ESPAGNE

Royaume d’Espagne

Chef de l’État : Felipe VI (a remplacé Juan Carlos en juin) Premier ministre : Mariano Rajoy

Tout au long de l’année, des milliers de manifestations ont été organisées contre les mesures d’austérité gouvernementales.
De nouvelles informations ont fait état de violences policières contre des manifestants. Plusieurs milliers de migrants, dont des demandeurs d’asile et des réfugiés, fuyant notamment la Syrie, ont tenté d’entrer illégalement dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla à partir du Maroc.
D’après des informations, les expulsions illégales et le recours excessif à la force par les gardes-côtes espagnols se poursuivaient.

CONTEXTE

L’Espagne a ratifié le Traité sur le commerce des armes en avril. En août, elle a été le premier pays à réviser sa réglementation sur les transferts d’armes pour y intégrer la « règle d’or », qui interdit les transferts d’armes lorsqu’il existe un risque réel qu’ils contribuent à des atteintes aux droits humains.
L’enseignement des droits humains n’est plus obligatoire à l’école primaire et dans le cycle secondaire depuis que la loi sur l’éducation a été modifiée en décembre 2013.
Le 9 novembre, le gouvernement catalan a organisé une consultation informelle sur l’avenir politique de la Catalogne, malgré l’arrêt de la Cour constitutionnelle ayant ordonné la suspension de la consultation. À cette occasion, 80 % des participants se sont exprimés pour l’indépendance.
Aucune attaque violente de l’organisation séparatiste basque Euskadi Ta Askatasuna (ETA) n’a été signalée cette année. En 2011, ETA avait annoncé la fin de la lutte armée.

LIBERTÉ DE RÉUNION

Tout au long de l’année, des centaines de personnes ont été arrêtées et condamnées à des amendes pour leur participation à des manifestations spontanées, et généralement pacifiques, de plus de 20 personnes. La loi régissant le droit à la liberté de réunion ne reconnaissait pas le droit d’organiser des manifestations spontanées.
Fin 2014, les projets de loi visant à modifier le Code pénal et la loi sur la protection de la sécurité publique étaient toujours en cours d’examen au Parlement. En cas d’adoption, ces textes imposeront de nouvelles restrictions à l’exercice des libertés de réunion et d’expression. Le projet de loi sur la protection de la sécurité publique créerait 21 nouvelles infractions, dont la diffusion non autorisée d’images pouvant mettre en péril une opération policière. Il permettrait aussi d’infliger des amendes pour organisation de manifestations spontanées pacifiques et manque de respect à l’égard des agents des forces de l’ordre.

RECOURS EXCESSIF À LA FORCE

Les agents de la force publique ont souvent eu recours à une force excessive pour disperser ou arrêter des manifestants.
En avril, le Parlement de la Catalogne a interdit l’utilisation de balles en caoutchouc par la police catalane. Ces dernières années, plusieurs manifestants pacifiques avaient été grièvement blessés par des balles en caoutchouc tirées par la police pour disperser des foules.
En juin, le ministère public a demandé la clôture de l’enquête sur des allégations de violences policières formulées par 26 personnes qui avaient participé à un rassemblement aux abords du Congrès en septembre 2012. Fin 2014, la justice n’avait pas encore rendu de décision à ce sujet. Au cours du rassemblement, des policiers non identifiés avaient frappé des manifestants pacifiques avec des matraques, tiré des balles en caoutchouc et menacé des journalistes qui couvraient l’événement.
En septembre, le juge d’instruction en charge de l’affaire Ester Quintana a décidé de poursuivre deux policiers pour atteintes corporelles graves. La victime avait perdu l’œil gauche après avoir été touchée par une balle en caoutchouc tirée par la police lors d’une manifestation à Barcelone en novembre 2012.

LUTTE CONTRE LE TERRORISME ET SÉCURITÉ

L’Espagne refusait toujours d’appliquer les recommandations des organes internationaux chargés des droits humains qui l’exhortaient à supprimer la détention au secret pour les personnes soupçonnées d’infractions liées au terrorisme.
En janvier, au moins 63 membres d’ETA avaient recouvré la liberté à la suite d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme rendu en 2013 dans l’affaire Del Río Prada c. Espagne. La Cour européenne des droits de l’homme a estimé que la « doctrine Parot » établie par la Cour suprême espagnole pour les crimes graves violait les droits à la liberté et à la légalité pénale. Dans un revirement de jurisprudence, en 2006 la Cour suprême avait effectivement exclu la possibilité d’une libération anticipée pour les individus condamnés à des peines d’emprisonnement consécutives pour plusieurs chefs d’accusation.

DISCRIMINATION

Les forces de l’ordre continuaient d’effectuer des contrôles d’identité selon des critères raciaux ou ethniques. Le projet de loi sur la protection de la sécurité publique contenait une disposition exigeant que les contrôles d’identité respectent le principe de non- discrimination.
Au cours de cette année, le ministère de l’Intérieur a publié pour la première fois des données sur les crimes de haine. D’après le ministère, 1 172 crimes inspirés par la haine ont été recensés en 2013. La plupart étaient motivés par l’orientation sexuelle, l’identité et l’appartenance ethnique. Cependant, aucun protocole n’a été établi pour l’identification et l’enregistrement des actes discriminatoires par les forces de l’ordre. Certaines forces de sécurité régionales ne fournissaient pas de données sur les crimes de haine.
Bien que la Cour suprême ait jugé illégale, en 2013, l’interdiction du voile intégral dans les bâtiments municipaux de la ville de Lleida, des lois similaires ont été adoptées ou proposées dans plusieurs communes en 2014. En juillet, le gouvernement catalan a annoncé son intention d’interdire le port du voile intégral en public, mais aucune loi en ce sens n’avait été adoptée à la fin de l’année.

VIOLENCES FAITES AUX FEMMES

Selon le ministère de la Santé, des Services sociaux et de l’Égalité, 45 femmes ont été tuées par leur partenaire ou ancien partenaire au cours de l’année.
En août, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a estimé que l’Espagne avait violé ses obligations au titre de la Convention sur les femmes [ONU] en ne protégeant pas Ángela González et sa fille Andrea contre la violence domestique.
Andrea avait été assassinée par son père en 2003. Malgré plus de 30 plaintes et des demandes de protection répétées, les tribunaux avaient autorisé les visites non surveillées entre l’ancien compagnon d’Ángela González et Andrea.
Les statistiques publiées au cours de l’année ont révélé un net recul du taux de poursuites pour violences fondées sur le genre depuis l’entrée en vigueur, en 2005, de la Loi relative aux mesures de protection intégrale contre les violences liées au genre.
Le nombre d’affaires classées pour manque de preuves par la juridiction spécialisée dans la violence liée au genre a augmenté de 158 % entre 2005 et 2013. Des appels ont été lancés, mais en vain, afin qu’un examen soit mené sur l’efficacité de la loi et de la juridiction spécialisée.

DROITS DES RÉFUGIÉS ET DES MIGRANTS

Tout au long de l’année, il a été rapporté qu’un traitement illégal a été infligé à des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, notamment des expulsions vers le Maroc, et que des agents des forces de l’ordre ont recouru de manière injustifiée ou excessive à la force. Fin 2014, plus de 500 réfugiés syriens attendaient d’être transférés sur le continent à partir de ces deux enclaves. En octobre, le groupe parlementaire du Parti populaire a déposé un amendement au projet de loi sur la sécurité publique visant à légaliser les expulsions sommaires depuis Ceuta et Melilla vers le Maroc.
En février, un groupe d’environ 250 migrants, réfugiés et demandeurs d’asile originaires d’Afrique subsaharienne ont tenté de traverser à la nage la frontière entre le Maroc et Ceuta. Des agents de la Garde civile ont utilisé du matériel anti-émeute, dont des balles en caoutchouc, des balles à blanc et des fumigènes, pour les arrêter. Quinze personnes se sont noyées. Une enquête judiciaire était en cours à la fin de l’année.
À la suite de la mise en œuvre du décret-loi royal n° 16/2012, l’accès aux soins de santé était toujours limité pour plusieurs centaines de milliers de migrants en situation irrégulière. À quelques exceptions près, les migrants sans papiers devaient payer pour recevoir des soins, y compris des soins de santé primaires. En novembre, le Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe a estimé que le décret-loi royal n° 16/2012 était contraire à la Charte sociale européenne.
À la fin de l’année, les autorités ont accordé une protection internationale à 1 205 personnes. Seules 255 ont obtenu le statut de réfugié. Bien que le gouvernement ait annoncé en décembre 2013 la réinstallation de 130 réfugiés syriens, aucun n’avait été réinstallé fin 2014.

CRIMES DE DROIT INTERNATIONAL

Les définitions de la disparition forcée et de la torture dans la législation espagnole n’étaient toujours pas conformes aux normes internationales relatives aux droits humains.
Les modifications apportées à la législation régissant la compétence universelle en Espagne, entrées en vigueur le 14 mars, limitaient la capacité des autorités espagnoles d’enquêter sur les crimes de droit international commis hors du territoire espagnol, notamment les crimes de génocide, les disparitions forcées, les crimes contre l’humanité et la torture. Ces réformes ont été critiquées en juillet par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires [ONU] et le rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition.

IMPUNITÉ

Les victimes de crimes commis pendant la guerre d’Espagne (1936-1939) et sous le régime de Franco (1939-1975) continuaient d’être privées des droits à la vérité, à la justice et à une réparation. Les autorités espagnoles n’ont pas apporté une aide adéquate à la justice argentine, qui exerce sa compétence universelle pour enquêter sur les crimes de droit international commis sous Franco.
En juillet, le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires [ONU] a exhorté les autorités espagnoles à redoubler d’efforts pour faire la lumière sur le sort des personnes portées disparues pendant la période franquiste.

DROITS SEXUELS ET REPRODUCTIFS

En septembre, le gouvernement a retiré un projet de loi, approuvé en décembre 2013, qui aurait créé une série d’obstacles à tout avortement sûr et légal. Si ce texte avait été adopté, il aurait pu se traduire par une augmentation du nombre de femmes et de jeunes filles ayant recours à des méthodes d’avortement dangereuses et clandestines. Le gouvernement a toutefois réaffirmé son intention de réviser la législation en vigueur et d’exiger une autorisation parentale pour les adolescentes de 16 à 18 ans souhaitant bénéficier d’une interruption de grossesse légale.

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