BRÉSIL

République fédérative du Brésil

Chef de l’État et du gouvernement : Dilma Rousseff

Cette année encore, de graves atteintes aux droits fondamentaux, dont des homicides perpétrés par la police et des actes de torture, entre autres mauvais traitements, infligés aux détenus, ont été signalées.
Les jeunes Noirs des favelas (bidonvilles), les ouvriers agricoles et les populations indigènes risquaient tout particulièrement d’être victimes de violations de leurs droits. Les forces de sécurité ont souvent eu recours à une force excessive et inutile pour réprimer les manifestations qui ont secoué le pays, à l’occasion notamment de la Coupe du monde de football. Des informations ont fait état d’arrestations arbitraires et de tentatives visant à poursuivre en justice des manifestants pacifiques dans plusieurs régions du pays. En dépit de l’adoption d’une loi autorisant le mariage entre personnes de même sexe, les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles, transgenres ou intersexuées restaient en butte à des actes de discrimination et des agressions. Le Brésil a continué de jouer un rôle important sur la scène internationale dans des dossiers tels que le respect de la vie privée, Internet et la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Quelques progrès ont été enregistrés dans la lutte contre l’impunité des auteurs des graves atteintes aux droits humains commises sous la dictature (1964- 1985).

CONTEXTE

Le Brésil continuait de siéger au Conseil des droits de l’homme [ONU], dans le cadre de son troisième mandat, se montrant l’un des plus fervents défenseurs des résolutions contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Les gouvernements brésilien et allemand ont présenté devant l’Assemblée générale de l’ONU une résolution sur le droit à la vie privée à l’ère numérique, texte approuvé en décembre 2013. En avril 2014, le pays a adopté un Cadre civil d’Internet, qui garantissait la neutralité du réseau et définissait des règles de protection de la liberté d’expression et des données personnelles.

VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS DANS LE CONTEXTE DE LA PROTESTATION SOCIALE

En 2014, des milliers de personnes sont descendues dans la rue dans la période qui a précédé la Coupe du monde de football et pendant celle-ci, en juin et en juillet.
L’année précédente, déjà, d’immenses manifestations avaient rassemblé des citoyens qui s’élevaient notamment contre l’augmentation du prix des transports, les sommes considérables consacrées à de grands événements sportifs internationaux et la faiblesse des investissements en faveur des services publics. Les manifestations ont souvent été réprimées violemment par la police. Plusieurs centaines de personnes ont été arrêtées et détenues arbitrairement. Des lois relatives à la lutte contre le crime organisé ont été invoquées contre certaines d’entre elles, alors même que rien ne portait à croire qu’elles étaient impliquées dans des activités criminelles1.
En avril, avant que ne s’ouvre la Coupe du monde, des membres de l’armée de terre et de la marine ont été déployés dans le Complexo da Maré, à Rio de Janeiro, pour une durée initialement prévue jusqu’à la fin du mois de juillet. Les autorités ont par la suite déclaré que ces hommes y resteraient stationnés pour une durée indéterminée. Cette décision a suscité de vives inquiétudes, étant donné la faiblesse des mécanismes d’obligation de rendre des comptes en cas de violations des droits humains commises pendant des opérations militaires.
À la fin de l’année, la seule personne déclarée coupable d’infractions liées aux violences lors des manifestations était Rafael Braga Vieira, un sans-abri noir. Alors même qu’il ne participait pas à une manifestation, il a été arrêté pour « détention d’explosifs sans autorisation » et condamné à cinq ans d’emprisonnement. D’après l’expertise médicolégale pratiquée, les produits chimiques en possession de cet homme (liquides de nettoyage) n’auraient pas pu être utilisés pour préparer des explosifs, mais la justice n’a pas tenu compte de ces conclusions.
Recours excessif à la force La police militaire a souvent employé une force injustifiée et excessive pour disperser des manifestants2.
À Rio de Janeiro, la police militaire a utilisé à maintes reprises des gaz lacrymogènes pour disperser des manifestants pacifiques, y compris dans des espaces confinés comme le centre de santé Pinheiro Machado en juillet 2013 et des stations de métro en juin et septembre 2013 et en juin 2014.

LIBERTE D’EXPRESSION ET D’ASSOCIATION – JOURNALISTES

D’après des chiffres communiqués par l’Association brésilienne du journalisme d’investigation, au moins 18 journalistes ont été agressés pendant la Coupe du monde alors qu’ils travaillaient, dans plusieurs villes du pays dont Belo Horizonte, Fortaleza, Porto Alegre, Rio de Janeiro et São Paulo. À Rio de Janeiro, le 13 juillet – date de la finale de la Coupe du monde –, au moins 15 journalistes ont été agressés par des policiers alors qu’ils couvraient une manifestation. Le matériel de certains d’entre eux a été endommagé. En février, Santiago Ilídio Andrade, un caméraman, est mort après avoir été touché par des feux d’artifice tirés par des manifestants. Deux hommes ont été arrêtés par la police dans le cadre de l’enquête.
Inculpés d’homicide volontaire, ils étaient en attente de jugement à la fin de l’année.

SÉCURITÉ PUBLIQUE

Les opérations de sécurité publique ont cette année encore donné lieu à de multiples atteintes aux droits humains.
D’après les statistiques officielles, 424 personnes ont été tuées par la police dans l’État de Rio de Janeiro lors d’opérations de sécurité en 2013. On en dénombrait 285 pour le premier semestre de 2014, soit une hausse de 37 % par rapport à la même période de l’année précédente.
En mars, Cláudia Silva Ferreira a été blessée par balle par des policiers au cours d’une fusillade dans la favela Morro da Congonha. Alors qu’ils la conduisaient à l’hôpital, elle est tombée du coffre du véhicule où elle avait été placée et a été traînée au sol sur 350 mètres. Les faits ont été filmés et diffusés dans les médias brésiliens. Six policiers faisaient l’objet d’une enquête à la fin de l’année, mais ils avaient été laissés en liberté.
Douglas Rafael da Silva Pereira a été retrouvé mort en avril 2014, à la suite d’une intervention policière dans la favela Pavão- Pavãozinho. Le décès de ce danseur a déclenché un mouvement de contestation au cours duquel Edilson Silva dos Santos a été abattu par la police. À la fin de l’année, personne n’avait été inculpé en lien avec ces homicides.
En novembre, au moins 10 personnes ont été tuées à Belém (État du Pará), semble- t-il par des agents de la police militaire qui n’étaient pas en service. Des habitants du quartier ont raconté à Amnesty International que, avant ces homicides, des véhicules de la police militaire avaient bloqué les rues et que des personnes circulant dans des voitures et sur des motos non immatriculées avaient menacé et attaqué les habitants3.
Certains éléments donnaient à penser que ces homicides avaient été commis à titre de représailles après la mort d’un policier.
Dix policiers, dont un ancien chef de bataillon, ont été jugés entre décembre 2012 et avril 2014 et déclarés coupables du meurtre de Patrícia Acioli. Tuée en août 2011, cette juge avait condamné 60 policiers reconnus coupables d’implication dans des réseaux du crime organisé.

CONDITIONS CARCÉRALES

Le système pénitentiaire brésilien était toujours marqué par une forte surpopulation, des conditions dégradantes, la pratique courante de la torture et des violences fréquentes. Ces dernières années, plusieurs affaires concernant les conditions carcérales ont été portées devant la Commission et la Cour interaméricaines des droits de l’homme. Ces conditions demeuraient un grave motif de préoccupation.
En 2013, 60 détenus ont été massacrés dans la prison de Pedrinhas (État de Maranhão). Plus de 18 autres ont été tués dans cet établissement pénitentiaire entre janvier et octobre 2014. Des vidéos de décapitation ont été relayées dans les médias. Une enquête était en cours à la fin de l’année.
Entre avril 2013 et avril 2014, 75 policiers ont été condamnés pour l’homicide de 111 détenus lors des émeutes de 1992 dans la prison de Carandiru. Ils ont fait appel de leur condamnation et n’avaient pas été suspendus de leurs fonctions à la fin de l’année. Le responsable de l’opération policière avait été déclaré coupable en 2001, mais ce jugement avait par la suite été infirmé. Il a été tué par sa compagne en 2006. Le directeur de l’établissement pénitentiaire et le ministre de la Sécurité publique en fonction au moment des émeutes n’ont pas été poursuivis en justice dans le cadre de cette affaire.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS

Les informations recueillies faisaient état de plusieurs cas de torture et d’autres mauvais traitements infligés au moment de l’arrestation et durant les interrogatoires et les gardes à vue.
En juillet 2013, Amarildo de Souza a été arrêté par la police alors qu’il rentrait chez lui à Rocinha, une favela de Rio de Janeiro.
Ce maçon est mort des suites des tortures qu’il a subies alors qu’il se trouvait aux mains de l’Unité de police pacificatrice (UPP) du quartier. La police a nié avoir détenu Amarildo de Souza en dépit d’une vidéo prouvant le contraire. Vingt-cinq policiers, dont le chef de l’UPP, ont été inculpés dans le cadre de cette affaire, et six d’entre eux se trouvaient en détention à la fin de l’année dans l’attente de leur procès.
Le Système national de prévention et de lutte contre la torture, créé par la loi en 2013, n’avait toujours pas été pleinement mis en œuvre à la fin de l’année. Même s’il ne satisfaisait pas entièrement aux exigences des normes internationales en termes d’indépendance, il constituait un grand pas en avant dans le respect par le Brésil de ses obligations au regard du Protocole facultatif à la Convention contre la torture [ONU], texte qu’il avait ratifié en 2007.

IMPUNITÉ

À la suite de l’établissement d’une Commission vérité nationale, l’opinion publique s’est largement intéressée aux violations des droits humains commises sous la dictature (1964-1985). Ainsi, plus d’une centaine de commissions de ce type ont vu le jour dans les États, les villes, les universités et les syndicats. Ces commissions ont enquêté sur différentes affaires telles que la disparition forcée de l’ancien député Rubens Paiva en 1971. Elles ont aussi mis en évidence d’autres violations moins connues dont ont été victimes des populations indigènes et des ouvriers agricoles, par exemple les attaques militaires (1968-1975) lancées contre les Waimiris-Atroaris dans l’État de l’Amazone ou les actes de torture infligés à des paysans lors de la guérilla de l’Araguaia (1967-1974).
Dans son rapport rendu public le 10 décembre, la Commission vérité a recommandé que la Loi d’amnistie de 1979 ne soit pas un obstacle à l’engagement de poursuites pénales contre les responsables de graves atteintes aux droits fondamentaux. Elle a également préconisé plusieurs réformes dans le domaine de la sécurité publique, dont la démilitarisation de la police. Des procureurs fédéraux qui cherchaient à traduire en justice les auteurs présumés de ces crimes ont condamné la Loi d’amnistie, déclarant qu’elle était incompatible avec les traités internationaux relatifs aux droits humains. Jusqu’à présent, les juges ont récusé ces arguments. Cependant, trois propositions de loi visant à modifier l’interprétation de ce texte de sorte qu’il ne couvre plus les agents de l’État inculpés de crimes contre l’humanité se trouvaient devant le Congrès à la fin de l’année.

DÉFENSEURS DES DROITS HUMAINS

Le Programme national de protection des défenseurs des droits humains peinait toujours à s’acquitter de sa mission, en butte à de nombreuses difficultés dont des moyens insuffisants, une insécurité judiciaire, l’absence de coordination avec les autorités et des désaccords au sujet du champ d’application et des bénéficiaires du Programme. Les autorités ont refusé d’accorder une protection à une travailleuse du sexe, appelée « Isabel », au titre du Programme. Celle-ci avait porté plainte à la suite des violences policières que ses collègues et elle-même avaient subies en mai 2014, lors de leur expulsion de l’immeuble qu’elles occupaient à Niterói, dans l’État de Rio de Janeiro. Après le dépôt de sa plainte, Isabel a été enlevée et frappée par des hommes qui lui ont montré des photos de son fils. Craignant pour sa sécurité, elle a quitté le secteur et vivait toujours cachée à la fin de l’année.
En avril 2013, deux hommes ont été déclarés coupables du meurtre en 2011 de José Cláudio Ribeiro et de Maria do Espírito Santo, deux porte-drapeaux des travailleurs ruraux de l’État du Pará qui avaient dénoncé les activités de bûcherons clandestins. En août 2014, la justice a ordonné que soit rejugé un propriétaire terrien accusé d’avoir ordonné leur assassinat. Il avait été acquitté de toute implication dans ces crimes en 2013. Il n’a toutefois pas pu être arrêté et se trouvait toujours en liberté à la fin de l’année. La sœur de Maria do Espírito Santo, Laísa Santos Sampaio, a reçu des menaces de mort en raison de son action en faveur des droits humains et bénéficiait du Programme national de protection. Malgré cette prise en charge, qui incluait une escorte policière, des craintes subsistaient pour sa sécurité.
Dans l’État de Rio de Janeiro, l’Association des hommes et des femmes de la mer (AHOMAR) a été contrainte de fermer son siège, le gouvernement se révélant incapable de garantir sa sécurité. En raison des menaces pesant sur leur vie, le président de cette association de pêcheurs de la baie de Guanabara et son épouse vivaient loin de chez eux depuis novembre 2012. D’autres pêcheurs d’AHOMAR, comme Maicon Alexandre, ont eux aussi été menacés de mort.

CONFLITS FONCIERS – DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES

Les droits des populations indigènes et des communautés de quilombolas (descendants d’anciens esclaves affranchis) demeuraient gravement menacés.
En septembre 2013, les Guaranis-Kaiowás d’Apika’y (État du Mato Grosso do Sul) ont investi une plantation de canne à sucre située sur des terres qu’ils considèrent comme ancestrales. Enjointe de partir par un tribunal local, la communauté a refusé d’obtempérer. Elle occupait toujours le terrain à la fin de l’année, mais elle risquait d’en être expulsée. En 2007, le gouvernement fédéral avait signé avec le ministère public un accord visant à délimiter les terres des Guaranis-Kaiowás d’ici à 2010, mais le processus n’a jamais été mené à son terme.
À la fin de l’année, un projet de loi qui transférerait au pouvoir législatif – où l’influence du lobby de l’agriculture industrielle était très forte – la responsabilité de délimiter les terres appartenant aux indigènes, responsabilité jusqu’alors assumée par le pouvoir exécutif, était en cours d’examen par le Congrès. À la lumière du nouveau projet de code minier, les peuples indigènes risquaient également de voir des entreprises mener des activités sur leurs terres sans leur autorisation, en violation du droit international.
Les communautés de quilombolas ont cette année encore lutté pour la reconnaissance de leur droit à la terre. La lenteur du traitement des demandes d’attribution de terres a provoqué des conflits, laissant ces communautés en butte à des menaces et des violences de la part d’individus armés et d’éleveurs locaux. La communauté de São José de Bruno (État de Maranhão) a été directement menacée en octobre, après l’occupation par un propriétaire foncier d’une partie de ses terres.
En 2013, 34 personnes ont trouvé la mort à la suite d’un conflit foncier, dont trois dans l’État de Maranhão. Entre janvier et octobre 2014, cinq autres personnes ont été tuées en raison de conflits fonciers dans cet État.
L’impunité dont jouissaient les responsables de ces crimes continuait d’entretenir un cycle de violence.
Les responsables de l’homicide de Flaviano Pinto Neto, chef de file d’une communauté quilombola tué en octobre 2010, n’avaient toujours pas été traduits en justice en dépit de l’identification de quatre suspects dans une enquête de police4.

DROITS DES LESBIENNES, DES GAYS ET DES PERSONNES BISEXUELLES, TRANSGENRES OU INTERSEXUÉES

En mai 2013, le Conseil national de justice a approuvé une résolution autorisant le mariage entre personnes de même sexe, après une décision rendue en 2011 par la Cour suprême. Toutefois, des dirigeants politiques et religieux continuaient de tenir fréquemment des propos homophobes. Alors que le gouvernement fédéral tentait de distribuer des supports d’éducation aux droits humains dans les établissements scolaires pour limiter la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, des responsables politiques conservateurs ont opposé leur veto. Les crimes homophobes ou transphobes étaient fréquents. Ils étaient à l’origine de 312 homicides en 2013, d’après l’ONG Groupe gay de Bahia (Grupo Gay da Bahia).

DROITS SEXUELS ET REPRODUCTIFS

Cette année encore des groupes religieux ont exercé des pressions sur les pouvoirs publics pour qu’ils érigent l’avortement en infraction en toutes circonstances. Le droit brésilien autorisait une interruption de la grossesse en cas de viol, d’anencéphalie du fœtus et quand la vie de la mère était en danger. Du fait de ce nombre restreint de possibilités, de nombreuses femmes recouraient à des avortements clandestins, pratiqués dans de mauvaises conditions. En septembre, les cas de Jandira dos Santos Cruz et d’Elisângela Barbosa ont déclenché un tollé dans tout le pays. Ces deux femmes sont mortes à Rio de Janeiro, après avoir avorté illégalement dans des centres de santé. Le corps de Jandira dos Santos Cruz n’a pas été remis à sa famille et a été incinéré par le personnel du centre de santé.
COMMERCE DES ARMES
Le Brésil a signé le Traité sur le commerce des armes le 4 juin 2013, date de l’ouverture de ce texte à la signature. Il ne l’avait pas encore ratifié à la fin de 2014. Le gouvernement brésilien n’a publié aucune donnée sur ses exportations d’armes et a opposé un refus aux demandes formulées par des chercheurs et des journalistes qui souhaitaient, au titre de la Loi relative à la liberté d’information, obtenir des précisions sur le rôle du pays dans le commerce des armes et savoir, par exemple, s’il avait procédé à des livraisons à destination de pays où étaient perpétrées des violations massives des droits humains.

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