MAROC ET SAHARA OCCIDENTAL

Royaume du Maroc

Chef de l’État : Mohammed VI Chef du gouvernement : Abdelilah Benkirane

La liberté d’expression, d’association et de réunion restait soumise à des restrictions. Les autorités ont réprimé la dissidence, poursuivi des journalistes et emprisonné des militants, restreint les activités d’organisations de défense des droits humains, entre autres associations, et dispersé par la force des manifestations pacifiques et d’autres mouvements de protestation. Du fait de l’insuffisance de garanties et de mécanismes de responsabilisation, et de l’acceptation par les tribunaux d’aveux obtenus sous la torture, la torture et les mauvais traitements en détention persistaient. Une nouvelle loi a comblé une lacune qui permettait aux violeurs d’échapper à la justice, mais les femmes continuaient d’être insuffisamment protégées contre les violences sexuelles. Les autorités ont collaboré à l’expulsion illégale de migrants et de demandeurs d’asile de l’Espagne vers le Maroc. La peine de mort était maintenue, mais le gouvernement a continué d’observer un moratoire sur les exécutions, en vigueur depuis longtemps.

CONTEXTE

À la suite de l’adoption d’une nouvelle Constitution en 2011, le gouvernement a commencé à mettre en œuvre les réformes législatives et judiciaires. Les parlementaires ont adopté une loi visant à mettre un terme aux procès de civils devant des tribunaux militaires. Ils ont en outre modifié le Code pénal pour empêcher les violeurs d’échapper aux sanctions en épousant leur victime. Les projets de Code de procédure pénale et de Code de procédure civile n’avaient pas encore été débattus à la fin de l’année.
La contestation politique a diminué par rapport aux années précédentes, mais les troubles sociaux n’ont pas cessé ; ils ont été marqués par des protestations sur les thèmes de l’emploi, du logement et de la répartition plus équitable de la richesse provenant des ressources naturelles du pays.

LIBERTÉ D’EXPRESSION

Les autorités ont engagé des poursuites pénales contre des journalistes, des militants, des artistes et d’autres personnes qui avaient critiqué – ou étaient considérées comme ayant insulté – le roi ou les institutions étatiques, ou qui avaient fait l’apologie du « terrorisme » selon la définition large de ce terme dans la législation antiterroriste marocaine.
Une procédure était toujours en cours à l’encontre du journaliste Ali Anouzla, poursuivi pour apologie du terrorisme et assistance au terrorisme en raison d’un article publié sur le site d’information en ligne Lakome, qui faisait référence à une vidéo du groupe armé Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Bien qu’il n’ait pas republié la vidéo, intitulée Maroc : le royaume de la corruption et du despotisme, qu’il a qualifiée de « propagande », Ali Anouzla était passible d’une peine de 20 ans d’emprisonnement.
Le journaliste Hamid el Mahdaoui a été inculpé de diffamation et d’injure publique à la suite d’une plainte du directeur national de la police à propos d’articles qu’il avait publiés sur le site internet d’information Badil, sur la mort à Al Hoceima de Karim Lachqar après son arrestation et sa détention par la police. Le directeur de la police demandait que Hamid el Mahdaoui soit sanctionné d’une interdiction d’exercer sa profession pendant 10 ans et qu’il verse à la police des dommages et intérêts d’un montant élevé.
Le procès n’était pas terminé à la fin de l’année. Rabie Lablak, qui avait été témoin de l’arrestation de Karim Lachqar, a été inculpé de « fausse dénonciation » concernant les circonstances de celle-ci.
En juin et en juillet, deux membres de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) ont été déclarés coupables d’avoir déposé une fausse plainte pour enlèvement et actes de torture perpétrés par des individus non identifiés. Oussama Housne et Wafae Charaf ont été condamnés respectivement à une peine de trois et deux ans d’emprisonnement. Le tribunal leur a également ordonné de verser des dommages et intérêts à la police pour « dénonciation calomnieuse », alors qu’aucun d’entre eux ne l’avait accusée. Les poursuites engagées à leur encontre et leur placement en détention pourraient dissuader des victimes de mauvais traitements infligés par la police de se manifester.
En octobre, un tribunal a condamné Othman Atiq, un rappeur âgé de 17 ans se produisant sous le nom de « Mr Crazy », à trois mois d’emprisonnement pour « outrage » à la police marocaine, « atteinte à la moralité publique » et « incitation à la consommation de drogue » dans ses chansons et ses vidéos musicales.

LIBERTÉ D’ASSOCIATION

Les autorités ont bloqué les tentatives de plusieurs organisations de défense des droits humains en vue d’obtenir un enregistrement officiel leur permettant de mener leurs activités dans la légalité. C’était le cas de sections de l’AMDH et de Freedom Now, une organisation de défense de la liberté de la presse fondée par Ali Anouzla et d’autres journalistes, défenseurs des droits humains et intellectuels indépendants. Dans la seconde moitié de l’année, les autorités ont interdit un certain nombre de manifestations publiques organisées par des organisations de défense des droits humains, en divers endroits du pays. Les restrictions se sont poursuivies jusqu’à la fin de l’année, malgré une importante décision d’un tribunal administratif concluant à l’illégalité de l’interdiction d’un événement organisé à Rabat en septembre par l’AMDH.
Les autorités ont par ailleurs empêché Amnesty International de tenir son camp annuel en septembre.

LIBERTÉ DE RÉUNION

La police et d’autres branches des services de sécurité ont dispersé des manifestations pacifiques, entre autres protestations, organisées par des diplômés sans emploi, des ouvriers, des étudiants, des militants en faveur de la justice sociale et des partisans du Mouvement du 20 février, qui réclame des réformes politiques. Dans bien des cas, une force excessive ou injustifiée a été utilisée. D’autres manifestations ont été interdites. Des manifestants ont été arrêtés et détenus pendant plusieurs mois avant d’être condamnés à des peines d’emprisonnement à l’issue de procès non conformes aux normes internationales d’équité. Les tribunaux se basaient souvent sur des éléments de preuve fragiles pour déclarer coupables des manifestants poursuivis pour agression contre les forces de sécurité ou dégradation de biens.
En décembre, les autorités ont imposé une amende d’un million de dirhams (90 000 euros environ) à 52 membres de l’organisation Al Adl wal Ihsan (Justice et bienfaisance) de la région de Tinghir et de Ouarzazate pour avoir tenu des réunions non autorisées chez des particuliers en 2008.
En avril, la police a interpellé neuf hommes qui avaient participé à Rabat à une manifestation pacifique de diplômés qui recherchaient un poste dans la fonction publique. Youssef Mahfoud, Ahmed el Nioua, Moufid el Khamis, Rachid Benhamou, Soulimane Benirou, Abdelhak el Har, Aziz el Zitouni, Mohamed el Allali et Mustapha Abouzir ont été condamnés à une peine de 28 mois d’emprisonnement, dont 12 avec sursis, après avoir été déclarés coupables de rébellion et d’entrave à la circulation des trains.
Onze membres du Mouvement du 20 février ont par ailleurs été arrêtés en avril alors qu’ils participaient à Casablanca à une manifestation syndicale pacifique et autorisée. Deux d’entre eux ont été condamnés à des peines de deux mois d’emprisonnement avec sursis et remis en liberté, mais les neuf autres ont été maintenus en détention provisoire jusqu’en juin, date à laquelle ils ont été déclarés coupables d’avoir agressé des policiers. Ils ont été condamnés à des peines de six mois ou d’un an d’emprisonnement assorties d’une amende et du versement de dommages et intérêts à la police. Leurs peines ont été assorties du sursis à l’issue de la procédure d’appel.

RÉPRESSION DE LA DISSIDENCE – MILITANTS SAHRAOUIS

Les autorités continuaient de réprimer toutes les revendications en faveur de l’autodétermination pour le Sahara occidental, annexé par le Maroc en 1975. Le droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion des militants politiques sahraouis, des manifestants, des défenseurs des droits humains et des professionnels des médias était soumis à toute une série de restrictions. Ils risquaient d’être arrêtés, torturés et maltraités et de faire l’objet de poursuites pénales. Les autorités interdisaient les manifestations et ont dispersé, en utilisant souvent une force excessive, les rassemblements qui ont eu lieu.
Abdelmoutaleb Sarir a affirmé que des policiers l’avaient torturé, et notamment violé au moyen d’une bouteille, après son interpellation en février à la suite d’une manifestation à Laayoune, et qu’ils l’avaient contraint à signer un procès-verbal d’interrogatoire sans l’autoriser à le lire. À la connaissance d’Amnesty International, les autorités judiciaires n’ont mené aucune enquête sur les allégations de cet homme et elles n’ont pas ordonné d’examen médical pour mettre en évidence des lésions résultant de torture. Le 10 septembre un tribunal l’a condamné à 10 mois d’emprisonnement pour « association de malfaiteurs » et « outrage et violences envers des agents de la force publique », sur la base des aveux contenus dans le procès-verbal qu’il affirmait avoir été contraint de signer5.
Des agents de l’État marocain au Sahara occidental ont fait obstacle aux démarches d’organisations de défense des droits humains, par exemple l’Association sahraouie des victimes des violations graves des droits de l’homme commises par l’État marocain (ASVDH), visant à l’obtention de l’enregistrement officiel indispensable pour mener des activités en toute légalité, disposer de locaux officiels, organiser des événements publics et demander un financement.
Au moins 39 journalistes et militants étrangers ont signalé que les autorités marocaines leur avaient refusé l’entrée au Sahara occidental ou les avaient expulsés de ce territoire au cours de l’année.
En avril, le Conseil de sécurité des Nations unies a une fois de plus renouvelé pour un an le mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO), mais sans y ajouter un mécanisme de surveillance de la situation des droits humains.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS

De nouveaux cas de torture et de mauvais traitements, infligés le plus souvent immédiatement après l’arrestation, ont été signalés. Dans quelques cas des examens médicaux ont été ordonnés, mais les autorités n’ont généralement mené aucune enquête. Les tribunaux continuaient de retenir à titre de preuve des aveux qui, selon les accusés, avaient été obtenus sous la torture ou d’autres mauvais traitements.
En mai, le ministre de la Justice et des Libertés a adressé une lettre aux procureurs et aux juges pour les inviter à ordonner des examens médicolégaux ainsi qu’une enquête en cas d’allégations de torture ou de mauvais traitements infligés en détention.
À la suite d’une décision du Comité contre la torture [ONU], les autorités ont rouvert en mai une enquête sur les actes de torture infligés en détention à Ali Aarrass. Cet homme détenu au Maroc depuis son renvoi forcé d’Espagne, en 2010, s’est plaint d’avoir été torturé et maltraité au moment de son arrestation au Maroc en 2010, et par la suite. L’enquête n’était pas terminée à la fin de l’année.
En août, un tribunal d’Agadir a annulé la déclaration de culpabilité d’un accusé au motif que ses « aveux » avaient été obtenus sous la contrainte, après qu’un examen médicolégal eut établi qu’il avait bien été torturé. Une enquête était en cours à la fin de l’année contre un policier soupçonné d’avoir infligé des actes de torture ou d’autres mauvais traitements.
Des prisonniers, y compris des personnes non jugées, ont observé des grèves de la faim pour protester contre la dureté des conditions de détention, et notamment le manque d’hygiène et d’installations sanitaires, la nourriture et les soins médicaux insuffisants, l’extrême surpopulation et les restrictions au droit de visite et à l’éducation.

PROCÈS INÉQUITABLES

Bien souvent les tribunaux ne tenaient pas compte des plaintes formulées par les avocats de la défense à propos de violations du Code de procédure pénale et s’appuyaient sur des aveux qui auraient été obtenus sous la torture ou les mauvais traitements pendant la détention provisoire. Dans certains cas, des tribunaux ont refusé d’autoriser les avocats de la défense à procéder à un contre- interrogatoire des témoins de l’accusation ou à citer des témoins à décharge.
Des manifestants et des militants ont été inculpés de rébellion, d’attroupement armé, de voies de fait, de vol et de dégradation de biens ou d’infractions liées à la drogue.
Mbarek Daoudi, un ancien soldat de l’armée marocaine militant de l’autodétermination du Sahara occidental, était maintenu en détention dans l’attente de son procès devant le Tribunal militaire permanent à Rabat. Victime de poursuites motivées selon toute apparence par des considérations politiques, cet homme est inculpé de détention de munitions sans permis et de tentative de fabrication d’armes. Ces charges sont fondées sur la possession d’un fusil ancien, découvert par les policiers au moment de son arrestation, en septembre 2013. Son procès, qui devait s’ouvrir en janvier 2014, a été reporté sine die à la demande de l’accusation.
En mars, les gendarmes ont arrêté Omar Moujane, Ibrahim Hamdaoui et Abdessamad Madri, des militants qui participaient à une manifestation pacifique contre l’utilisation des ressources naturelles à côté d’une mine d’argent non loin d’Imider, dans les montagnes méridionales de l’Atlas. Les trois hommes, qui ont été maltraités durant leur interrogatoire, ont été jugés et déclarés coupables d’entrave à la circulation et au droit au travail, de manifestation interdite, de dégradations volontaires et de rébellion. Ils ont été condamnés à l’issue d’un procès inéquitable à des peines de trois ans d’emprisonnement assorties d’une amende, et au versement de dommages et intérêts à la société minière. Le tribunal s’est essentiellement appuyé sur des procès-verbaux d’interrogatoire que ces trois hommes ont affirmé avoir signés après avoir été induits en erreur et sans être autorisés à les lire. Ces affaires étaient en instance auprès de la Cour de cassation à la fin de l’année.

OBLIGATION DE RENDRE DES COMPTES

Bien que des progrès aient été accomplis en matière de réformes judiciaires, les autorités n’ont pas mis en œuvre d’autres recommandations importantes émises par l’Instance équité et réconciliation et concernant la réforme du secteur de la sécurité et une stratégie nationale de lutte contre l’impunité. Les victimes d’atteintes graves aux droits humains commises entre 1956 et 1999 étaient toujours privées d’accès effectif à la justice, et plusieurs cas de disparition forcée n’avaient toujours pas été élucidés.

DROITS DES FEMMES ET DES FILLES

En janvier, le Parlement a adopté une modification de l’article 475 du Code pénal et supprimé une disposition qui permettait jusque-là aux hommes qui violaient une jeune fille de moins de 18 ans d’échapper à la justice en épousant leur victime. En revanche, un projet de loi sur la violence contre les femmes et les enfants, qui devait remédier à l’absence de cadre général juridique et politique pour lutter contre ces agissements, était toujours examiné par la commission d’experts à laquelle il avait été soumis en décembre 2013.
Les femmes n’étaient pas suffisamment protégées contre les violences sexuelles, et les relations sexuelles consenties en dehors du mariage étaient toujours considérées comme un crime.

DROIT À LA VIE PRIVÉE

En mai, septembre et décembre, des tribunaux à Fqih ben Salah, Marrakech et Al Hoceima ont déclaré huit hommes coupables de relations homosexuelles et les ont condamnés à des peines allant jusqu’à trois ans d’emprisonnement. Les relations consenties entre personnes de même sexe restaient un crime.

RÉFUGIÉS, DEMANDEURS D’ASILE ET MIGRANTS

Les autorités continuaient de collaborer avec les responsables espagnols pour l’expulsion illégale des migrants, originaires pour la plupart d’Afrique subsaharienne, qui pénétraient irrégulièrement en Espagne en franchissant la clôture marquant la frontière entre le Maroc et les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla. Les autorités marocaines ont collaboré à la réadmission au Maroc d’une partie de ces migrants, dont certains étaient de potentiels demandeurs d’asile, alors que des informations faisaient état de l’utilisation injustifiée et excessive de la force par les polices des frontières espagnole et marocaine. Les autorités n’ont mené aucune enquête sur les cas de migrants morts ou blessés, ni sur les violences racistes perpétrées contre des migrants subsahariens en août et en septembre à Tanger et Nador.

PEINE DE MORT

Neuf prisonniers au moins ont été condamnés à mort ; aucune exécution n’a été signalée. Les autorités ont maintenu le moratoire de facto sur les exécutions, en vigueur depuis 1993. Aucun condamné à mort n’a vu sa sentence commuée en peine d’emprisonnement.
En décembre, le Maroc s’est abstenu lors du vote d’une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies en faveur d’un moratoire mondial sur les exécutions.

CAMPS DU FRONT POLISARIO

Les camps de Tindouf (région de Mhiriz, en Algérie), qui accueillent des Sahraouis ayant fui le Sahara occidental au moment de son annexion par le Maroc, ne disposaient toujours pas d’un mécanisme indépendant de surveillance de la situation des droits humains. Le Front Polisario n’a pris aucune mesure pour mettre fin à l’impunité dont bénéficiaient ceux qui étaient accusés d’avoir commis des atteintes aux droits humains durant les années 1970 et 1980 dans les camps.

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