Liberté d’expression
Le paysage médiatique s’est élargi en août, date du lancement autorisé de deux nouveaux quotidiens privés et d’une chaîne de télévision privée diffusée par satellite. Ces médias ont été créés par une société qui appartiendrait à Saif al Islam Kadhafi, fils de Mouammar Kadhafi, le chef de l’État. Les nouveaux quotidiens ont publié des articles critiquant le gouvernement dans le domaine économique. Toutefois, les voix dissidentes qui s’exprimaient sur des questions plus sensibles, comme les violations des droits humains ou l’exercice du pouvoir par Mouammar Kadhafi, faisaient l’objet d’une répression sévère.
Une nouvelle Cour de sûreté de l’État a été instaurée en août pour juger les personnes accusées d’atteintes à la sûreté de l’État et d’activités politiques illégales, ce qui faisait craindre la mise en place d’un système de justice parallèle sur le modèle du Tribunal populaire, juridiction déconsidérée qui a été abolie en 2005.
?Fathi el Jahmi était maintenu en détention dans un lieu tenu secret, qui pourrait être un centre spécial de l’Agence de sécurité intérieure. Ce prisonnier d’opinion avait été arrêté en mars 2004 pour avoir critiqué le chef de l’État et appelé à des réformes politiques. Ses proches ont déclaré à Amnesty International qu’ils n’avaient pas été autorisés à lui rendre visite depuis août 2006.
?Idriss Boufayed et 13 autres personnes ont été arrêtés et inculpés de détention d’armes, d’incitation à manifester et de communication avec des puissances ennemies, entre autres infractions. Idriss Boufayed et trois de ses coaccusés avaient publié sur des sites Internet d’information un communiqué annonçant leur intention d’organiser une manifestation pacifique à Tripoli le 17 février, pour commémorer le premier anniversaire de la mort d’au moins 12 personnes, tuées lors d’une manifestation à Benghazi en février 2006.
Selon certaines sources, ces 14 prisonniers ont été maintenus au secret pendant de longues périodes après leur arrestation, et deux d’entre eux au moins ont été torturés. Leur procès, qui s’est ouvert en juin, a été renvoyé devant la nouvelle Cour de sûreté de l’État après la création de cette juridiction. Deux des 14 accusés n’auraient assisté à aucune des audiences, ce qui suscitait de vives préoccupations quant à leur sécurité en détention.
« Guerre contre le terrorisme »
Deux Libyens détenus par les États-Unis à Guantánamo Bay et renvoyés en Libye, l’un en décembre 2006 et l’autre en septembre 2007, étaient maintenus en détention, apparemment sans inculpation et sans être autorisés à consulter un avocat. En décembre, la Fondation Kadhafi pour le développement, dirigée par Saif al Islam Kadhafi, a annoncé qu’elle avait rendu visite à ces deux hommes et qu’elle surveillait la façon dont ils étaient traités. Elle a ajouté qu’elle avait même acheté une maison pour la famille de l’un d’entre eux. Toutefois, ni la fondation ni les autorités n’ont fourni d’information sur le lieu exact où ils étaient détenus ou sur leur situation au regard de la loi.
On était sans nouvelles d’au moins sept Libyens, pour la plupart membres présumés du Groupe islamique combattant libyen, dont on croyait savoir qu’ils avaient été détenus par les États-Unis dans des lieux secrets avant d’être transférés en secret et illégalement en Libye les années précédentes. Selon des informations parvenues à Amnesty International, au moins cinq d’entre eux, qui avaient été transférés en Libye en 2005 ou en 2006, étaient maintenus au secret.
Peine de mort
Neuf Libyens auraient été exécutés en avril, mais aucun détail n’a été fourni à leur sujet. Un certain nombre de condamnations à mort pour meurtre prononcées contre des étrangers ont été commuées après que les familles des victimes eurent accepté une indemnisation.
?Les condamnations à mort de cinq infirmières bulgares et d’un médecin palestinien déclarés coupables d’avoir sciemment transmis le VIH à des centaines d’enfants libyens en 1998 ont été commuées en détention à perpétuité en juillet après que les familles des victimes eurent accepté de recevoir une indemnisation versée par un fonds international. Ces six professionnels de la santé ont été contraints de signer un document par lequel ils renonçaient à leur droit d’obtenir réparation pour les actes de torture qui leur auraient été infligés durant leur détention en Libye.
Transférés en Bulgarie une semaine plus tard aux termes d’un accord d’échange de prisonniers entre les deux pays, ils ont été graciés peu après leur arrivée par le président bulgare Gueorgui Parvanov.
Réfugiés, demandeurs d’asile et migrants
Des informations persistantes ont fait état de torture ou d’autres mauvais traitements infligés à des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants au moment de leur arrestation ou durant leur détention. Le sort d’au moins 500 ressortissants érythréens détenus et menacés d’un renvoi forcé dans leur pays était particulièrement préoccupant.
?Selon certaines sources, quelque 70 Érythréens ayant fui leur pays pour se réfugier en Libye ont été arrêtés en juillet. Ils auraient été transférés dans un centre de détention situé à Az Zawiyah où, à leur arrivée, des gardiens leur auraient ordonné de se dévêtir avant de les brutaliser, notamment en les frappant à coups de chaînes métalliques. Certains d’entre eux auraient été battus à maintes reprises par la suite. Ils ont affirmé que les gardiens les avaient menacés de les expulser. Selon certaines sources, en septembre, on les aurait photographiés et on leur aurait fait remplir des formulaires. Les gardiens leur auraient expliqué que ces formulaires et photographies avaient été réclamés par des employés de l’ambassade d’Érythrée en Libye afin de pouvoir émettre des documents de voyage en vue de leur expulsion. Aucun d’entre eux ne semblait toutefois avoir été expulsé à la fin de l’année. Bon nombre de ces Érythréens étaient, semble-t-il, des conscrits contraints, dans leur pays, d’effectuer un service militaire d’une durée illimitée.
Discrimination envers les femmes
Le Comité des droits de l’homme [ONU] a de nouveau exprimé sa préoccupation « face aux inégalités qui continuent d’exister entre hommes et femmes dans de nombreux domaines, dans la loi et la pratique, en particulier en ce qui concerne la succession et le divorce ». Il déplorait que « la législation libyenne autorise la détention forcée de femmes qui n’ont pas été condamnées, dans ce qui est appelé des établissements de réadaptation sociale » et regrettait que la Libye n’ait « pas encore adopté de législation visant à protéger les femmes contre la violence, en particulier la violence domestique ».
Les autorités ont promulgué un décret rétrograde privant les enfants nés de mère libyenne et de père étranger de la gratuité de l’enseignement public, un droit dont ils bénéficiaient jusqu’alors au même titre que les enfants de père libyen et de mère libyenne ou étrangère. Les enfants de mère libyenne et de père étranger n’auraient pas été autorisés à s’inscrire dans les écoles publiques au moment de la rentrée scolaire, en septembre. En octobre, les autorités ont annoncé que ces enfants pouvaient fréquenter ces établissements à condition que leur famille s’acquitte des frais de scolarité ou en soit exemptée en raison de ressources modestes.
Impunité
L’impunité restait source de profonde préoccupation. Trois hommes qui étaient, semble-t-il, membres de la Garde révolutionnaire ont été jugés en juillet et déclarés coupables du meurtre de Daif al Ghazal. Ce journaliste avait été tué en 2005 dans des circonstances permettant de supposer que son assassinat était lié à ses écrits. Certes, les auteurs présumés de ce crime ont été contraints de répondre de leurs actes, mais cette mesure rare et positive a été ternie par les condamnations à mort prononcées contre eux, ainsi que par l’absence manifeste de publicité des débats.
Aucune initiative n’a été prise pour aborder les violations flagrantes des droits humains commises par le passé. Parmi ces agissements, perpétrés notamment dans les années 1970, 1980 et 1990, figuraient la disparition forcée de plusieurs centaines de personnes dont beaucoup, incarcérées pour des motifs politiques, sont probablement mortes en détention.
Aucune information n’a été fournie sur l’enquête, qui n’était apparemment pas terminée, menée sur les événements qui s’étaient déroulés en 1996 dans la prison d’Abou Salim et au cours desquels plusieurs centaines de prisonniers auraient trouvé la mort.
Visites d’Amnesty International
En mai, l’organisation a fait savoir au gouvernement qu’elle souhaitait envoyer une délégation en Libye, mais l’accès au pays ne lui avait pas été accordé à la fin de l’année.
Autres documents d’Amnesty International
- Libye. Les six membres du personnel soignant doivent être libérés (MDE 19/002/2007).
- Libyan Arab Jamahiriya : Briefing to the UN Human Rights Committee (MDE 19/008/2007).
- Libyan Arab Jamahiriya : Addendum to briefing to the UN Human Rights Committee (MDE 19/015/2007).