Ces paroles ont été recueillies par Amnesty International au Pakistan. Elles ont été prononcées par une institutrice en train de fuir les combats intenses qui ont obligé plus de deux millions de personnes à quitter leur foyer dans la Province de la Frontière du Nord-Ouest (NWFP) et dans les zones tribales sous administration fédérale (FATA) voisines de la frontière afghane.
Les sentiments exprimés par cette femme sont partagés par les millions de personnes qui, dans toute la région Asie-Pacifique, ont été contraintes de fuir leur foyer, et souvent aussi leur pays, en raison de l’insécurité ou pour des motifs économiques.
Près de 500 000 Pakistanais étaient déplacés au début de l’année. Les personnes avec lesquelles les délégués de l’organisation se sont entretenus avaient été confrontées aux violences perpétrées par les talibans – exécutions publiques, actes de torture et restrictions draconiennes imposées aux femmes et aux filles concernant l’accès aux soins médicaux et à l’éducation, notamment –, mais la plupart ont expliqué qu’elles avaient fui pour échapper aux opérations anti-insurrectionnelles brutales des autorités pakistanaises. Ainsi, en avril, alors que les talibans avaient étendu leur contrôle à des régions facilement accessibles en voiture depuis Islamabad, le gouvernement a lancé un nouvel assaut qui a provoqué la fuite de plus de deux millions de personnes.
Lors du conflit auquel la région du nord-ouest du pays frontalière de l’Afghanistan était en proie de longue date, le gouvernement a recouru tantôt à l’apaisement tantôt à une violence extrême, mais aucune de ces deux stratégies n’indiquait que les autorités étaient déterminées à protéger les droits humains des Pakistanais. Il existe en fait un lien évident entre l’intensification du conflit et l’attitude qu’ont eue les différents gouvernements qui se sont succédé et qui, pendant des décennies, ont négligé les droits des millions de personnes vivant dans cette région difficile et manqué à l’obligation de rendre des comptes pour les atteintes présentes et passées à ces droits. Les habitants des zones tribales frontalières de l’Afghanistan ne bénéficient aujourd’hui toujours pas des mêmes droits que les autres citoyens pakistanais. En effet, conformément à l’Ordonnance relative aux crimes commis dans la zone-frontière, qui date de 1901 et qui régit toujours la plupart des questions administratives et judiciaires dans les FATA, ils ne sont pas soumis à l’autorité de l’Assemblée nationale ni à celle du pouvoir judiciaire. Ainsi, les habitants des FATA peuvent juridiquement se voir infliger des châtiments collectifs ; cela signifie que le gouvernement peut punir tout membre d’une tribu se trouvant sur un territoire où un crime a été commis, ou ayant « agi de manière hostile ou inamicale » ou été complice d’un crime de quelque manière que ce soit, ou n’ayant pas fourni d’éléments de preuve concernant un crime. Les habitants des FATA connaissent par ailleurs des taux de mortalité maternelle et infantile parmi les plus élevés de toute la région. C’est également le cas du taux d’analphabétisme, particulièrement chez les femmes et les filles.
À la fin de l’année, des millions de personnes dans toute la région Asie-Pacifique attendaient toujours de leur gouvernement qu’il protège leurs droits. L’obligation de rendre des comptes pour les injustices dont elles étaient victimes était rarement respectée, tout particulièrement lorsqu’elles appartenaient à des catégories marginalisées ou étaient démunies. Personne n’assumait les responsabilités liées aux populations en mouvement, c’est-à-dire aux personnes qui franchissaient des frontières internationales en qualité de réfugiés, de demandeurs d’asile ou de travailleurs migrants, ou qui étaient amenées à se déplacer à l’intérieur de leur propre pays parce qu’elles avaient été chassées de chez elles ou étaient à la recherche d’un emploi. Ces personnes qui subissaient des violations de leurs droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels n’étaient pas en mesure de se défendre.
Conflits
La grande majorité des personnes déplacées en raison d’un conflit armé cherchaient refuge à l’intérieur de leur propre pays. Beaucoup avaient la chance de recevoir une aide humanitaire les empêchant de mourir de faim ou des suites de maladies, mais la plupart d’entre elles pâtissaient d’un accès insuffisant aux services d’assainissement, aux soins médicaux et à l’éducation.
Elles n’avaient pas la possibilité de dénoncer leur situation ni d’obtenir réparation pour les atteintes aux droits humains qui les avaient contraintes à quitter leur foyer.
De janvier à la mi-mai, quelque 300 000 Sri-Lankais se sont retrouvés piégés sur une étroite bande côtière dans le nord-est du pays, pris en étau entre les Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul (LTTE) qui battaient en retraite et l’armée sri-lankaise qui progressait. Dans bien des cas, les LTTE les ont empêchés de fuir alors que les forces gouvernementales bombardaient la région. Des milliers de personnes ont été tuées.
Les autorités sri-lankaises n’allaient vraisemblablement pas obliger les responsables présumés des atrocités commises par les deux camps pendant les combats, notamment durant la phase finale, particulièrement sanglante, à rendre compte de leurs actes, et ce malgré une promesse faite au secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon.
Le gouvernement sri-lankais avait par ailleurs promis d’autoriser les centaines de milliers de Tamouls qui avaient survécu à la guerre à rentrer chez eux. Or, à la fin de l’année, plus de 100 000 d’entre eux étaient toujours retenus dans des camps gérés par l’armée, où ils étaient privés de leur liberté de mouvement. Beaucoup avaient vécu des mois très difficiles où ils avaient été forcés de se déplacer avec les LTTE qui battaient en retraite et recrutaient de force des civils, y compris des enfants, qu’ils utilisaient parfois comme boucliers humains. Invoquant différents problèmes de sécurité, le gouvernement sri-lankais a empêché les observateurs indépendants d’évaluer librement les conditions de vie des personnes détenues. Cette impossibilité de se rendre sur le terrain a entravé les efforts visant à recueillir des informations sur les violations du droit humanitaire commises durant ce long conflit, et bloqué en conséquence toute possibilité d’amener les responsables de violations à répondre de leurs actes.
Des dizaines de milliers d’Afghans ont été déplacés en raison à la fois de l’intensification des violences commises par les talibans et de l’incapacité du gouvernement central et de ses alliés internationaux à améliorer la situation politique et économique du pays. Plus de 2 400 civils ont été tués, les deux tiers environ de ces morts étant imputables aux talibans afghans ; les pires épisodes de violence ont eu lieu quand les talibans ont tenté de perturber l’élection présidentielle.
En dépit de ces attaques, des millions d’Afghans ont exercé leur droit de vote le jour du scrutin. Leur choix a cependant été remis en cause par l’incapacité du gouvernement afghan et de ses soutiens internationaux à instaurer un mécanisme approprié de protection des droits humains. Des partisans des principaux candidats, notamment du président Hamid Karzaï, ont intimidé et harcelé des militants politiques et des journalistes, tant avant les élections que le jour du scrutin et dans la période qui a suivi. Des observateurs indépendants ont immédiatement dénoncé la fraude électorale, et le processus de vérification des résultats s’est ensuite prolongé pendant plusieurs mois, ce qui a davantage encore mis à mal la légitimité du scrutin et porté atteinte au droit des Afghans de participer à la conduite des affaires publiques de leur pays.
Cette année encore, les femmes afghanes ont payé un lourd tribut au conflit : les talibans ont pris pour cibles des défenseures et militantes des droits humains ainsi que des écoles et des centres de santé, particulièrement ceux destinés aux filles et aux femmes ; par ailleurs, l’insécurité persistante compromettait les avancées très modestes obtenues par les Afghanes depuis la chute du régime des talibans.
Aux Philippines, plus de 200 000 civils vivaient toujours dans des camps ou dans des abris de fortune sur l’île de Mindanao, en proie à un conflit. Ils étaient dans certains cas entourés d’une très importante présence militaire, malgré le cessez-le-feu conclu en juillet entre l’armée philippine et les insurgés du Front de libération islamique Moro (MILF). Le conflit était fortement marqué par les agissements criminels de groupes paramilitaires et de milices qui étaient contrôlés et financés par des hommes politiques locaux et qui n’avaient de comptes à rendre à personne.
C’est dans ce contexte d’impunité persistante dont bénéficiaient ces forces qu’au moins 57 personnes, dont plus de 30 journalistes, ont été tuées. Ce massacre, perpétré dans des conditions évoquant une exécution, a eu lieu le 23 novembre, la veille du dépôt des candidatures pour l’élection au poste de gouverneur de la province. La gravité de ce crime a amené le gouvernement à instaurer la loi martiale pendant une courte période afin de réaffirmer son pouvoir, et à engager des poursuites contre plusieurs membres de la puissante famille Ampatuan, qui domine la vie politique dans la province depuis une dizaine d’années.
Répression de la dissidence
Dans d’autres parties de la région Asie-Pacifique, ce n’est pas la violence d’un conflit qui a chassé des personnes de chez elles et les a privées de leurs droits, mais plutôt la répression permanente.
Des milliers de gens ont fui la Corée du Nord et le Myanmar pour échapper aux violations systématiques et persistantes de leurs droits fondamentaux perpétrées par leur gouvernement. Les Coréens du Nord franchissaient illégalement la frontière chinoise essentiellement pour échapper à la répression politique et à la crise économique que connaissait leur pays. Ceux qui étaient arrêtés par les autorités chinoises et renvoyés de force en Corée du Nord risquaient d’être placés en détention, soumis au travail forcé et torturés ; des cas de mort en détention ont même été signalés.
La Chine considérait tous les Nord-Coréens en situation irrégulière comme des migrants économiques et non comme des réfugiés, et elle continuait d’empêcher le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) de les rencontrer. En 2009, le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée a déclaré que la plupart des Nord-Coréens qui passaient la frontière chinoise avaient droit à une protection internationale car ils risquaient d’être persécutés et sanctionnés en cas de retour dans leur pays.
Par ailleurs, les autorités nord-coréennes continuaient d’empêcher leurs propres ressortissants de se déplacer librement à l’intérieur du pays. Les Nord-Coréens ne pouvaient ainsi pas voyager sans une autorisation officielle. Ces règles ont semble-t-il été assouplies tandis que des milliers de gens quittaient leur foyer à la recherche de nourriture ou d’une meilleure situation économique ; ces derniers restaient cependant exposés à des sanctions au titre de la législation en vigueur et étaient souvent victimes d’extorsion de la part d’agents de l’État.
Des milliers de personnes ont été déplacées au Myanmar, où les forces de sécurité gouvernementales violaient systématiquement les lois de la guerre lors d’opérations menées contre des groupes d’opposition armée recrutant dans différentes minorités ethniques du pays. Le gouvernement continuait de réprimer la dissidence politique ; on recensait 2 100 prisonniers politiques dans le pays à la fin de l’année. La plus célèbre de ces détenus, Aung San Suu Kyi, a passé 13 des 20 dernières années en détention, la plupart du temps en résidence surveillée. Elle a été condamnée le 11 août à 18 mois supplémentaires de résidence surveillée, à l’issue d’un procès inéquitable qui s’est déroulé dans la prison d’Insein, à Yangon. Les charges retenues contre elle étaient liées à la visite non sollicitée d’un ressortissant américain qui, début mai, avait pénétré dans l’enceinte de sa propriété et y avait passé deux nuits.
La situation tragique des Rohingyas, une minorité musulmane de l’ouest du pays qui fait l’objet de persécutions, a cette année encore tristement marqué l’actualité : des milliers d’entre eux ont fui par bateau vers la Thaïlande et la Malaisie, mais les forces de sécurité thaïlandaises, qui voulaient empêcher un afflux de réfugiés, ont expulsé plusieurs centaines de ces personnes et les ont renvoyées vers le large avec des quantités insuffisantes d’eau et de nourriture, dans des embarcations qui n’étaient pas en état de naviguer.
À la fin de l’année, les autorités thaïlandaises ont également renvoyé dans leur pays contre leur gré quelque 4 500 Hmongs du Laos ; un grand nombre d’entre eux fuyaient les persécutions et 158 avaient obtenu le statut de réfugié. Le gouvernement laotien a refusé d’autoriser les Nations unies, entre autres, à se rendre auprès de ces personnes après leur retour afin de contrôler leurs conditions de vie.
En décembre, le gouvernement chinois a obtenu des autorités cambodgiennes le renvoi de 20 demandeurs d’asile ouïghours qui avaient fui la répression après les troubles intervenus au mois de juillet dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang. Cette initiative s’inscrivait dans la politique de plus en plus ferme des autorités chinoises consistant à pousser les pays tiers à ne pas soutenir des voix dissidentes en Chine. Les autorités chinoises ont intensifié leurs pressions contre toute forme de contestation interne ; des dizaines d’avocats et de défenseurs des droits humains ont été arrêtés et harcelés. Les signataires de la Charte 08, un manifeste réclamant une participation populaire et un meilleur respect des droits humains, ont tout particulièrement été pris pour cible.
La Chine restait le pays du monde qui procédait au plus grand nombre d’exécutions. L’ampleur réelle du problème restait cependant cachée, du fait des lois relatives aux secrets d’État.
Préoccupations d’ordre économique
La grande majorité des personnes qui ont quitté leur foyer dans la région Asie-Pacifique l’ont fait pour des raisons économiques. En Chine, des millions de ruraux qui avaient rejoint de grands centres économiques ont été contraints de retourner dans leurs campagnes après avoir pris conscience des inégalités qui se creusaient entre les nouveaux riches et les millions de gens qui n’avaient toujours pas accès à l’éducation ni à des soins médicaux appropriés.
Comme les années précédentes, dans des pays comme les Philippines, le Népal, l’Indonésie ou encore le Bangladesh, des millions de personnes sont parties de chez elles pour aller gagner leur vie à l’étranger, notamment en Corée du Sud, au Japon et en Malaisie, et même dans des pays plus lointains. Malgré certaines améliorations apportées aux cadres juridiques nationaux et bilatéraux régissant l’embauche et le transport des travailleurs migrants, ainsi que leurs conditions de vie et de travail, la plupart de ceux qui prenaient part à cette circulation massive et transfrontalière de main-d’œuvre ne bénéficiaient pas de la totalité de leurs droits. Cela résultait dans bien des cas des pratiques des gouvernements, mais souvent aussi d’un racisme et d’une xénophobie exacerbés par la crise économique.
C’est dans ce climat de discrimination pesant sur les travailleurs migrants dans toute la région, même à l’intérieur de leur propre pays, qu’est survenue l’une des pires éruptions de violence que la région autonome ouïghoure du Xinjiang ait récemment connue. Les troubles ont débuté par des manifestations non violentes dénonçant la passivité du gouvernement à la suite de la mort de deux personnes lors d’une émeute dans une usine de Shaoguan, dans la province du Guangdong. Le 26 juin, des affrontements ont éclaté entre plusieurs centaines d’ouvriers ouïghours et des milliers d’ouvriers chinois hans dans une usine qui avait recruté des travailleurs ouïghours dans le Xinjiang. Début juillet, les mouvements de protestation dans cette région ont dégénéré en émeutes de grande ampleur au cours desquelles plus de 190 personnes auraient été tuées. Comme il fallait sans doute s’y attendre compte tenu des décennies de politique de marginalisation et de discrimination exercée par les autorités envers la communauté ouïghoure, la responsabilité des violences a été rejetée sur des militants ouïghours sans qu’aucune enquête indépendante ait été menée et en l’absence de véritable procès. Au moins neuf des accusés ont été exécutés quelques mois seulement après les faits, et les autorités ont promis de réprimer de manière très sévère tout nouveau mouvement d’agitation.
L’un des exemples les plus flagrants de mauvais traitements infligés à des travailleurs migrants concerne la Malaisie, où les étrangers représentent un cinquième de la main d’œuvre du pays. Des statistiques officielles rendues publiques au cours de l’année ont en effet révélé qu’entre 2002 et 2008, les autorités avaient infligé une peine de bastonnade – un châtiment cruel et dégradant – à près de 35 000 migrants, dans de nombreux cas pour des infractions à la législation sur l’immigration. Outre les travailleurs clandestins, risquaient également de subir la bastonnade ceux qui étaient en situation régulière mais dont le passeport avait été confisqué par leur employeur, ainsi que les demandeurs d’asile et les réfugiés. Des milliers de travailleurs migrants étaient incarcérés dans des centres de détention où les conditions de vie n’étaient pas conformes aux normes internationales ; ils ne bénéficiaient souvent pas d’une protection juridique ni des garanties d’une procédure régulière.
Même lorsqu’ils étaient mieux protégés par la loi, leur statut marginalisé les exposait à des mauvais traitements. Ainsi, la Corée du Sud – qui était pourtant l’un des premiers pays d’Asie à avoir reconnu dans sa législation les droits des travailleurs migrants – ne protégeait pas ces travailleurs contre les mauvais traitements infligés par les employeurs ni contre la traite aux fins d’exploitation sexuelle ou le non-paiement des salaires pendant de longues périodes.
Logement – expulsions forcées
Dans de nombreux autres cas, des personnes ont été victimes d’expulsions forcées pour des raisons économiques. Les autorités cambodgiennes ont ainsi chassé de chez elles des familles disposant de faibles revenus qui vivaient dans une zone en cours de réaménagement dans le centre de Phnom Penh, après les avoir harcelées et intimidées pendant trois ans. Dans un autre cas, 31 familles dont des membres étaient atteints du VIH/sida ont été expulsées de Phnom Penh. La majorité d’entre elles ont été réinstallées dans des bâtiments très inadaptés, et n’avaient qu’un accès limité aux soins médicaux dont elles avaient besoin.
En Inde, des milliers d’autochtones vivant sur un site qu’ils considéraient comme sacré risquaient d’être déplacés en raison d’un projet d’exploitation d’une mine de bauxite et de production d’aluminium dans l’État d’Orissa, dans l’est du pays. À Lanjigarh, depuis que la raffinerie d’alumine de la société Vedanta a commencé à fonctionner, il y a deux ans, la population locale boit une eau contaminée, respire un air pollué et vit constamment dans la poussière et dans le bruit. D’autres projets liés à l’exploitation d’une mine dans les collines de Nyamgiri menaçaient l’existence et les moyens de subsistance des Dongrias Kondhs, une communauté d’adivasis (aborigènes).
En avril 2009, les autorités indiennes ont autorisé la société Sterlite Industries India et la Compagnie minière de l’Orissa, une entreprise publique, à exploiter pendant 25 ans une mine de bauxite sur les terres ancestrales des Dongrias Kondhs.
En Papouasie-Nouvelle-Guinée, la police a procédé à l’expulsion forcée des habitants d’une centaine de maisons situées à proximité de la mine de Porgera, exploitée par une filiale de la société multinationale canadienne Barrick Gold.
Au Viêt-Nam, des groupes violents, agissant apparemment avec le soutien des autorités, ont expulsé près de 200 moines et nonnes bouddhistes d’un monastère situé dans le centre du pays. Ces religieux s’y étaient réfugiés après avoir déjà été expulsés d’un autre monastère dans des conditions similaires, en septembre. Les autorités ont nié toute implication, mais n’ont pris aucune mesure pour les protéger et ne leur ont proposé aucune solution de relogement appropriée.
Les personnes qui perdaient ainsi leur logement se retrouvaient à chaque fois dans une situation où il leur était difficile de bénéficier de leurs droits et d’obtenir réparation pour les violations dont elles étaient victimes.
Déplacements liés à des problèmes environnementaux
Le Sommet de Copenhague sur le changement climatique n’a pas permis d’aboutir à un consensus au niveau mondial concernant les mesures à prendre pour faire face aux importants changements environnementaux, alors même que leurs effets étaient facilement perceptibles. Le gouvernement des Maldives s’est réuni sous l’eau juste avant le Sommet de Copenhague afin de bien faire comprendre que l’archipel risquait de disparaître sous l’océan Indien dans un avenir proche. Plusieurs États du Pacifique ont également annoncé qu’ils craignaient d’être engloutis sous les eaux.
Au Tibet et au Népal, où certains des plus grands fleuves du monde prennent leur source, ainsi qu’au Bangladesh, le risque de sécheresses ou d’inondations catastrophiques a provoqué des déplacements de population et en conséquence une instabilité politique. Les problèmes liés à l’environnement ont ainsi eu des répercussions sur la situation des droits humains, et comme cela est souvent le cas, ce sont les populations les plus pauvres et les plus marginalisées qui étaient le plus exposées à ces problèmes et les moins susceptibles de recevoir une aide de la part de leur gouvernement.
Conclusion
De manière générale, les pays de la région Asie-Pacifique n’ont pas pris les mesures nécessaires pour protéger les droits des personnes qui avaient dû quitter leur foyer. La plupart des pays de la région n’ont même pas ratifié la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés ou son protocole de 1967, qui énoncent les droits des personnes ayant fui leur pays en raison de persécutions ou d’un danger manifeste.
Le système de protection des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays était en outre très peu développé par rapport au cadre juridique international mis en place pour protéger les droits des réfugiés et des demandeurs d’asile. Mais la principale difficulté entravant la protection des personnes déplacées tenait au fait que de nombreux gouvernements de la région ne respectaient guère l’obligation de rendre des comptes.
Ce problème était particulièrement manifeste dans le cas du Sri Lanka. Le Conseil des droits de l’homme [ONU] a en effet adopté le 27 mai une résolution très mal conçue relative à ce pays, qui non seulement ne prenait pas en compte les appels en faveur d’une enquête internationale sur les atrocités commises dans le cadre du conflit au Sri Lanka, mais félicitait le gouvernement de Colombo. Les questions de politique internationale et la volonté d’éviter les difficultés l’ont emporté sur les préoccupations liées au bien-être de centaines de milliers de Sri-Lankais. La communauté internationale continuait également de fermer les yeux sur les violations massives des droits humains qui avaient obligé des milliers de Sri-Lankais à quitter leur foyer.
La Chine et l’Inde, apparemment en concurrence pour l’accès aux ressources du Myanmar, n’ont pas usé de leur influence politique et économique pour amener le gouvernement de ce pays à mettre un frein à sa politique d’exclusion de la dissidence interne, représentée notamment par Aung San Suu Kyi, ni pour mettre un terme à la répression exercée contre différentes minorités ethniques. Les images pourtant très médiatisées de Rohingyas dérivant en pleine mer n’ont pas non plus déclenché de réaction de la part des pays voisins du Myanmar réunis au sein de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE).
Les membres de l’ANASE ont finalement tous ratifié la charte de cette organisation qui contient plusieurs dispositions relatives aux droits humains, dont l’une prévoit la création d’un organe chargé de la protection de ces droits. Néanmoins, la plupart des pays de la région n’avaient toujours pas signé nombre des principaux traités internationaux relatifs aux droits humains. Amnesty International estime que la région a en particulier manqué à son obligation d’apporter une réponse régionale claire aux problèmes persistants liés aux flux transfrontaliers de personnes ou aux problèmes relatifs aux droits humains qui sont à l’origine de ces mouvements.
Tout porte à croire que les mouvements de populations dans le monde, tant à l’intérieur des frontières d’un pays qu’au niveau international, vont continuer de croître, que ce soit en raison de conflits ou de problèmes économiques ou environnementaux. Pourtant rien n’indique que la communauté internationale ait entrepris de modifier et d’adapter le cadre juridique existant pour faire face à ce phénomène. Il est absolument nécessaire de reconnaître que les personnes qui partent de chez elles ont toutes le droit de bénéficier de l’ensemble de leurs droits fondamentaux, quels que soient les motifs qui ont provoqué leur départ.
Les États ne peuvent pas toujours faire face seuls aux problèmes liés au déplacement de leur population, soit parce que ces mouvements de personnes à l’intérieur de leurs frontières sont d’une trop grande ampleur, soit parce qu’ils s’effectuent vers des pays voisins ou plus lointains. Cette réalité a été de mieux en mieux comprise au cours des dernières décennies, mais elle doit à présent être davantage prise en compte pour répondre aux besoins liés aux flux de populations à travers le monde.
Une grande partie de la population mondiale des travailleurs migrants, des réfugiés, des demandeurs d’asile et des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays vivent dans la région Asie-Pacifique ou en sont originaires. Ces personnes attendent des organisations et des gouvernements de la région qu’ils suivent de près leur situation et qu’ils prennent les mesures nécessaires pour leur venir en aide.