Cameroun

RÉPUBLIQUE DU CAMEROUN
CHEF DE L’ÉTAT : Paul Biya
CHEF DU GOUVERNEMENT : Ephraïm Inoni, remplacé par Philémon Yang le 29 juin
PEINE DE MORT : abolie en pratique
POPULATION : 19,5 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 50,9 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 151 / 136 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 67,9 %

Des opposants, des journalistes et des défenseurs des droits humains ont été interpellés, placés en détention et jugés pour avoir critiqué le gouvernement ou ses représentants. Un homme au moins a été arrêté sous l’accusation de pratiques homosexuelles. Les conditions de détention demeuraient éprouvantes et mettaient souvent la vie des prisonniers en danger. Les membres des forces de sécurité impliqués dans les violations des droits humains perpétrées en février 2008 jouissaient toujours de l’impunité. Un certain nombre de prisonniers demeuraient sous le coup d’une condamnation à mort.

Contexte

Dans le cadre d’un remaniement gouvernemental effectué en juin, le président Paul Biya a nommé Philémon Yang au poste de Premier ministre, en remplacement d’Ephraïm Inoni.
Le chef de l’État a mis en place une nouvelle commission chargée de préparer les élections générales de 2011. Les partis d’opposition et les organisations de la société civile ont demandé une réforme de cette instance, appelée Élections-Cameroun (ELECAM), que les détracteurs du gouvernement accusaient d’être dominée par des sympathisants du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir).
Cette année encore, d’anciens responsables de l’État et dirigeants d’entreprises publiques accusés de corruption ont été arrêtés, placés en détention et poursuivis en justice. En août, la Commission nationale de lutte contre la corruption a publié un rapport mettant en cause 47 fonctionnaires du ministère de l’Agriculture pour des détournements de fonds destinés à la production de maïs. En septembre, une ONG locale, l’Association citoyenne de défense des intérêts collectifs (ACDIC), a déposé une plainte devant un tribunal de grande instance contre ces 47 personnes.

Prisonniers politiques

 ?Le procès de John Fru Ndi, chef de file du Front social démocratique (SDF), et d’au moins 20 autres personnes accusées d’implication dans le meurtre de Grégoire Diboulé, en 2006, a été ajourné à maintes reprises et ne s’était toujours pas ouvert à la fin de l’année.
 ?En juin, la cour d’appel de la région du Littoral a confirmé la condamnation et la peine prononcées en 2008 par le tribunal de grande instance du Mungo contre Pierre Lambo Sandjo. Ce musicien et militant politique s’est vu infliger trois années d’emprisonnement pour avoir participé aux émeutes de février 2008.
Liberté d’association
Cette année encore, des membres du Conseil national du Cameroun méridional (SCNC) ont été arrêtés et incarcérés. Le SCNC est un groupe séparatiste anglophone aux revendications non violentes.
 ?En février, des policiers de la ville de Tiko, dans la province du Sud-Ouest, ont arrêté et détenu pendant une courte période 25 membres du SCNC. Ces derniers s’étaient rendus au tribunal pour soutenir plusieurs de leurs camarades qui comparaissaient pour avoir organisé un rassemblement illégal en octobre 2008.
 ?En mars, sept membres du SCNC soupçonnés d’avoir organisé une réunion illégale ont été arrêtés et placés en détention. Ils ont été libérés à titre provisoire le 2 avril.
 ?En mai, le tribunal de grande instance du Manyu (province du Sud-Ouest) a condamné trois dirigeants du SCNC à cinq mois d’emprisonnement pour appartenance à une organisation étrangère non reconnue au Cameroun. Les trois hommes, parmi lesquels figurait le président national du mouvement, Nfor Ngala Nfor, étaient en attente de jugement depuis leur arrestation, en septembre 2002. Ils avaient été appréhendés à leur retour du Nigeria, où ils s’étaient rendus afin de rassembler des soutiens en faveur des objectifs politiques de leur organisation. Le tribunal a suivi le raisonnement du ministère public selon lequel le SCNC n’était pas reconnu au Cameroun et constituait de fait une organisation étrangère non inscrite auprès des autorités, dont les membres étaient passibles de poursuites en vertu du Code pénal.
Liberté d’expression – journalistes et défenseurs des droits humains
Le gouvernement a continué de museler les détracteurs de sa politique, notamment les journalistes et les défenseurs des droits humains.
 ?Lewis Medjo, directeur du journal La Détente Libre, a été condamné à trois ans de prison en janvier. Il a été reconnu coupable de « propagation de fausses nouvelles », à la suite de la publication d’un article affirmant que le président Paul Biya voulait contraindre le président de la Cour suprême à la démission.
 ?Jugés par contumace, deux journalistes de La Nouvelle ont été condamnés en juin à cinq ans d’emprisonnement par le tribunal militaire de Yaoundé. Jacques Blaise Mvié et Charles René Nwé ont été déclarés coupables d’outrage à une autorité et de violation du secret défense. Le procès était lié à la publication d’un article affirmant que le ministre de la Défense avait été mêlé à un complot visant à renverser le gouvernement.
 ?En décembre, le directeur de publication de Germinal, Jean-Bosco Talla, a été arrêté et inculpé d’outrage au chef de l’État. Le journal avait publié un extrait d’un livre interdit de diffusion qui avance que le président Paul Biya et son prédécesseur, Ahmadou Ahidjo, avaient conclu un pacte politique en le scellant d’un rapport homosexuel. Le 28 décembre, le tribunal de première instance de Yaoundé a condamné Jean-Bosco Talla à une peine d’un an d’emprisonnement avec sursis ainsi qu’à une amende. Il lui a, en outre, ordonné de régler les frais de justice, soit 3 154 600 francs CFA au total (environ 4 800 euros). Le journaliste se trouvait toujours en détention provisoire à la fin de l’année car il n’avait pas réglé cette somme. En juillet, il avait reçu des menaces de mort par téléphone, après la publication dans Germinal d’un rapport affirmant que le chef de l’État avait acquis des biens immobiliers en France par des pratiques entachées de corruption.
Droits des lesbiennes, des gays, des personnes bisexuelles et des transgenres
Le Code pénal érigeait en infraction les relations sexuelles entre personnes du même sexe.
En juillet, des responsables de l’Église catholique ont organisé une manifestation à Douala afin de dénoncer la ratification par le Cameroun, en mai, du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes (Protocole de Maputo), qui garantit aux femmes des droits étendus. Pour les dirigeants ecclésiastiques, l’adoption du protocole équivalait à la légalisation de l’avortement et de l’homosexualité dans le pays.
 ?Yves Noé Ewane a été arrêté en mai et inculpé de pratiques homosexuelles. Il a dans un premier temps réfuté cette accusation, puis aurait reconnu certains faits après avoir été forcé de demeurer nu pendant plusieurs jours et s’être vu refuser la visite de ses proches. Yves Noé Ewane a été remis en liberté en septembre.

Conditions carcérales

Dans l’ensemble du pays, les conditions carcérales demeuraient éprouvantes et mettaient en danger la vie des détenus. Un rapport publié en août par la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés (CNDHL) indiquait que cinq cas de mort en détention étaient recensés chaque année en moyenne en raison du manque d’hygiène et de soins médicaux. La Commission s’est également déclarée préoccupée par le fait que 62 % des prisonniers se trouvaient en détention prolongée sans jugement, certains étant incarcérés depuis neuf ans.
Les lieux de détention demeuraient peu sûrs, voire dangereux.
 ?De nombreux détenus de la prison de Bamenda ont été blessés lors d’une mutinerie intervenue en janvier. Dix prisonniers, dont deux condamnés à mort, se sont évadés en mars. Huit d’entre eux avaient été reconnus coupables de viol ou de vol à main armée.
 ?En juin, une cinquantaine de détenus se sont évadés de la prison de Yagona, dans la province de l’Extrême-Nord. Une majorité d’entre eux ont été repris, mais près de 20 demeuraient en fuite à la fin de l’année. Dix-huit détenus se sont par ailleurs évadés de la prison de Méri, située dans la même province.

Impunité

Le gouvernement ne semblait avoir pris aucune mesure administrative ou judiciaire afin d’enquêter sur les homicides illégaux et les autres violations des droits humains perpétrés par les forces de sécurité contre des civils lors des violentes manifestations survenues en février 2008. Les instigateurs et les auteurs de ces violations n’avaient toujours pas eu à rendre compte de leurs actes, et les victimes n’avaient reçu aucune forme de réparation.
Peine de mort
Un certain nombre de prisonniers demeuraient sous le coup d’une condamnation à mort. Parmi eux figurait Jérôme Youta, reconnu coupable en 1999 du meurtre de son père à l’issue d’un procès considéré inéquitable par son avocat et par lui-même. On ne savait pas précisément combien de personnes avaient été condamnées à la sentence capitale en 2009. La dernière exécution connue a eu lieu en 1997.

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