M, au pouvoir dans cet État) et des partisans armés d’organisations locales se sont affrontés pour le contrôle du territoire. Les autorités ne sont pas parvenues à persuader les paysans qui protestaient contre l’implantation d’un complexe industriel dans la région de démanteler les barricades qu’ils avaient érigées. Toute une série d’atteintes aux droits humains ont été commises par la suite : homicides illégaux, expulsions forcées, usage excessif de la force par la police, violences contre les femmes, impossibilité pour les journalistes et les organisations de défense des droits humains de se rendre sur les lieux et d’avoir accès à l’information, harcèlement des défenseurs des droits humains et déni de justice pour les victimes de ces agissements, entre autres.
 ?En janvier et en mars, au moins 25 personnes, des paysans locaux pour la plupart, ont été tuées à Nandigram par des membres de milices privées associées au CPI-M. Plus d’une centaine d’autres ont été blessées, et 20 femmes au moins ont subi des violences sexuelles. Quelque 1 500 personnes, des partisans du CPI-M pour la plupart, avaient auparavant été contraintes de quitter leur domicile après que des sympathisants d’organisations locales avaient érigé des barricades au cours de manifestations contre les déplacements forcés de population.
 ?En Orissa, au moins 50 personnes ont été blessées lors de manifestations organisées tout au long de l’année par des organisations locales pour protester contre un déplacement forcé de population en vue de l’implantation d’un complexe sidérurgique. L’enquête ouverte par les autorités sur la mort de 12 manifestants adivasis, tués par des policiers à Kalinganagar en 2006, était toujours suspendue. En novembre, à la suite d’une longue campagne menée par des adivasis, la Cour suprême a annulé la décision du gouvernement de l’Orissa qui avait autorisé une société multinationale à exploiter une mine dans des zones boisées protégées de Niyamagiri.
 ?En juillet, des policiers ont fait un usage excessif de la force contre des manifestants à Badwani, dans l’État du Madya Pradesh. Au moins 10 personnes ont été tuées et 92 autres ont été interpellées. Les manifestants protestaient contre les déplacements forcés de population résultant du projet de barrage de la Narmada.

Violences contre les adivasis et les groupes marginalisés
Dans la région de Dantewada (État de Chattisgarh), les violences se sont intensifiées entre les groupes armés maoïstes et les membres de Salwa Judum (Campagne de purification), une milice qui, de l’avis général, est financée par les autorités locales. Les civils, essentiellement des adivasis, étaient pris pour cible par les deux camps. Des cas d’homicides illégaux, d’enlèvements, de torture et de mutilations imputables aux deux parties ont été signalés. Des agents de l’État auraient commis des agressions sexuelles et les maoïstes auraient tué des personnes à l’issue de procès sommaires. La très grande majorité de ces atteintes aux droits humains n’ont pas fait l’objet d’enquêtes approfondies.
Quelque 50 000 adivasis qui avaient été déplacés de la région de Dantewada n’avaient toujours pas pu rentrer chez eux ; la majorité d’entre eux étaient confinés dans des camps spéciaux. Aucune initiative n’a été prise pour garantir leur retour volontaire. Selon certaines sources, des projets industriels et de développement pourraient être mis en œuvre sur une partie de leurs terres. Au moins 10 000 autres adivasis auraient trouvé refuge en Andhra Pradesh.
 ?Le 15 mars, 55 personnes au moins, membres pour la plupart de Salwa Judum, ont trouvé la mort à la suite d’une attaque menée par des maoïstes présumés à proximité de Bijapur.
 ?Le 31 mars, 12 adivasis ont été tués à Santoshpur par des policiers et des membres de Salwa Judum.
 ?Binayak Sen, membre éminent de l’Union populaire pour les libertés publiques (PUCL), a été arrêté le 14 mai. Il a été inculpé aux termes de la Loi spéciale de 2005 sur la sécurité publique (Chattisgarh) et des disp tions modifiées de la Loi de 1967 relative à la prévention des activités illégales. L’arrestation de ce médecin a provoqué des manifestations de grande ampleur organisées par des groupes de défense des droits humains et des professionnels de la santé.
 ?Le 10 juillet, 24 membres de différentes branches des forces de sécurité et 20 maoïstes présumés ont été tués à Konta dans une série d’attaques et d’opérations de représailles.
Des cas similaires d’atteintes aux droits humains ont été signalés dans plusieurs autres États, notamment le Karnataka, le Jharkhand et l’Andhra Pradesh.
 ?Le 10 juillet, cinq militants adivasis ont été tués par des policiers du Karnataka à Adyaka, dans le district de Chikmagalur.
 ?À Vakpalli, dans le district de Visakhapatnam, 11 femmes adivasis ont subi, le 20 août, des violences sexuelles de la part de membres de la police de l’Andhra Pradesh.
 ?Le 26 octobre, des maoïstes ont fait exploser une mine terrestre à Vidyanagar, dans le district de Nellore. Cet attentat visait apparemment l’ancien Premier ministre de l’Andhra Pradesh, N. Janardhana Reddy, et son épouse, N. Rajyalakshmi, ministre en exercice. Trois personnes qui se trouvaient dans leur convoi ont trouvé la mort.
 ?Le 27 octobre, des maoïstes ont ouvert le feu lors d’un festival culturel à Chikhadia, tuant 18 personnes.
Des militants pour le respect de l’environnement et du droit à la terre des groupes marginalisés ont été victimes de mauvais traitements.
 ?En juillet, Saroj Mohanty, un écrivain qui militait contre la menace du déplacement d’adivasis provoquée par le projet d’implantation d’Utkal Aluminium à Kashipur (Orissa), a été arrêté et inculpé de vol à main armée, violation de propriété privée et tentative de meurtre.
 ?Militant actif au sein des communautés dalits et adivasis à Mirzapur, dans l’Uttar Pradesh, Roma a été incarcéré en août en vertu de la Loi relative à la sécurité nationale.
La nouvelle loi garantissant aux adivasis le droit d’accès aux terres dans les zones forestières n’était dans l’ensemble pas appliquée. Ces populations étaient victimes de violences imputables à la police.
 ?En avril, des policiers ont fait un usage excessif de la force contre des adivasis qui protestaient contre la menace d’expulsions forcées par le service des forêts de l’État du Madya Pradesh, dans le district de Rewa. Sept adivasis ont été blessés.
 ?En juillet, sept personnes ont trouvé la mort après que des policiers eurent ouvert le feu lors d’une manifestation pour le droit à la terre dans le district de Khammam, dans l’Andhra Pradesh.

Sécurité et droits humains
Comme les années précédentes, des demandes ont été formulées en faveur de l’adoption d’une nouvelle loi de lutte contre le terrorisme. Malgré des manifestations de grande ampleur pour exiger l’abrogation de la Loi de 1958 relative aux pouvoirs spéciaux des forces armées, aucune initiative n’a été prise dans ce sens. L’Uttar Pradesh s’est ajouté à la liste des États ayant adopté des lois relatives à la répression du crime organisé qui prévoient le placement en détention arbitraire.

Impunité
L’impunité restait généralisée.

Jammu-et-Cachemire
Les agents de l’État et les acteurs non étatiques continuaient de bénéficier de l’impunité pour les actes de torture, les cas de mort en détention, les enlèvements et les homicides illégaux qui leur étaient imputables. Selon une organisation de défense des droits humains, 1 051 personnes ont été victimes de disparition forcée dans le seul district de Baramulla au cours des dix-huit années écoulées. Des groupes de défense des droits fondamentaux ont contesté les déclarations des autorités selon lesquelles aucun cas de disparition n’avait été signalé à la date du 10 novembre 2007 et affirmé que 60 personnes avaient disparu depuis 2006, dont neuf en 2007. Cinq personnes qui avaient, semble-t-il, été emprisonnées illégalement, ont été retrouvées. Dans quelques rares cas, des procédures pénales ont été engagées plusieurs années après les faits contre les auteurs présumés de violations des droits humains.
 ?En mai, la haute cour de l’État de Jammu-et-Cachemire a ordonné à la police locale d’engager des poursuites pour meurtre contre 11 membres de la police de la frontière indo-tibétaine, à la suite de la disparition, en octobre 2001, d’Ashraf Ahmad Koka, originaire de Gond.

Gujarat
Cinq ans après les violences au cours desquelles des milliers de musulmans ont été pris pour cible et plus de 2 000 ont été tués, la plupart des victimes ne parvenaient toujours pas à obtenir justice. Bien que des auteurs de violences aient révélé dans les médias l’implication de membres du Parti du peuple indien (BJP, au pouvoir à l’époque), aucune véritable enquête n’a été menée.
Peu de mesures ont été prises après qu’un rapport officiel eut dénoncé le fait que plus de 5 000 familles déplacées vivaient toujours dans des conditions « inhumaines » au Gujarat. Plusieurs procédures importantes pour homicide et sévices sexuels infligés à des musulmanes étaient toujours en instance devant la Cour suprême à la fin de l’année.
En mai, les autorités du Gujarat ont reconnu que des hauts responsables de la police étaient impliqués dans l’homicide illégal de Sohrabuddin Shaikh et de son épouse, Kausar Bi, perpétré en novembre 2005. À la suite de cette initiative, les proches d’au moins trois autres personnes tuées par la police les années précédentes ont réclamé de nouvelles investigations.

Pendjab
La plupart des policiers responsables de violations graves des droits humains commises à l’époque des troubles civils, entre 1984 et 1994, continuaient d’échapper à la justice. Neuf ans après l’ouverture de l’enquête, les conclusions du Bureau central d’enquêtes sur les allégations selon lesquelles 2 097 crémations de victimes d’homicides illégaux auraient été effectuées par la police n’avaient toujours pas été rendues publiques. La Commission nationale des droits humains a accordé une indemnité aux familles de 1 298 personnes tuées par la police dans le seul district d’Amritsar. Cet organisme a toutefois été critiqué pour la lenteur de ses investigations ; des organisations de défense des droits humains ont également dénoncé, en octobre, les carences d’une commission qu’il avait chargée en 2006 d’examiner les demandes d’indemnisation.
À la suite d’informations selon lesquelles trois personnes qui figuraient sur la liste des victimes étaient réapparues dans leur village d’origine, le gouvernement a ordonné, en mai, l’ouverture d’une enquête sur trois cas d’homicides illégaux commis en 1993 et 1994 et imputables à la police du Pendjab.

Karnataka/Tamil Nadu
Onze ans après des allégations d’homicides illégaux, de torture, de violences sexuelles et de détention illégale d’adivasis formulées contre une force conjointe du Tamil Nadu et du Karnataka mise en place pour appréhender des contrebandiers de bois de santal, la Commission nationale des droits humains n’avait engagé aucune procédure contre l’un ou l’autre des 38 agents de l’État qui seraient responsables de ces violations des droits humains. En janvier, la Commission a ordonné le versement d’une indemnité provisoire à 89 des 140 victimes et membres de leur famille qui avaient formulé ces allégations.


Assam

Une commission d’enquête sur les homicides illégaux, entre 1998 et 2001, de 35 personnes liées au Front unifié de libération de l’Assam (ULFA) a rendu son rapport en novembre. Cet organe a conclu que les homicides avaient été perpétrés à l’instigation d’un ancien Premier ministre de l’État et de la police locale, par des membres de l’organisation qui s’étaient rendus aux autorités. On ignorait si des responsables présumés seraient déférés à la justice.

Peine de mort
Au moins 100 personnes ont été condamnées à mort. Aucune exécution n’a été signalée. En décembre, l’Inde a voté contre une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies en faveur d’un moratoire sur l’application de la peine de mort.

Visites d’Amnesty International
Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Inde aux mois d’août et de novembre. Ils ont rencontré des responsables gouvernementaux et des organisations de la société civile.

Autres documents d’Amnesty International

  • Five years on – the bitter and uphill struggle for justice in Gujarat (ASA 20/007/2007).
  • A pattern of unlawful killings by the Gujarat police : Urgent need for effective investigations (ASA 20/011/2007).
  • Indian helicopters for Myanmar : making a mockery of embargoes ? (ASA 20/014/2007).
  • Inde. Les violences politiques continuent au Bengale occidental : il faut des enquêtes et des poursuites judiciaires efficaces (ASA 20/020/2007).
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