Brésil

Le taux de criminalité violente demeurait élevé. En réaction, les autorités se rendaient souvent coupables d’une force excessive et de torture. Les jeunes hommes noirs étaient toujours surreprésentés parmi les victimes d’homicide. Des informations ont fait état d’actes de torture et d’autres mauvais traitements dans le système carcéral, caractérisé par des conditions de détention cruelles, inhumaines et dégradantes. Des ouvriers agricoles, des indigènes et des communautés de quilombolas (descendants d’esclaves fugitifs) ont été la cible d’actes d’intimidation et d’agressions. Les expulsions forcées, pratiquées dans un contexte urbain comme rural, restaient très préoccupantes.

RÉPUBLIQUE FÉDÉRATIVE DU BRÉSIL
Chef de l’État et du gouvernement : Dilma Rousseff

Contexte

La situation sociale et économique a continué de s’améliorer, et le nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté a diminué. Malgré tout, les zones d’habitation et les moyens de subsistance de populations indigènes, d’ouvriers agricoles sans terre, de pêcheurs et d’habitants de bidonvilles urbains continuaient d’être menacés par des projets de développement.
En novembre, le Brésil a été réélu au Conseil des droits de l’homme [ONU]. Il a critiqué les violations commises durant le conflit armé syrien, mais s’est abstenu lors du vote d’une résolution de l’Assemblée générale où celle-ci se disait préoccupée par la situation des droits humains en Iran.
En mai, la Chambre des députés a adopté une modification de la Constitution autorisant la confiscation des terres où des situations de travail servile étaient constatées. La réforme a été transmise au Sénat, qui ne s’était pas prononcé à la fin de l’année.

Impunité

La présidente Dilma Rousseff a établi en mai une Commission Vérité, chargée d’enquêter sur les atteintes aux droits fondamentaux commises entre 1946 et 1988. La Commission a commencé à entendre des témoignages et à étudier les archives. La tenue de certaines audiences à huis clos a suscité des inquiétudes. La mise en place de ce mécanisme s’est traduit par la création de plusieurs commissions Vérité au niveau des États, dans ceux par exemple de Pernambouc, du Rio Grande do Sul et de São Paulo. On craignait cependant qu’elles ne soient pas en mesure de s’atteler au problème de l’impunité des auteurs de crimes contre l’humanité tant que la Loi d’amnistie de 1979 demeurerait en vigueur. Ce texte avait été considéré comme nul et non avenu par la Cour interaméricaine des droits de l’homme en 2010.
Au niveau fédéral, le ministère public a engagé des poursuites pénales contre des membres des services de sécurité accusés d’enlèvements sous le régime militaire (1964-1985), au motif qu’il s’agissait de « crimes continus », donc non couverts par la Loi d’amnistie.

Sécurité publique

Les États ont continué d’appliquer des méthodes de maintien de l’ordre répressives et discriminatoires pour combattre la criminalité violente armée. Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont été tuées dans ce contexte, les jeunes hommes noirs étant pris pour cible de façon disproportionnée, en particulier dans le nord et le nord-est du pays.
Le nombre d’homicides a diminué dans certains États, dans bien des cas à la suite de projets de sécurité publique ciblés. Dans la ville de Rio de Janeiro, par exemple, l’initiative concernant le déploiement d’Unités de police pacificatrice (UPP) a été étendue à de nouvelles favelas (bidonvilles), contribuant à faire baisser ce chiffre.
En janvier, le gouvernement fédéral a réduit pratiquement de moitié le budget alloué au Programme national de sécurité publique par la citoyenneté (PRONASCI). Le gouvernement s’est engagé à mettre en œuvre quelques grands projets pour offrir une meilleure protection, comme le plan de lutte contre la violence visant les jeunes Noirs (intitulé « Jeunesse en vie »), mais il était à craindre qu’ils ne soient pas correctement financés.
Dans les États de Rio de Janeiro et de São Paulo, les homicides commis par des policiers continuaient d’être associés à des faits enregistrés sous la qualification d’« actes de rébellion » ou de « résistance suivie de mort ». Ces actes faisaient rarement, voire jamais, l’objet d’enquêtes effectives alors que des éléments montraient qu’ils impliquaient un usage excessif de la force ou qu’il s’agissait peut-être d’exécutions extrajudiciaires. Le Conseil de défense des droits de la personne humaine a adopté en novembre une résolution appelant tous les États à ne plus désigner les homicides perpétrés par la police comme consécutifs à des « actes de rébellion » ou associés à une « résistance suivie de mort ». Le texte demandait également l’ouverture d’une enquête sur tous ces homicides, la publication régulière de leur nombre et la protection des éléments médicolégaux. La résolution était en cours d’examen par les autorités de l’État de São Paulo à la fin de l’année, l’objectif étant de modifier la qualification de ces homicides et de mettre en œuvre des mesures de préservation des lieux des crimes en 2013.
Contrairement à la tendance constatée au cours des huit années précédentes, le nombre d’homicides a connu une forte hausse dans l’État de São Paulo. On en a dénombré 3 539 entre janvier et septembre, soit une augmentation de 9,7 % par rapport à la même période de 2011. Le nombre de policiers tués s’est lui aussi envolé : plus de 90 homicides ont été enregistrés en novembre seulement. La police, les universitaires et les médias ont attribué cette augmentation à la multiplication des affrontements entre la police et la principale bande criminelle sévissant dans l’État, le Premier Commando de la capitale (PCC). Les pouvoirs publics fédéraux et de l’État ont annoncé une initiative conjointe visant à combattre la violence, placée sous la direction du nouveau secrétaire d’État à la Sécurité publique.
 Trois membres des bataillons d’élite de la police militaire (ROTA) ont été arrêtés en mai. Ils étaient accusés d’avoir exécuté extrajudiciairement un membre présumé du PCC lors d’une opération de police menée peu auparavant dans le quartier de Penha, dans la partie est de la ville de São Paulo. Un témoin a raconté que les policiers avaient interpellé l’un des suspects et qu’ils l’avaient frappé puis abattu dans un véhicule de police.
Cette année encore, des policiers ont été impliqués dans des affaires de corruption et des activités criminelles. Même si la sécurité publique a été quelque peu renforcée, les milices, composées d’agents des forces de l’ordre à la retraite ou toujours en exercice, continuaient de maintenir leur emprise sur les favelas de la ville de Rio de Janeiro.
 En octobre, des membres de la Ligue de la justice, une milice, auraient menacé de mort les propriétaires de l’une des sociétés non officielles de transport en bus de Rio de Janeiro, leur intimant de ne plus travailler dans quatre zones de la ville. Quelque 210 000 personnes ont ainsi été privées de transports. Ces menaces sont intervenues dans un contexte où la milice tentait de prendre le contrôle des services de transport dans l’ouest de la ville.

Torture et conditions cruelles, inhumaines et dégradantes

En juillet, le Sous-Comité pour la prévention de la torture [ONU] s’est déclaré préoccupé par l’utilisation généralisée de la torture et l’incapacité des autorités à mener de véritables enquêtes et engager des poursuites effectives. Les pouvoirs publics au niveau fédéral et dans certains États se sont mobilisés dans le cadre du Plan d’action intégré visant à prévenir et combattre la torture. Un projet de loi fédéral portant création d’un mécanisme national de prévention, conformément aux exigences du Protocole facultatif à la Convention contre la torture [ONU], figurait au cœur des efforts déployés. Les organisations de défense des droits humains étaient toutefois préoccupées par une modification de ce texte, qui prévoyait que seul le chef de l’État était autorisé à choisir les membres du Comité national de prévention et de lutte contre la torture. Cette mesure était perçue comme une violation des dispositions du Protocole facultatif ainsi que des Principes concernant le statut et le fonctionnement des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris [ONU]).
Le Sous-Comité pour la prévention de la torture [ONU] s’est félicité du mécanisme créé par l’État de Rio de Janeiro, saluant l’indépendance de ses critères de sélection et de sa structure, ainsi que le mandat qu’il s’était fixé. Il craignait cependant qu’il ne soit pas correctement financé.
Le nombre de personnes détenues continuait de croître. Comme il manquait plus de 200 000 places dans les établissements pénitentiaires, les conditions y étaient très souvent cruelles, inhumaines et dégradantes. Dans l’État de l’Amazone, les détenus étaient entassés les uns sur les autres dans des cellules nauséabondes où l’insécurité régnait. Les femmes et les mineurs étaient incarcérés dans les mêmes quartiers que les hommes, et de nombreuses informations ont fait état de tortures, notamment de quasi-asphyxie à l’aide d’un sac plastique, de coups et de décharges électriques. La plupart de ces agissements étaient imputés à des membres de la police militaire de l’État.

Droits fonciers

Plusieurs centaines de communautés étaient condamnées à vivre dans des conditions déplorables car les autorités ne respectaient pas leurs droits constitutionnels à la terre. Des personnes luttant pour le respect de ces droits et des dirigeants de communauté ont été menacés, agressés et tués. Les populations indigènes et les communautés de quilombolas étaient particulièrement en danger, en raison souvent de projets de développement.
Un texte émis en juillet par le ministère public, l’ordonnance n° 303, a suscité l’indignation des peuples indigènes et de diverses ONG dans tout le pays. Il autoriserait l’installation de projets miniers et hydroélectriques ou de sites militaires sur les terres de communautés indigènes sans que leur consentement libre et éclairé ait été préalablement obtenu. L’ordonnance avait été suspendue à la fin de l’année, dans l’attente d’une décision de la Cour suprême.
Un projet de modification constitutionnelle, qui transférerait au Congrès la responsabilité de délimiter les terres appartenant aux indigènes et aux quilombolas, responsabilité jusqu’alors assumée par des organismes publics, était en cours d’examen par le Congrès. Il était à craindre que cette modification ne donne un caractère politique au processus et ne fragilise les protections garanties par la Constitution.
Des projets de développement continuaient d’avoir des conséquences négatives sur les populations indigènes. Des démarches d’identification et de démarcation de leurs terres, engagées de longue date, restaient au point mort.
 Malgré le dépôt de plusieurs recours en justice et la tenue de manifestations, la construction du barrage de Belo Monte s’est poursuivie. En août, les travaux ont été interrompus à la suite d’une décision d’un tribunal fédéral disposant que les populations indigènes n’avaient pas été correctement consultées. Par la suite, la décision a toutefois été infirmée par la Cour suprême.
Dans l’État du Mato Grosso do Sul, des communautés guaranis-kaiowás continuaient de subir des actes d’intimidation, des violences et des menaces d’expulsion forcée de leurs terres ancestrales.
 En août, après s’être réinstallés sur leurs terres dans l’État du Mato Grosso do Sul, les Guaranis-Kaiowás d’Arroio-Korá ont été attaqués par des hommes armés qui ont brûlé les récoltes, proféré des injures et tiré des coups de feu. D’après des témoins, un homme, Eduardo Pires, a été enlevé et on ignorait toujours à la fin de l’année où il se trouvait.
 Sous le coup d’une ordonnance d’expulsion, les habitants de Pyelito Kue/Mbarakay (État du Mato Grosso do Sul) ont adressé en octobre une lettre ouverte au gouvernement brésilien et aux autorités judiciaires pour se plaindre des conditions de quasi-siège dans lesquelles ils vivaient, encerclés par des hommes armés et privés d’un accès satisfaisant à la nourriture et aux soins. En octobre, une femme de Pyelito Kue/Mbarakay a été violée à plusieurs reprises par huit hommes armés, qui l’ont ensuite interrogée sur la communauté. La semaine suivante, un tribunal a suspendu l’ordonnance d’expulsion dans l’attente des conclusions d’un rapport d’anthropologie qui devait identifier officiellement le territoire de Pyelito Kue/Mbarakay.
Les quilombolas qui luttaient pour la reconnaissance de leurs droits constitutionnels à la terre continuaient de subir des violences et des menaces d’expulsion forcée de la part d’hommes armés à la solde de propriétaires fonciers. La situation demeurait grave dans l’État de Maranhão, où au moins neuf communautés subissaient de violentes manœuvres d’intimidation et où plusieurs dizaines de dirigeants communautaires avaient reçu des menaces de mort.
 En novembre, la communauté de Santa Maria dos Moreiras, dans la municipalité de Codó (État de Maranhão), a été investie par des hommes armés qui ont tiré des coups de feu dans le campement. Cette attaque s’inscrivait dans le cadre d’actions systématiques des propriétaires terriens locaux pour chasser les membres de la communauté, actions marquées notamment par la destruction de récoltes et par des menaces de mort contre les dirigeants communautaires.

Défenseurs des droits humains

Les défenseurs des droits humains étaient la cible de menaces et d’actes d’intimidation, liés directement à leur action. Celles et ceux qui mettaient en cause des intérêts politiques et économiques étaient particulièrement exposés et peu protégés, le programme fédéral de protection n’étant pas correctement mis en œuvre.
 Nilcilene Miguel de Lima, une militante rurale vivant dans la municipalité de Lábrea (État de l’Amazone), a été menacée, frappée et contrainte de fuir son logement en mai, après avoir dénoncé l’exploitation forestière illégale dans la région. Elle a reçu une protection armée dans le cadre du Programme national de protection, mais a dû quitter la région face à la multiplication des menaces. Au moins six ouvriers agricoles ont été tués dans la région dans le contexte de conflits fonciers depuis 2007.
 La militante écologiste Laísa Santos Sampaio, qui vit dans le campement de Praia Alta Piranheira, à Nova Ipixuna (État du Pará), était toujours menacée de mort. Elle a commencé à recevoir des menaces après le meurtre de sa sœur, Maria do Espírito Santo da Silva, et de son beau-frère, José Cláudio Ribeiro da Silva, tués en mai 2011 par des tueurs à gages. À la fin de l’année, elle ne bénéficiait toujours d’aucune protection, le Programme national de protection n’étant pas mis en œuvre.
 À Magé (État de Rio de Janeiro), Alexandre Anderson de Souza, président de l’Association des hommes et des femmes de la mer (AHOMAR), et son épouse, Daize Menezes, ont reçu plusieurs menaces de mort. Cette association locale de pêcheurs militait contre la construction d’installations de raffinage et de pétrochimie dans la baie de Guanabara (État de Rio de Janeiro). À la fin du mois de juin, les corps d’Almir Nogueira de Amorim et de João Luiz Telles Penetra, tous deux pêcheurs et membres actifs d’AHOMAR, ont été retrouvés dans la baie. Ils étaient morts noyés après avoir été ligotés.

Droits en matière de logement

Des projets d’infrastructures urbaines, dont un grand nombre étaient lancés dans le cadre d’aménagements pour la Coupe du monde de football de 2014 et les Jeux olympiques de 2016, ont entraîné en 2012 l’expulsion forcée de familles de plusieurs communautés dans l’ensemble du pays. Les habitants ont été expulsés sans avoir été pleinement informés, en temps utile, des propositions du gouvernement ayant une incidence sur leur communauté. Les autorités n’ont pas non plus mené de véritables négociations avec eux pour étudier toutes les alternatives à l’expulsion et, au besoin, proposer une indemnisation complète ou un relogement satisfaisant à proximité. Les familles ont été déplacées loin de chez elles, dans des logements inadaptés où elles n’avaient souvent qu’un accès limité aux services de base et qui étaient situés dans des quartiers souffrant de graves problèmes de sécurité.
 À Providência (centre de l’agglomération de Rio de Janeiro), 140 habitations ont été détruites au cours de l’année dans le cadre d’un projet de rénovation urbaine dans la zone portuaire. Ce projet prévoyait la démolition de quelque 800 logements.
Certains des habitants expulsés ont été déplacés loin de chez eux, dans l’ouest de Rio de Janeiro, où de nombreux quartiers sont sous le contrôle des milices. Des familles vivant dans des lotissements des quartiers de Cosmos, Realengo et Campo Grande ont raconté qu’elles avaient été menacées et harcelées par des membres de ces milices. Certaines ont dû quitter leur appartement sous la contrainte.
 En janvier, plus de 6 000 personnes ont été expulsées d’un site appelé Pinheirinho, situé à São José dos Campos, dans l’État de São Paulo. Elles vivaient là depuis 2004. La police a utilisé des chiens, du gaz lacrymogène et des balles en caoutchouc lors de l’opération, qui a eu lieu alors que l’ordonnance d’expulsion avait été suspendue et que des négociations étaient en cours avec le gouvernement fédéral pour trouver une solution permettant aux habitants de rester chez eux. Ceux-ci n’avaient pas été avertis et ne s’étaient pas vu accorder suffisamment de temps pour rassembler leurs affaires. Les autorités ne leur ont pas proposé de solution de relogement satisfaisante et, à la fin de l’année, la plupart vivaient dans des conditions dégradantes, dans des abris temporaires et d’autres logements précaires.
Une enquête parlementaire a été lancée dans la ville de São Paulo à la suite du nombre élevé d’incendies qui ont détruit plusieurs favelas, la plupart situées à proximité de quartiers aisés. En septembre, 1 100 personnes se sont retrouvées à la rue après que la favela Morro do Piolho eut été réduite en cendres. En novembre, 600 habitants ont perdu leur foyer dans l’incendie qui a ravagé la favela d’Aracati. Quelque 400 habitants de la favela d’Humaitá avaient subi le même sort en juillet. Des habitants de Moinho se sont plaints d’avoir été empêchés par la police de reconstruire leur maison après la destruction par le feu de plusieurs logements de la favela, en septembre.

Droits des femmes

Les droits sexuels et reproductifs des femmes continuaient d’être menacés.
En mars, la Haute Cour de justice a acquitté un homme accusé d’avoir violé trois fillettes de 12 ans, au motif que celles-ci auraient été des « travailleuses du sexe ». Condamnée aux niveaux national et international, la décision a été annulée par cette même instance en août.

Visites et documents d’Amnesty International

 Des délégués d’Amnesty International se sont rendus dans l’État de l’Amazone en mars pour conduire des recherches sur les mauvais traitements en détention.

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