RÉPUBLIQUE SOCIALISTE DÉMOCRATIQUE DU SRI LANKA
Chef de l’État et du gouvernement : Mahinda Rajapakse
Peine de mort : abolie en pratique
Population : 21 millions
Espérance de vie : 74,9 ans
Mortalité des moins de cinq ans : 14,7 ‰
Taux d’alphabétisation des adultes : 90,6 %
Contexte
Le Sri Lanka s’appuyait toujours sur des lois sécuritaires et sur un appareil militaire prompt à commettre des violations des droits humains. Refusant toute transition vers davantage de transparence, le gouvernement s’est opposé en juin à l’adoption d’un projet de loi sur le droit à l’information, soutenu par l’opposition. La violence politique constituait toujours une réalité dans le pays et les tentatives de réconciliation entre les différentes communautés ethniques n’ont guère progressé. L’état d’urgence, en place de façon presque ininterrompue depuis des décennies, a été levé le 30 août, mais la Loi relative à la prévention du terrorisme (PTA), très répressive, était toujours en vigueur. Les autorités ont adopté de nouvelles dispositions au titre de la PTA : maintien de l’interdiction du mouvement des Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul (LTTE), maintien en détention, sans inculpation ni procès, de personnes soupçonnées d’appartenir à ce dernier, et maintien des zones de haute sécurité sous contrôle militaire. L’armée était toujours affectée à des tâches de maintien de l’ordre, et la Force d’intervention spéciale (unité d’élite de la police accusée de multiples violations des droits humains) menait des actions dans toute l’île. L’armée limitait la liberté d’association et de réunion dans le nord et l’est du pays, exigeant des habitants qu’ils sollicitent une autorisation préalable même pour des fêtes familiales. Les forces de sécurité demandaient aux Tamouls habitant ces régions de déclarer toutes les personnes vivant sous leur toit, au mépris d’un jugement rendu par les tribunaux qualifiant cette pratique de discriminatoire.
Personnes déplacées
Près de 400 000 personnes déplacées par le conflit avaient regagné le nord du pays fin 2011. Nombre d’entre elles continuaient cependant de vivre dans l’insécurité, dans des conditions de logement déplorables et avec un accès limité aux soins et à l’enseignement. Environ 16 000 personnes vivaient toujours dans des camps administrés par le gouvernement. Les autorités prévoyaient de fermer les derniers camps de personnes déplacées et d’installer dans la région de Kombavil, en pleine forêt, quelque 5 500 hommes, femmes et enfants originaires de certains autres secteurs du district de Mullaitivu, toujours sous contrôle militaire. Un certain nombre de défenseurs des personnes déplacées se sont inquiétés du caractère non volontaire de cette opération de réinstallation.
Exactions commises par des groupes armés alliés au gouvernement
Des bandes liées aux forces de sécurité et aux partis politiques progouvernementaux, comme le Parti démocratique du peuple d’Eelam, les Tigres libérateurs du peuple tamoul ou encore le Parti de libération du Sri Lanka, se sont rendues coupables de vols, d’enlèvements, de viols, d’agressions et de meurtres dans le district de Jaffna, dans l’est du pays et, de plus en plus, dans d’autres régions. Ces groupes s’en prenaient essentiellement aux militants politiques, aux personnes déplacées de retour chez elles et aux ex-membres des LTTE.
Disparitions forcées
De nouvelles disparitions forcées ont été signalées. Des milliers d’autres, survenues les années précédentes, n’avaient toujours pas été élucidées. Le gouvernement n’a pas ratifié la Convention contre les disparitions forcées [ONU].
La Commission enseignements et réconciliation (LLRC) a recueilli en janvier à Mannar et Madhu les témoignages de personnes qui cherchaient à retrouver certains de leurs proches, vus pour la dernière fois alors qu’ils se rendaient aux forces régulières, en mai 2009.
*Le 30 juin, des centaines de manifestants dont des parents auraient été enlevés par des groupes dépendant du gouvernement se sont rassemblés dans la capitale, Colombo, pour exiger que la lumière soit faite sur le sort de leurs proches. De même, plus de 1 300 personnes se sont rendues en juin auprès des centres d’information récemment mis en place par le Service d’enquête sur le terrorisme, pour tenter de savoir ce qu’étaient devenus des proches qu’elles pensaient être aux mains des autorités. Rares sont celles qui ont pu obtenir une réponse.
La police sri-lankaise a déclaré en juillet que 1 700 personnes avaient été enlevées depuis 2009, la plupart pour être ensuite échangées contre rançon.
Arrestations et détentions arbitraires
Le gouvernement a reconnu en novembre que 876 personnes adultes étaient toujours en détention administrative au titre de la PTA, précisant que, parmi elles, 845 hommes et 18 femmes appartenaient à la communauté tamoule. Ces détenus faisaient partie des près de 12 000 membres présumés des LTTE ayant capitulé ou ayant été faits prisonniers par l’armée, pour être ensuite détenus pendant des mois, voire des années, sans inculpation, même après la fin du conflit. Les personnes placées en détention pour « réadaptation » ont été progressivement libérées, par groupes (un millier environ étaient toujours détenues à la fin de l’année) ; même libérées, elles restaient sous surveillance militaire et, selon certaines informations, faisaient l’objet de harcèlement de la part des autorités.
*Le 23 août, des soldats ont attaqué et arrêté un très grand nombre de jeunes gens de Navanthurai, dans le district de Jaffna. Les habitants de ce village avaient protesté un peu plus tôt contre la protection apportée par l’armée aux grease devils (de mystérieux individus qui s’enduiraient de graisse ou se peindraient le visage pour, selon la rumeur, s’en prendre aux civils, et plus particulièrement aux femmes). Plus d’une cinquantaine de plaintes ont été déposées auprès du tribunal de Jaffna par des habitants estimant que leurs droits avaient été violés lors de représailles exercées par les forces de sécurité dans des affaires impliquant des grease devils.
Torture et autres mauvais traitements
Les suspects de droit commun, tout comme les détenus soupçonnés d’être proches des LTTE, étaient fréquemment maltraités, voire torturés, malgré l’existence de lois interdisant la torture. Le viol et les autres violences liées au genre constituant des actes de torture n’étaient pas traités sérieusement par les pouvoirs publics. Les violences sexuelles étaient très rarement signalées et, lorsqu’elles l’étaient, elles ne faisaient pas l’objet d’enquêtes sérieuses.
Utilisation excessive de la force
Le 30 mai, la police a tiré du gaz lacrymogène et des balles réelles sur des travailleurs et des syndicalistes qui manifestaient dans la plus grande zone franche de transformation pour l’exportation du pays. Des centaines de manifestants et de policiers auraient été blessés et un jeune homme de 21 ans, Roshan Chanaka, a été tué. Le président Mahinda Rajapaksa a ordonné l’ouverture d’une enquête. L’inspecteur général de la police a remis sa démission à la suite de ces violences. Plusieurs autres hauts gradés de la police ont été mutés.
Morts en détention
De nouveaux cas de mort en détention, souvent dans des circonstances suspectes, ont été signalés cette année. Souvent, la police affirmait que la victime avait été tuée lors d’une tentative d’évasion.
*Selon la police, Asanka Botheju se serait noyé le 30 août dans la Kelaniya, à Colombo, lors d’une opération destinée à dévoiler une cache d’armes. Il avait auparavant été détenu 19 jours en toute illégalité.
*Gayan Saranga, un habitant de la ville de Dompe, est mort le 29 septembre. Selon les forces de l’ordre, il serait tombé d’un véhicule de police alors qu’on l’emmenait pour identifier des objets volés. D’après des témoins, il a été torturé alors qu’il se trouvait au poste de police.
*Quatre policiers d’Angulana ont été condamnés à mort, en août, pour le meurtre en garde à vue de deux jeunes gens, en 2009.
Obligation de rendre des comptes
Le gouvernement n’a pas fait dûment enquêter sur la plupart des atteintes aux droits humains et des violations du droit humanitaire commises dans le pays, notamment lors de la phase finale du conflit armé – et n’a pas engagé de poursuites en bonne et due forme contre leurs auteurs présumés. Il a rejeté les conclusions du Groupe consultatif d’experts du secrétaire général de l’ONU sur l’établissement des responsabilités au Sri Lanka.
Ce Groupe consultatif avait estimé crédibles les accusations de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité portées contre les deux parties au conflit. Il a par ailleurs considéré que la LLRC, présentée par les autorités comme un mécanisme à même de régler à lui seul la question des événements survenus pendant la guerre, présentait des carences majeures et n’était pas suffisamment indépendante ni impartiale. Il a recommandé au secrétaire général d’établir un mécanisme indépendant d’enquête sur les allégations et d’ordonner un examen des actions des Nations unies au Sri Lanka. Le Conseil des droits de l’homme [ONU] n’a pas donné suite aux recommandations du Groupe.
Le rapport final de la LLRC, rendu public le 16 décembre, reconnaissait l’existence de graves problèmes en matière de droits humains au Sri Lanka mais ne traitait pas de manière exhaustive les allégations selon lesquelles des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité avaient été commis au cours de la dernière phase du conflit. La LLRC acceptait les réponses des autorités sans aucune critique, ce qui confirmait la nécessité d’une enquête internationale indépendante.
Plusieurs responsables sri-lankais, dont le président de la République et des diplomates de haut rang, étaient visés par des plaintes déposées devant des tribunaux suisses, allemands et américains, les accusant de meurtre, de torture et d’attaques militaires contre des civils.
*En octobre, la police australienne a été priée d’enquêter sur des allégations de crimes de guerre formulées à l’encontre de l’ambassadeur du Sri Lanka en Australie. Aux Pays-Bas, cinq membres présumés des LTTE ont été reconnus coupables d’avoir collecté illégalement des fonds pour cette organisation. Ils ont cependant été acquittés du chef d’appartenance à une organisation terroriste et, par extension, de complicité de meurtre et de recrutement d’enfants soldats.
*L’ex-commandant des forces armées Sarath Fonseka a été condamné en novembre à trois années d’emprisonnement pour incitation à la haine entre communautés. Il avait accusé le secrétaire à la Défense du Sri Lanka d’avoir ordonné l’exécution des cadres des LTTE qui déposaient les armes, à la fin de la guerre.
*Trois soldats accusés du viol et du meurtre d’une jeune femme, perpétrés en 1996 dans le nord du Sri Lanka, ont été condamnés à mort le 30 mars. Il était très rare que des militaires soient poursuivis devant la justice sri-lankaise pour des violations des droits humains. Les trois hommes ont immédiatement interjeté appel de leur condamnation.
Défenseurs des droits humains
La dissidence exprimée sans violence était fréquemment réprimée. Les défenseurs des droits humains engagés dans des actions de plaidoyer international ou entretenant des liens avec des ONG internationales ou des diplomates étaient présentés par la presse gouvernementale comme des traîtres et faisaient l’objet de menaces anonymes et de campagnes de diffamation.
*Perumal Sivakumara, un habitant du district de Puttalam, est mort le 22 août après avoir été passé à tabac par des membres de la Force d’intervention spéciale. Aucune enquête n’a été menée.
*Un corps, qui pourrait être celui du défenseur des droits humains Pattani Razeek, porté disparu depuis février 2010, a été exhumé en juillet 2011 sur le site d’une maison en construction, dans l’est du Sri Lanka. Après des mois d’inaction de la part des pouvoirs publics, deux suspects, proches d’un membre du gouvernement, ont été arrêtés.
*Deux militants politiques, Lalith Kumar Weeraraj et Kugan Muruganathan, ont disparu le 9 décembre à Jaffna alors qu’ils organisaient une manifestation pour demander la libération des personnes qui étaient maintenues en détention sans inculpation depuis la fin de la guerre. Des collègues ont déclaré qu’ils avaient été enlevés par des militaires.
Liberté d’expression – journalistes
Les autorités ont pris à partie et ont censuré certains organes de presse et leurs collaborateurs. Elles n’ont pas cherché à établir les responsabilités dans un certain nombre d’attaques contre des journalistes. Ainsi, le 7 novembre, le gouvernement a bloqué l’accès à plusieurs sites Internet, dont il considérait le contenu « injurieux » pour l’image du Sri Lanka. Il a annoncé que tout site Internet contenant des informations concernant le Sri Lanka devait désormais se faire enregistrer auprès du ministère des Médias et de l’Information, s’il ne voulait pas s’exposer à d’éventuelles actions en justice.
*Bennet Rupasinghe, responsable de l’information du site Lanka E News, a été arrêté le 31 mars et accusé de menace à l’égard d’une personne soupçonnée dans le cadre d’un incendie criminel commis contre les bureaux du site. Il a été libéré sous caution en avril. Ce site a été rendu inaccessible au Sri Lanka en octobre, après qu’il eut annoncé que Baratha Lakshman Premachandra, membre du parti au pouvoir, et quatre autres personnes avaient été tués par balle lors d’une altercation avec un responsable politique de la même formation.
*Fin juillet, Gnanasundaram Kuhanathan, responsable de l’information d’Uthayan, un journal publié à Jaffna, a été agressé à coups de barre de fer par des hommes non identifiés, qui l’ont abandonné dans un état critique.