Moyen-Orient et Afrique du Nord — Résumé

« Ils m’ont présenté une feuille de papier photocopiée sur laquelle était écrit : “Depuis l’élection, des individus veulent créer le chaos et des troubles. Nous vous prions de prendre sans délai des mesures […] pour identifier les organisateurs et leurs collaborateurs.” Cela m’a paru très étrange. Je leur ai demandé : “Quel est le rapport avec moi ?” Ils ont expliqué qu’il s’agissait d’un mandat général. Puis ils m’ont amenée jusqu’à la voiture. »

Shiva Nazar Ahari, une militante iranienne des droits humains arrêtée le 14 juin, relate son interpellation par des agents du ministère du Renseignement

L’année a débuté avec les bombardements de Gaza par l’aviation israélienne dans le cadre d’un conflit qui a duré 22 jours et a coûté la vie à plusieurs centaines de civils palestiniens, et elle s’est terminée par la montée de la répression en Iran, où des milliers de manifestants sont redescendus dans la rue pour protester contre le résultat contesté de l’élection présidentielle et la répression brutale de la dissidence qui a suivi.
Ces deux cas illustrent, chacun à sa manière, la nécessité d’amener les responsables de violations des droits humains à répondre de leurs actes si l’on veut briser véritablement un cycle bien établi d’atteintes aux droits fondamentaux. Ils mettent également en lumière les obstacles qui empêchent la mise en œuvre de ce processus. À la suite du conflit de Gaza, une enquête rigoureuse menée par les Nations unies a conclu que les deux camps, Israël et le Hamas, avaient commis des crimes de guerre et peut-être des crimes contre l’humanité ; elle leur a demandé de diligenter des investigations crédibles et d’obliger les responsables à rendre compte de leurs actes. Aucune des deux parties n’avait pris de mesure dans ce sens à la fin de l’année.
De leur côté, les autorités iraniennes semblaient davantage enclines à étouffer les allégations de viol et autres actes de torture infligés à des détenus qu’à ordonner des enquêtes. Elles ont également tenté d’imputer la responsabilité des homicides commis par leurs agents aux personnes qui les avaient dénoncés, plutôt que de remplir leur obligation au regard du droit international de mener des enquêtes sérieuses sur les violations des droits humains et d’obliger les responsables à rendre compte de leurs actes. Étant elles-mêmes à l’origine des violations, elles avaient beaucoup à cacher.
Les événements qui se sont déroulés à Gaza et en Iran illustrent de la manière la plus flagrante l’insécurité permanente à laquelle des millions de personnes sont confrontées au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Comme les années précédentes, des divisions politiques, religieuses et ethniques profondes ont été à l’origine de pratiques intolérantes, d’injustices et de conflits violents dans lesquels ceux qui prennent la défense des droits humains ou préconisent des réformes le font trop souvent à leurs risques et périls. Ces divisions et tensions ont également été exacerbées par les ingérences étrangères dans la région, et tout particulièrement par la présence de troupes, ainsi que par les retombées de la crise financière au niveau mondial.

Conflit et insécurité

Le conflit bref et intense qui s’est déroulé à Gaza et dans le sud d’Israël au début de l’année a été marqué par un mépris cynique des deux camps pour la vie des civils, qui ont par conséquent constitué la grande majorité des morts et des blessés.
En Irak également, les civils ont payé un lourd tribut à la guerre – qui sévissait toujours dans la plus grande partie du pays – alors qu’ils s’efforçaient tant bien que mal de vaquer à leurs occupations malgré la tourmente. Le nombre total de victimes était moins élevé que les années précédentes, mais de nombreux civils ont encore été tués. Beaucoup sont morts dans des attentats à l’explosif perpétrés, à Bagdad et dans d’autres villes, par d’obscurs groupes armés qui semblaient souvent choisir leurs cibles dans le but de blesser et de tuer le plus grand nombre possible d’habitants et de déclencher des violences à motivation religieuse. D’autres ont été enlevés et tués par des milices armées liées aux partis représentés au Parlement irakien.
Au Yémen, des milliers de civils ont été contraints de fuir leur foyer – près de 200 000 personnes étaient déplacées à la fin de l’année – et un nombre indéterminé ont été tués à la suite de la reprise et de l’intensification des combats opposant les forces gouvernementales et les partisans armés d’un dignitaire religieux chiite tué en 2004. Le conflit dans le gouvernorat septentrional de Saada s’est étendu à l’Arabie saoudite voisine, dont les troupes ont également affronté les rebelles chiites.
Par ailleurs, dans un contexte marqué par l’aggravation des difficultés économiques, le gouvernement yéménite utilisait de plus en plus souvent des méthodes répressives pour tenter d’endiguer les troubles et les protestations croissantes contre la discrimination ressentie dans le sud du pays.
Dans des pays comme l’Algérie ou l’Égypte, des civils ont été tués lors d’attaques menées par des groupes armés, dont certains étaient apparemment affiliés à Al Qaïda. Ces attaques et les vagues d’arrestations de suspects qui ont généralement suivi ont renforcé le climat d’insécurité dans la région. Elles ont également mis en avant la propension des gouvernements à réagir à l’opposition, y compris pacifique, par la répression et les violations des droits humains plutôt qu’en prenant en compte les revendications politiques, économiques ou sociales sous-jacentes.

Répression de la dissidence

Ces cas ont été les manifestations les plus extrêmes, mais l’insécurité politique que connaît toute la région a également été mise en évidence par l’intolérance systématique des gouvernements envers toute critique et dissidence, même pacifique. En Arabie saoudite, en Libye et en Syrie, entre autres pays, les gouvernements autoritaires ne laissaient pratiquement pas de place à la liberté de parole ni à des activités politiques indépendantes. Des signes d’ouverture étaient perceptibles en Libye, où Amnesty International a été autorisée à envoyer une délégation pour la première fois depuis cinq ans, mais les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion continuaient d’être soumis à des restrictions draconiennes dans ce pays.
En Égypte, les dirigeants des Frères musulmans – tous des civils – qui avaient été condamnés à des peines d’emprisonnement en 2008 à l’issue d’un procès inéquitable devant un tribunal militaire ont vu leurs sentences confirmées. Cette année encore, des membres et des sympathisants de ce mouvement officiellement interdit, mais qui jouit d’un large soutien, ont été harcelés et emprisonnés. En Cisjordanie, l’Autorité palestinienne, dirigée par le Fatah, a réprimé les sympathisants du Hamas, tandis qu’à Gaza le gouvernement de facto du Hamas prenait pour cible les partisans du Fatah. Dans les deux territoires, des prisonniers ont été torturés et maltraités et des personnes qui n’étaient pas impliquées ont été tuées ou blessées lors d’affrontements entre factions rivales.
Le gouvernement marocain tolérait de moins en moins ceux qui préconisaient l’indépendance du Sahara occidental, administré par le Maroc depuis 1975, et les défenseurs sahraouis des droits humains. En novembre, les autorités ont expulsé vers les îles Canaries Aminatou Haidar, en affirmant qu’elle avait renoncé à sa nationalité. Cette femme n’a été autorisée à rentrer chez elle, à Laayoune, que parce que la communauté internationale a exercé des pressions de plus en plus fortes après qu’elle eut observé une grève de la faim pendant un mois, mettant sa vie en danger pour défendre ses droits fondamentaux.
Dans de trop nombreux pays, ceux qui avaient le courage ou la témérité de contester la politique gouvernementale ou de critiquer le bilan des autorités en matière de droits humains risquaient toujours d’être déclarés ennemis de l’État et incarcérés, voire condamnés à des peines d’emprisonnement.
Arrêté en juillet, l’avocat syrien Muhannad al Hassani, spécialisé dans la défense des droits humains, était passible d’une peine de 15 ans d’emprisonnement pour avoir dénoncé les lacunes d’un tribunal spécial de triste réputation, utilisé pour juger les prisonniers politiques. L’ordre des avocats lui a interdit d’exercer sa profession. Âgé de 78 ans, l’avocat et militant politique Haytham al Maleh risquait lui aussi une peine de 15 ans d’emprisonnement en raison de déclarations qu’il avait faites lors d’une interview à la télévision.
Certains ont même payé leur engagement de leur vie. Ainsi, en Libye, Fathi el Jahmi, un détracteur de longue date du gouvernement détenu depuis plus de cinq ans, a été transféré par avion en Jordanie pour y recevoir des soins médicaux quand il est devenu évident qu’il ne lui restait plus longtemps à vivre ; il est mort une quinzaine de jours plus tard.

Médias et liberté d’expression

Les médias étaient étroitement contrôlés dans la plupart des pays de la région. Les rédacteurs en chef et les journalistes devaient respecter un certain nombre de règles écrites et non écrites et éviter les sujets considérés comme tabous, notamment les critiques envers le chef de l’État, sa famille et son entourage, la corruption et toute autre forme d’abus de pouvoir des autorités. Ceux qui ne respectaient pas ces règles s’exposaient au harcèlement, à l’arrestation ou à des poursuites pénales pour diffamation. Les médias traditionnels n’étaient pas les seuls visés. En Égypte et en Syrie, par exemple, les autorités ont arrêté et emprisonné des blogueurs à cause de leurs écrits, et dans toute la région, les autorités ont bloqué l’accès à des sites Internet qui diffusaient des commentaires ou des informations considérées comme contraires à leurs intérêts. En Iran, ces méthodes ont été poussées à l’extrême dans les mois qui ont suivi l’élection présidentielle de juin. Les autorités ont coupé les lignes téléphoniques et l’accès à Internet pour tenter d’empêcher la révélation de la vérité, et en particulier la diffusion de photos prises sur des téléphones portables et montrant des manifestants se faisant agresser par des membres du Bassidj, une milice paramilitaire, et par d’autres groupes violents agissant pour le compte du gouvernement.
En Tunisie, les autorités se sont servies d’accusations fabriquées de toutes pièces pour poursuivre des détracteurs du gouvernement tout en manipulant les médias pour dénigrer et diffamer d’autres personnes. La loi ne protégeait pas les personnes prises pour cible. Le principal syndicat de journalistes du pays ayant réclamé une plus grande liberté de la presse, sa direction a été limogée et remplacée par un nouveau conseil d’administration qui a ouvertement fait campagne en faveur de la réélection du président pour un cinquième mandat consécutif. Cette année encore, les défenseurs des droits humains ont été eux aussi constamment harcelés et soumis à une surveillance oppressante, entre autres atteintes à leurs droits commises par les autorités tunisiennes, en dépit de l’image de pays respectueux des droits humains que le gouvernement s’efforçait de promouvoir au niveau international.

« Sécurité » publique

En Égypte et en Syrie, les autorités ont maintenu l’état d’urgence en vigueur depuis des décennies qui conférait aux forces de sécurité le pouvoir exceptionnel d’arrêter des suspects, de les placer en détention et de les maintenir au secret dans des conditions favorisant le recours à la torture, entre autres formes de mauvais traitements. Israël continuait de soumettre les Palestiniens de Cisjordanie à un système de justice militaire tandis que les Palestiniens de Gaza étaient régis par des lois israéliennes qui leur accordaient encore moins de droits.
Dans toute la région, les gouvernements ont accordé aux forces de sécurité des pouvoirs exceptionnels, sous prétexte de préserver la sûreté de l’État et de protéger la population contre des menaces ; toutefois ces forces étaient souvent utilisées pour défendre des intérêts politiques partisans et maintenir un monopole sur le pouvoir face aux appels à l’ouverture, aux élections libres et au changement politique.

Le recours à la torture et aux autres mauvais traitements restait très répandu et, dans la plupart des cas, les responsables de ces agissements bénéficiaient de l’impunité. Dans toute la région, les suspects politiques étaient régulièrement maintenus au secret, parfois pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, dans des centres de détention secrets ou non reconnus où ils étaient torturés ou maltraités. Il s’agissait de les faire passer aux « aveux », de les contraindre à désigner – et par là même mettre en danger – des personnes auxquelles ils étaient liés, de les pousser à devenir des informateurs ou tout simplement de les terroriser. Beaucoup de ces prisonniers étaient ensuite jugés, le plus souvent par des tribunaux spéciaux appliquant une procédure non conforme aux normes internationales d’équité. Leurs plaintes pour torture n’étaient pratiquement jamais prises en compte et ils étaient déclarés coupables sur la base d’« aveux » extorqués sous la contrainte.
Pour punir les « meneurs » désignés des flambées de protestation populaire qui ont suivi l’annonce des résultats officiels de l’élection présidentielle en Iran, les autorités de Téhéran ont organisé une série de « procès pour l’exemple » rappelant ceux associés à certains des régimes les plus totalitaires du XXe siècle. En Arabie saoudite, le gouvernement a annoncé que plus de 300 personnes avaient été condamnées pour des infractions liées au terrorisme, sans toutefois fournir de détails sur les procès qui se sont déroulés en secret, à huis clos et, semble-t-il, en l’absence d’avocats de la défense. Des peines allant jusqu’à 30 ans d’emprisonnement ont été prononcées, ainsi que, semble-t-il, une condamnation à mort.
Plusieurs États de la région continuaient d’appliquer largement la peine capitale, affirmant que cette pratique était prévue par la charia (droit musulman) et qu’elle avait un effet dissuasif sur la criminalité et garantissait la sécurité publique. Un certain nombre d’autres pays n’ont procédé à aucune exécution. Ce châtiment était principalement appliqué en Arabie saoudite, en Irak et en Iran, pays où un nombre élevé de prisonniers ont été exécutés, le plus souvent à l’issue de procédures qui ne respectaient pas les normes d’équité internationalement reconnues. Qui plus est, en Iran, des personnes condamnées pour des crimes commis alors qu’elles avaient moins de 18 ans étaient au nombre des suppliciés. En revanche, bien que des condamnations à mort aient été prononcées en Algérie, au Liban, au Maroc et en Tunisie, ces pays maintenaient un moratoire de facto sur les exécutions, ce qui reflétait la tendance croissante en faveur d’un rejet de ce châtiment au niveau international.

Préoccupations d’ordre économique – logement et moyens d’existence

Malgré les efforts du nouveau gouvernement des États-Unis pour relancer le processus de paix au Moyen-Orient, le fossé n’a cessé de se creuser entre Israéliens et Palestiniens en 2009, non seulement à cause des victimes et des destructions occasionnées par l’opération Plomb durci, mais aussi de l’impact du blocus ininterrompu imposé par Israël aux habitants de la bande de Gaza. Entamé en juin 2007, le blocus continuait de couper près de 1,5 million de Palestiniens du reste du monde, les emprisonnant dans les limites restreintes de Gaza et rendant très difficile l’importation de produits de première nécessité. Cette aggravation gratuite des privations que subissaient déjà les habitants de Gaza entravait sérieusement leur accès aux soins médicaux et à l’éducation et détruisait les industries et les moyens de subsistance. Imposé officiellement pour prévenir les tirs de roquettes de groupes armés palestiniens en direction d’Israël, le blocus n’était rien moins qu’un acte de violence, à savoir l’imposition d’un châtiment collectif à toute la population de Gaza. Il frappait surtout, et c’était prévisible, les catégories les plus vulnérables – les enfants, les personnes âgées, les sans-abri et les malades, notamment ceux qui avaient besoin de traitements médicaux non disponibles à Gaza – et non les groupes armés responsables des tirs.
Le blocus de Gaza et les pratiques des pouvoirs publics israéliens en Cisjordanie – démolitions d’habitations, barrages routiers et restrictions à la liberté de mouvement – contribuaient comme à dessein à l’appauvrissement des Palestiniens. Ailleurs dans la région, des millions de personnes vivaient, plus ou moins pauvrement, dans des quartiers d’habitat spontané, c’est-à-dire des bidonvilles. C’est ainsi que dans le Grand Caire, beaucoup de personnes résidaient dans des zones que les autorités égyptiennes avaient désignées comme « dangereuses » en raison de la menace constante d’éboulements soudains de rochers ou de la présence de lignes à haute tension. Les habitants risquaient d’être évacués de force sans avoir été véritablement consultés. D’autres, relogés après un éboulement de rochers qui avait tué plus de 100 personnes en 2008, déploraient n’avoir pas un droit d’occupation permanent de leur nouveau domicile.

Discrimination

Dans toute la région, des femmes et des filles étaient toujours victimes de discrimination dans la législation, entre autres, et privées de leurs droits, notamment à l’éducation, à la santé et à la participation politique. Dans la plupart des pays, les lois relatives à la famille et au statut personnel rendaient les femmes inférieures aux hommes dans le domaine de l’héritage, du divorce et de la garde de leurs enfants ; ces lois ne les protégeaient pas suffisamment contre la violence au sein de la famille ou la violence liée au genre. En Irak, en Jordanie et en Syrie, des lois permettaient aux hommes qui commettaient des actes de violence contre des femmes d’échapper à toute sanction ou de bénéficier d’une réduction de peine lorsque le crime était considéré comme ayant été commis « dans un accès de rage » et pour défendre l’« honneur » de la famille. Une avancée a été constatée en Syrie, où le président a décidé en juillet que les hommes qui tuaient ou blessaient une parente pour de tels motifs devaient être condamnés à une peine d’au moins deux ans d’emprisonnement. Des femmes ont été tuées pour des raisons d’« honneur » dans les territoires relevant de l’Autorité palestinienne, en Jordanie et en Syrie. En Irak, des femmes ont été attaquées et menacées parce qu’elles ne respectaient pas le code moral très strict, et des prisonnières ont déclaré à une commission parlementaire qu’elles avaient été violées en détention. En Iran, les autorités continuaient de prendre pour cible les défenseures des droits des femmes et les militantes qui avaient pris la tête de la campagne populaire réclamant la fin de la discrimination juridique envers les femmes.
Des avancées ont toutefois été constatées au cours de l’année. Au Koweït, quatre femmes ont été élues au Parlement, pour la première fois depuis que les femmes ont obtenu, en 2005, le droit de voter et de se présenter aux élections. En Arabie saoudite, une femme a, pour la première fois, été nommée ministre. Elle était chargée de l’éducation des femmes. La législation yéménite a été modifiée pour permettre aux femmes mariées à un étranger de transmettre leur nationalité à leurs enfants. Une proposition visant à retarder l’âge légal du mariage pour les filles était en instance, bien que les mariages précoces et forcés soient apparemment très répandus et contribuent probablement au taux particulièrement élevé de mortalité maternelle. Le Qatar a adhéré en juin à la Convention sur les femmes [ONU], en émettant toutefois des réserves. L’Algérie et la Jordanie, qui ont levé certaines de leurs réserves à cet instrument mais en ont maintenu d’autres, continuaient de fragiliser la substance de la Convention comme moyen de mettre un terme à la discrimination liée au genre.
Dans les pays du Golfe, riches en pétrole et en gaz, c’est le travail des migrants – asiatiques pour la plupart – qui constituait la base de l’économie nationale. Ces étrangers ont participé à l’édification du gratte-ciel le plus élevé au monde, inauguré en grande pompe en décembre à Doubaï. Ils ont accompli les travaux les plus lourds mais, s’agissant des droits humains, ils se situaient au bas de l’échelle : ils étaient maltraités, exploités et souvent contraints de vivre dans des conditions sordides, invisibles pour les riches. Les employés de maison étrangers, des femmes pour la plupart, étaient au niveau le plus bas, tant dans le Golfe que dans des pays comme le Liban. Ces personnes ne bénéficiaient pas, le plus souvent, de la faible protection des lois relatives au travail applicables aux ouvriers du bâtiment et d’autres activités industrielles. Elles étaient parmi celles qui risquaient le plus d’être exploitées et maltraitées et souffraient d’une triple discrimination, en tant qu’étrangères, travailleuses non protégées et femmes.
La situation des migrants était source de grave préoccupation dans toute la région. Des milliers de migrants clandestins présumés originaires d’Afrique sub-saharienne, qui tentaient de travailler ou de pénétrer en Europe, ont été arrêtés en Algérie et en Libye, entre autres pays, ou expulsés sommairement ; certains auraient été battus ou auraient subi d’autres formes de mauvais traitements. Les forces de sécurité égyptiennes ont abattu au moins 19 migrants qui tentaient de pénétrer en Israël, et elles ont renvoyé de force 64 Érythréens dans leur pays, où ils risquaient d’être victimes d’atteintes à leurs droits fondamentaux. Le gouvernement algérien a érigé en infraction pénale le fait pour toute personne, algérienne ou étrangère, de quitter le pays « de façon illicite ». Un projet de loi soumis au Parlement israélien prévoyait une série de peines d’emprisonnement pour les étrangers qui entraient clandestinement sur le territoire, avec des peines particulièrement lourdes pour les ressortissants de certains pays.
Les réfugiés et les demandeurs d’asile recevaient rarement la protection qui leur était due. Au Liban, l’importante communauté de réfugiés palestiniens, installée de longue date, demeurait privée d’accès à un logement convenable et au travail, ainsi que de la jouissance d’autres droits économiques et sociaux. Des milliers de personnes qui avaient quitté le camp de Nahr el Bared en 2007 pour fuir les affrontements armés n’avaient toujours pas été autorisées à rentrer chez elles plus de deux ans après la fin des combats. Qui plus est, les responsables des services de sécurité libanais ont suspendu un processus qui visait à remédier à la situation de plusieurs milliers de réfugiés dépourvus de documents d’identité officiels.
Les femmes, les migrants et les réfugiés n’étaient pas les seules victimes de la discrimination et de la violence. En Irak et en Iran, entre autres, les membres des minorités ethniques et religieuses ont été victimes de discrimination et ont subi des attaques violentes. En Syrie, des milliers de Kurdes étaient de fait apatrides, et des militants kurdes ont été arrêtés et emprisonnés. Au Qatar, des membres d’une tribu accusée d’être à l’origine d’une tentative de coup d’État en 1996 étaient toujours dépossédés de leur nationalité et privés d’accès au travail, entre autres droits. Parmi les autres minorités victimes de discrimination figuraient les lesbiennes, les gays, les personnes bisexuelles et les transgenres. C’est ainsi qu’en Égypte, des homosexuels présumés ont fait l’objet de poursuites en vertu d’une loi sur la débauche et ont subi un traitement dégradant. En Irak, des homosexuels ont été enlevés, torturés, tués et mutilés par des membres de milices islamistes, qui n’ont pas eu à rendre compte de leurs agissements.

Rendre des comptes pour les crimes passés

Peu de progrès ont été accomplis sur la question des violations passées des droits humains, malgré les efforts constants et courageux de survivants et de familles de victimes pour connaître la vérité et obtenir justice. Le gouvernement algérien semblait plus déterminé que jamais à effacer de la mémoire collective les disparitions forcées et les homicides perpétrés dans les années 1990. Le gouvernement syrien ne manifestait aucun intérêt à élucider le sort des personnes disparues lorsque le père du président actuel était au pouvoir. Au Liban, des groupes de défense des droits humains ont obtenu une décision de justice ordonnant que les conclusions d’une enquête officielle sur les disparitions forcées soient rendues publiques. Toutefois, rien ne semblait indiquer que le gouvernement, issu d’un subtil dosage de différentes factions, soit disposé à rechercher la vérité avec vigueur. Le Tribunal spécial pour le Liban mis en place aux Pays-Bas avait pour mandat de poursuivre les auteurs d’une catégorie de crimes à motivation politique – l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri et d’autres attentats qui lui étaient liés –, mais aucune mesure complémentaire pour enquêter sur de nombreux autres attentats n’a été prise. Au Maroc et au Sahara occidental, des réformes législatives et institutionnelles recommandées depuis plusieurs années par l’Instance équité et réconciliation, un organe qui a effectué un travail sans précédent, n’ont pas été appliquées ; aucune mesure n’a été prise pour rendre justice aux personnes dont les droits avaient été violés sous le règne du roi Hassan II, une époque où les violences exercées par l’État contre les dissidents et les opposants étaient particulièrement extrêmes. En Irak, les procès de personnes accusées d’avoir commis des crimes sous le régime de Saddam Hussein se poursuivaient devant un tribunal dont le fonctionnement était entaché de graves irrégularités et qui a prononcé de nouvelles sentences capitales. En Libye, les proches de prisonniers tués en 1996 dans la prison d’Abou Salim attendaient toujours les conclusions d’une enquête officielle bien tardive, et apparemment secrète.

Conclusion

Dix ans après le début d’un nouveau millénaire, il reste beaucoup, beaucoup à faire pour traduire dans la réalité les droits énoncés il y a plus de 60 ans dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. En particulier, dans toute la région, les autorités se sont montrées réticentes à remplir les obligations de protection et de promotion des droits humains découlant de cet instrument, quand elles ne refusaient pas purement et simplement de le faire. Cette tendance a été exacerbée par la menace que constituait le terrorisme, qui est également utilisée comme une justification bien pratique pour réprimer davantage encore la critique légitime et la dissidence. Partout au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, cependant, des individus courageux ne renoncent pas et continuent à faire entendre leur voix pour réclamer leur droit, faire valoir ce qui leur est dû et défendre les droits d’autrui. Leur détermination exemplaire guide notre action.

L’avortement est un droit. Parlementaires, changez la loi !

L’avortement est un droit humain et un soin de santé essentiel pour toute personne pouvant être enceinte. Ceci sonne comme une évidence ? Et bien, ce n’est pourtant pas encore une réalité en (…)

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