Rapport annuel 2017

Ouzbékistan

République d’Ouzbékistan
Chef de l’État : Chavkat Mirziyoyev (a remplacé Islam Karimov en septembre)
Chef du gouvernement : Abdoulla Aripov (a remplacé Chavkat Mirziyoyev en décembre)

La torture restait une pratique courante dans les centres de détention et les prisons du pays. Les autorités ont obtenu que soient rapatriées, notamment dans le cadre de « restitutions » secrètes, des centaines de personnes qu’elles soupçonnaient de s’être rendues coupables de diverses activités criminelles, d’appartenir à l’opposition ou de constituer une menace pour la sécurité nationale. Toutes ces personnes risquaient d’être torturées. Le travail forcé constituait une pratique fréquente. Le droit à la liberté d’expression et d’association a cette année encore fait l’objet d’importantes restrictions. Les défenseurs des droits humains continuaient d’être régulièrement en butte à des actes de harcèlement et de violence.

Contexte

Islam Karimov est décédé le 2 septembre, après avoir passé 27 ans à la tête du pays. Les autorités ont contrôlé toutes les informations concernant sa mort et ont mené une véritable offensive sur les réseaux sociaux contre les organes de presse indépendants et les militants des droits humains qui osaient critiquer le bilan du président défunt.

Nommé président par intérim en septembre, Chavkat Mirziyoyev a été élu chef de l’État le 4 décembre.

Torture et autres mauvais traitements

Les pouvoirs publics continuaient de démentir catégoriquement toutes les informations faisant état d’une banalisation du recours à la torture et à d’autres mauvais traitements par des responsables de l’application des lois. Le directeur du Centre national pour les droits humains a déclaré en octobre que les allégations de torture étaient fondées sur des éléments forgés de toutes pièces et étaient « manifestement destinées à servir de moyen de désinformation [...] pour exercer des pressions » sur l’Ouzbékistan.

Des défenseurs des droits humains, des anciens prisonniers et des proches de détenus ont pourtant continué de fournir des informations crédibles selon lesquelles des agents de la police et du Service de la sécurité nationale (SSN) avaient régulièrement recours à la torture pour contraindre des suspects, des détenus et des prisonniers à « avouer » des infractions ou à incriminer des tiers.

Les juges ont continué d’ignorer ou de rejeter, en les qualifiant d’infondées, les accusations de torture ou d’autres mauvais traitements, même lorsque des preuves crédibles avaient été produites à l’audience.

En février, le tribunal pénal régional de Djizak a déclaré Aramais Avakian, pisciculteur de profession, et quatre autres personnes coupables de conspiration en vue de commettre des actes anticonstitutionnels et d’appartenance à une « organisation extrémiste ». Ils ont été condamnés à des peines allant de cinq à 12 ans d’emprisonnement.

Aramais Avakian a toujours nié les charges pesant sur lui et a déclaré lors de son procès avoir été enlevé par des agents du SSN, puis détenu au secret pendant un mois, torturé et contraint de faire des « aveux ». Ses tortionnaires lui ont cassé plusieurs côtes et lui ont administré des décharges électriques. Pendant le procès, plusieurs témoins à charge ont affirmé avoir été arrêtés et torturés par des agents du SSN, qui les auraient obligés à témoigner contre Aramais Avakian et ses coïnculpés. Lors du procès en appel qui s’est tenu en mars, l’un de ceux-ci, Fourkat Djouraïev, a déclaré au juge qu’il avait lui aussi été torturé. Les juges, aussi bien en première instance qu’en appel, ont cependant ignoré les allégations de torture formulées devant eux et ont déclaré recevables les « aveux » des accusés extorqués sous la contrainte.

Lutte contre le terrorisme et sécurité

Les autorités ont cette année encore obtenu le rapatriement (entre autres dans le cadre de procédures d’extradition) de nombreux ressortissants ouzbeks qu’elles soupçonnaient de diverses activités criminelles ou qu’elles considéraient comme des opposants ou des personnes représentant une menace pour la sécurité nationale.

Retours forcés

Les pouvoirs publics ont déclaré en octobre avoir obtenu le rapatriement de 542 personnes entre janvier 2015 et juillet 2016.

Le gouvernement offrait aux autorités des pays acceptant de renvoyer des ressortissants ouzbeks l’assurance que ceux-ci pourraient recevoir la visite d’observateurs indépendants et de diplomates, qui seraient autorisés à les voir librement et en toute confidentialité, et qu’ils auraient droit à un procès équitable. Dans les faits, l’accès aux personnes rapatriées était limité. Certains diplomates ont dû attendre jusqu’à un an pour obtenir l’autorisation de voir un détenu ou un prisonnier. Ils étaient en outre généralement accompagnés par des représentants de l’État, ce qui empêchait toute conversation privée.

Les agents du SSN continuaient de pratiquer la « restitution » secrète (en d’autres termes l’enlèvement) de personnes résidant à l’étranger. En Russie, les services de sécurité n’hésitaient pas à se rendre complices de cette pratique – dans les rares cas où les autorités russes refusaient officiellement de donner suite à une demande d’extradition.

Les personnes enlevées ou renvoyées de force en Ouzbékistan étaient placées en détention au secret, souvent sans que leur lieu de détention soit révélé. Elles étaient soumises à la torture ou à d’autres mauvais traitements par les autorités, qui cherchaient ainsi à obtenir des « aveux » ou à les contraindre de dénoncer des tiers. Très souvent, les forces de sécurité faisaient pression sur les familles, afin qu’elles ne cherchent pas à obtenir le soutien d’organisations de défense des droits humains et qu’elles ne portent pas plainte pour violations des droits humains.

Le 4 mars, des agents des services russes du renseignement ont interpellé à sa sortie de prison Sarvar Mardiev, un demandeur d’asile incarcéré en Russie, et l’ont emmené à bord d’un véhicule. Il a fallu attendre le mois d’octobre pour que les autorités ouzbèkes confirment qu’il avait été placé en détention dans la région de Kachka-Daria le jour suivant sa sortie de prison en Russie. Il était, selon elles, en détention provisoire, dans l’attente de son procès pour infractions contre l’État. Il a dû attendre un mois pour pouvoir s’entretenir avec un avocat.

Persécution de proches

Les autorités ont intensifié les pressions sur les proches des personnes soupçonnées ou déclarées coupables d’infractions contre l’État, notamment de personnes travaillant ou réfugiées à l’étranger.

Les autorités n’hésitaient pas à brandir la menace d’une inculpation d’appartenance à un groupe islamiste interdit contre un proche détenu pour empêcher les familles de dénoncer les violations des droits humains et de demander de l’aide à des organisations de défense des droits humains en Ouzbékistan ou à l’étranger.

Les comités de proximité (mahalla) ont continué de collaborer avec les forces de sécurité et l’administration locale et nationale, exerçant une surveillance étroite des habitants, à l’affût du moindre signe d’activité ou de comportement jugé répréhensible, suspect ou illégal. Des comités de proximité ont dénoncé publiquement des habitants « fautifs » et leurs familles et ont pris des sanctions contre eux.

En février, l’épouse d’Aramais Avakian a été informée par des membres du comité de son quartier que la population locale avait décidé de l’expulser, ainsi que ses enfants, en raison « des actions de son mari terroriste » et parce qu’elle avait accordé des interviews à des journalistes étrangers, diffamé des représentants des autorités locales et porté atteinte à la réputation de l’Ouzbékistan.

Travail forcé

Le travail forcé a été pratiqué dans l’industrie du coton. Selon plusieurs organisations internationales, les autorités ont obligé plus d’un million d’employés du secteur public à travailler dans les plantations de coton, au moment de la préparation des champs, au printemps, et lors de la récolte, à l’automne. L’Ouzbékistan occupait la deuxième place du Global Slavery Index 2016, dont l’objectif est d’estimer les pratiques relevant de l’esclavage moderne.

Liberté d’expression – défenseurs des droits humains

Les droits à la liberté d’expression et d’association ont cette année encore fait l’objet d’importantes restrictions.

Des militants qui cherchaient à réunir des informations sur le recours au travail forcé dans les plantations de coton ont été la cible à plusieurs reprises d’arrestations et de perquisitions.

Le 8 octobre, Elena Ourlaïeva, directrice de l’ONG indépendante Alliance des défenseurs des droits humains d’Ouzbékistan, le photographe indépendant Timour Karpov, ainsi que deux militants français ont été arrêtés par des policiers et des agents du SSN dans le district de Bouk (région de Tachkent). Ces quatre personnes étaient venues interviewer des professionnels de la santé et des enseignants envoyés par les autorités dans les champs de coton. Elena Ourlaïeva a expliqué qu’elle avait été conduite jusqu’à une salle d’interrogatoire du poste de police de Bouk par un groupe de femmes. Deux d’entre elles l’auraient tirée par les cheveux, frappée à coups de poing et injuriée. Les policiers présents n’auraient pas cherché à s’interposer. Au contraire, ils auraient menacé Elena Ourlaïeva et auraient refusé d’appeler quelqu’un pour lui prodiguer des soins. Elena Ourlaïeva a finalement été relâchée sans inculpation au bout de six heures. Timour Karpov a quant à lui été détenu pendant 10 heures et a fait l’objet de menaces. Leur matériel d’enregistrement et les documents qu’ils avaient avec eux leur ont été confisqués.

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