Allemagne

La politique du gouvernement consistant à procéder à des expulsions après avoir obtenu des assurances exposait des personnes à de graves violations des droits humains et portait atteinte au principe de l’interdiction absolue de la torture. Le Parlement a rendu les conclusions de son enquête sur les « restitutions » (transfert illégal de suspects entre différents pays) et sur d’autres infractions en relation avec la lutte contre le terrorisme. Les droits économiques, sociaux et culturels des migrants en situation irrégulière n’étaient pas respectés.

RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D’ALLEMAGNE
CHEF DE L’ÉTAT : Horst Köhler
CHEF DU GOUVERNEMENT : Angela Merkel
PEINE DE MORT : abolie
POPULATION : 82,2 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 79,8 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 5 / 5 ‰

Lutte contre le terrorisme et sécurité

Deux affaires criminelles concernant des terroristes présumés ont suscité des inquiétudes quant à l’utilisation de preuves apparemment extorquées sous la torture.
Dans le cadre d’un dossier jugé par le tribunal régional supérieur de Coblence entre décembre 2008 et juillet 2009, l’acte d’accusation du parquet s’était fondé pour partie sur des déclarations faites par l’accusé pendant sa détention au Pakistan, durant laquelle il affirmait avoir été battu et privé de sommeil.
En avril, on a appris qu’en juin et en septembre 2008 des enquêteurs allemands avaient interrogé un témoin détenu à Tachkent en présence d’agents du Service de la sécurité nationale d’un pays, l’Ouzbékistan, où la pratique de la torture est systématique. Ces interrogatoires s’inscrivaient dans le cadre d’une enquête pénale concernant une affaire jugée par le tribunal régional supérieur de Düsseldorf.
Les dispositions réglementaires concernant l’application de la Loi relative au séjour des étrangers sont entrées en vigueur en octobre. Elles prévoient notamment le recours aux « assurances diplomatiques » pour justifier le renvoi de terroristes présumés dans des pays où ils risquent d’être torturés ou de subir d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, ce qui est contraire aux obligations internationales de l’Allemagne. En effet, ces assurances ne sont pas fiables et ne constituent pas une protection efficace contre le risque de torture.
Les autorités ont continué d’accepter les « assurances diplomatiques » données par l’État tunisien, considérant qu’elles étaient suffisantes pour écarter tout risque de torture en cas de renvoi forcé dans leur pays de ressortissants tunisiens suspectés d’activités liées au terrorisme.
Considérant que les « assurances diplomatiques » ouvraient une brèche dans l’interdiction absolue de la torture, le tribunal administratif de Düsseldorf a interdit, en mars, l’expulsion d’un Tunisien vers son pays d’origine. Les autorités allemandes ont contesté ce jugement et l’affaire était en instance à la fin de l’année.
En juillet, le Parlement a soumis au débat les conclusions de son enquête sur les « restitutions » et les détentions secrètes. Le rapport d’enquête excluait toute implication directe ou indirecte des pouvoirs publics et des services du renseignement. Pour Amnesty International, cependant, l’enquête et le rapport fournissaient suffisamment d’éléments prouvant que l’Allemagne était complice de violations des droits humains ; l’organisation a déploré que le Parlement ne propose aucune mesure pour empêcher que de telles dérives ne se reproduisent. Dans une décision rendue le 17 juin, la Cour constitutionnelle fédérale a considéré que le gouvernement avait violé la Loi fondamentale parce qu’il n’avait pas communiqué à la commission d’enquête parlementaire certains documents utiles, en arguant du fait que, dans l’intérêt de l’État, ils devaient rester confidentiels. La commission d’enquête n’a cependant pas repris ses travaux.

Réfugiés et demandeurs d’asile

Le nombre de demandeurs d’asile déboutés expulsés vers la Syrie s’est considérablement accru après l’entrée en vigueur, en janvier, d’un accord de réadmission germano-syrien. Des informations ayant fait état de demandeurs d’asile syriens placés en détention à leur retour dans leur pays d’origine, les autorités allemandes ont demandé une réévaluation des risques et recommandé, à la mi-décembre, un moratoire de fait sur les renvois vers la Syrie.
Khaled Kenjo, un Syrien d’origine kurde, a été arrêté par la Sûreté de l’État syrienne le 13 septembre, 12 jours après avoir été renvoyé de force dans son pays d’origine. Après trois semaines de détention au secret durant lesquelles il a été torturé, selon ses affirmations, il a été inculpé de diffusion à l’étranger de « fausses » informations susceptibles de nuire à la réputation de l’État syrien. Ce chef d’inculpation prononcé par le tribunal militaire d’El Qamishlihi était semble-t-il à mettre en relation avec les activités politiques de Khaled Kenjo en Allemagne.
Les autorités allemandes ont négocié un accord de réadmission avec le Kosovo. Plusieurs Länder ont renvoyé de force des Roms vers le Kosovo, en dépit des risques qu’ils couraient dans ce genre de circonstances. En novembre, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe s’est déclaré préoccupé par ces expulsions.

Droits des migrants

Les migrants en situation irrégulière et leurs enfants n’avaient qu’un accès limité aux soins de santé, à l’éducation et à des voies de recours en cas de violations de leurs droits du travail. Le Land de Hesse devait modifier ses procédures administratives à compter du 1er janvier 2010 pour que les directeurs d’établissements scolaires ne soient plus tenus de déclarer l’identité d’un enfant au Bureau des étrangers, un service fédéral auprès duquel les étrangers ont l’obligation de se faire enregistrer. La nouvelle réglementation en matière de séjour des étrangers prévoit que les hôpitaux publics ne sont pas tenus de communiquer l’identité des migrants en situation irrégulière faisant l’objet d’une admission en urgence.

Police et autres forces de sécurité

En décembre, la Cour fédérale de justice a examiné lors d’une audience publique le dossier d’Oury Jalloh, mort en 2005 des suites d’un choc thermique provoqué par un incendie qui s’était déclaré dans sa cellule de garde à vue. La Cour a critiqué l’enquête menée après les faits. Les proches du défunt ainsi que le ministère public avaient interjeté appel du jugement rendu par le tribunal régional de Dessau, qui avait acquitté deux policiers.
En mai, l’Agence fédérale pour la prévention de la torture a démarré ses travaux au titre de l’article 3 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture [ONU]. Certains observateurs se sont dits préoccupés par l’insuffisance des moyens humains et financiers mis à sa disposition.

Surveillance nationale – Kunduz

Le gouvernement et les autorités militaires ont été mis en cause après les élections générales par les médias et les partis d’opposition, qui les ont accusés de ne pas avoir communiqué un certain nombre d’informations à propos d’un raid aérien conduit par l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) près de Kunduz, en Afghanistan, le 4 septembre. Un nombre de personnes estimé à 142, y compris des civils, avaient été tuées au cours de l’opération (voir Afghanistan). Sous la pression, trois hauts responsables gouvernementaux et militaires ont été contraints de démissionner en novembre. Le 16 décembre, une enquête parlementaire a été ouverte au sujet de la manière dont le gouvernement avait traité ce bombardement aérien et ses conséquences.

Droits humains et relations économiques

En juillet, le gouvernement a annulé la garantie de crédits à l’exportation qui avait été accordée à une entreprise allemande participant au projet de barrage d’Il ?su, en Turquie. La décision a été prise conjointement avec les gouvernements suisse et autrichien, des experts indépendants ayant conclu que le projet ne respecterait pas les normes convenues. La construction du barrage devait en effet conduire à déplacer au moins 55 000 personnes et le programme de réinstallation n’était pas conforme aux normes internationales relatives aux droits humains.

Évolutions législatives

À la fin de l’année, le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels n’avait pas été signé ni ratifié par l’Allemagne, malgré l’annonce qui en avait été faite par le gouvernement en 2008.
Fin décembre, la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains [Conseil de l’Europe] n’avait pas non plus été ratifiée. L’Allemagne continuait d’être un pays de destination et de transit pour les femmes utilisées à des fins d’exploitation sexuelle.

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