Rapport annuel 2018

Argentine

République argentine
Chef de l’État et du gouvernement : Mauricio Macri

Il était difficile pour les femmes et les filles de recourir à un avortement en toute légalité. Les peuples indigènes continuaient d’être considérés comme des délinquants et de faire l’objet de pratiques discriminatoires. Les droits des migrants ont été gravement mis à mal.

Contexte

La situation des droits humains en Argentine a été évaluée dans le cadre de l’Examen périodique universel des Nations unies et par le Comité des Nations unies contre la torture. Le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire, l’expert indépendant des Nations unies sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre ainsi que le rapporteur sur l’Argentine de la Commission interaméricaine des droits de l’homme se sont rendus en Argentine au cours de l’année.
En novembre, le Congrès a approuvé la loi nationale sur la parité entre les genres.

Droits sexuels et reproductifs

Les femmes et les filles qui voulaient recourir à un avortement légal lorsque leur grossesse mettait leur santé en danger ou résultait d’un viol ont continué de se heurter à des obstacles. La dépénalisation totale de l’avortement était toujours en cours d’examen devant le Parlement.

Violences faites aux femmes et aux filles

D’après des informations obtenues auprès de la société civile, au moins 254 féminicides ont été commis entre janvier et novembre.
L’Institut national des femmes et le Plan national d’action 2017-2019 pour la prévention et l’éradication des violences faites aux femmes et pour l’aide aux victimes ne semblaient pas disposer des ressources nécessaires pour être complètement opérationnels.

Droits des peuples autochtones

Alors que les droits des peuples autochtones à disposer de leurs terres ancestrales et de leurs ressources naturelles étaient inscrits dans la Constitution, les droits fonciers de la plupart des communautés indigènes n’étaient toujours pas juridiquement reconnus.
En janvier, des policiers locaux et des agents de la gendarmerie nationale argentine (GNA, une police fédérale militarisée) ont barré tous les accès au territoire indigène où vit la communauté mapuche de Pu Lof en Resistencia, dans la province de Chubut. Des membres de cette communauté ont signalé qu’ils avaient été agressés par la police, qui notamment les a roués de coups et a intimidé des enfants [1]. Au moins 10 membres de la communauté ainsi que des personnes qui les soutenaient ont été arrêtés. En août, la GNA a opéré une descente illégale dans cette même communauté, durant laquelle Santiago Maldonado – qui apportait son soutien à la communauté mapuche, mais n’était pas lui-même autochtone – a disparu. Son corps a été retrouvé en octobre dans une rivière sur ce territoire. Une enquête judiciaire sur sa mort était en cours à la fin de l’année.
Le gouvernement de la province de Neuquén ainsi que des syndicats et des entreprises du secteur pétrolier ont établi un plan d’investissement pour le gisement de pétrole de Vaca Muerta, dont une partie se situe sur les terres de la communauté indigène de Lof Campo Maripe, sans la participation de cette communauté.
Les autorités ont engagé des poursuites en justice afin d’intimider les populations indigènes, les accusant notamment de sédition, de résistance à l’autorité, de vol, de tentatives d’agression et d’homicide. Agustín Santillán, un responsable indigène du peuple wichí, dans la province de Formosa, a passé 190 jours en détention provisoire, entre avril et octobre. Plus de 28 procédures pénales ont été engagées contre lui.

Droits des personnes réfugiées ou migrantes

Court-circuitant le débat parlementaire, le gouvernement a modifié la loi de 2004 sur la migration ; les droits d’entrée et de résidence ont ainsi été restreints et les expulsions risquaient de s’accélérer.
Onze ans après son adoption, la loi sur l’asile n’avait toujours pas été pleinement mise en œuvre et le Comité national pour les réfugiés ne disposait pas d’un budget spécifique. Le système d’accueil des demandeurs d’asile restait lent et insuffisant, et aucun plan d’intégration n’était en place pour aider les demandeurs d’asile et les réfugiés à accéder à des droits fondamentaux tels que ceux à l’éducation, au travail, à des soins de santé et à des cours de langue.
Alors que l’Argentine s’était engagée en 2016 à accueillir 3 000 réfugiés syriens, aucun programme de réinstallation n’a été mis en place. Moins de 400 réfugiés syriens ont bénéficié d’un programme de parrainage privé et d’accueil à titre humanitaire.

Impunité

Les procès engagés devant des tribunaux civils de droit commun se sont poursuivis pour juger les crimes contre l’humanité perpétrés sous le régime militaire entre 1976 et 1983. Entre 2006 et mai 2017, 182 jugements ont été rendus, ce qui portait à 756 le nombre total de personnes condamnées et à 74 le nombre d’acquittements.
En juillet, le tribunal fédéral de Mendoza a pris une décision historique en condamnant à la réclusion à perpétuité quatre anciens membres de l’appareil judiciaire et en leur interdisant d’exercer une charge publique, en raison de leur participation à la commission de crimes contre l’humanité pendant le régime militaire.
Dans l’affaire concernant Luis Muiña, qui a été reconnu coupable de crimes contre l’humanité, la Cour suprême a jugé que chaque jour passé en détention provisoire devait être comptabilisé comme deux jours si la personne était détenue depuis plus de deux ans sans condamnation. Le Congrès a ensuite adopté une loi précisant que la formule « deux pour un » ne pouvait s’appliquer ni aux crimes contre l’humanité, ni aux génocides, ni aux crimes de guerre [2]. Les audiences publiques du procès pour entrave à l’enquête sur l’attentat perpétré en 1994 contre l’Association mutuelle israélite argentine se sont poursuivies. À la suite d’un décret gouvernemental pris en avril 2017, des documents classés confidentiels ont été transférés du parquet au ministère de la Justice, ce qui mettait en péril l’indépendance de l’instruction et limitait l’accès des plaignants aux éléments de preuve.

Liberté d’expression et de réunion

Des arrestations opérées sans discernement ont eu lieu pendant une manifestation organisée à l’occasion de la Journée internationale de la femme, le 8 mars. De nombreuses femmes ont affirmé avoir été maltraitées, placées en détention et humiliées par la police ; certaines ont raconté avoir été forcées de se déshabiller intégralement.
En avril, des enseignants qui manifestaient pour des salaires équitables ont été violemment réprimés. Des participants à cette manifestation ont indiqué que la police avait utilisé des gaz lacrymogènes et les avait roués de coups, et que les soldats présents sur les lieux n’avaient pas réagi. Au moins quatre enseignants ont été arrêtés.
En septembre, 31 personnes ont été brutalement interpellées et détenues pendant plus de 48 heures dans plusieurs postes de police de Buenos Aires, la capitale, pour avoir participé à une manifestation de grande ampleur après la disparition de Santiago Maldonado. Les personnes placées en détention ont affirmé avoir été frappées, et certaines femmes ont été forcées de se déshabiller.
En décembre, de nombreuses personnes sont descendues dans la rue à Buenos Aires pour protester contre un projet de réforme législative proposé par le gouvernement. La police a utilisé une force excessive, et des cas d’arrestations arbitraires opérées au cours des manifestations ont été signalés [3].
L’appel lancé par le Groupe de travail sur la détention arbitraire [ONU] aux autorités argentines pour qu’elles libèrent immédiatement la militante et dirigeante associative Milagro Sala n’a pas été suivi d’effet. En août, la Commission interaméricaine des droits de l’homme a demandé à l’Argentine de remplacer la peine de Milagro Sala par une assignation à résidence ou de prendre d’autres mesures de substitution à l’incarcération. Il n’a été donné suite que partiellement à cette requête pour des raisons de non-conformité aux normes nationales et internationales.

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