Rapport annuel 2018

Bangladesh

République populaire du Bangladesh
Chef de l’État : Abdul Hamid
Cheffe du gouvernement : Sheikh Hasina

Plus de 655 000 réfugiés rohingyas forcés de fuir l’État d’Arakan, au Myanmar, ont cherché refuge au Bangladesh. Des membres du parti d’opposition Jamaat-e-Islami ont été arrêtés arbitrairement. Des défenseurs des droits humains ont été la cible de manœuvres de harcèlement et d’intimidation. Les droits à la liberté d’association et de réunion pacifique ont cette année encore fait l’objet de restrictions. Des disparitions forcées ont continué d’être constatées. La stratégie de lutte contre les violences commises par des groupes armés entraînait toujours des violations des droits humains. Des personnes LGBTI ont cette année encore été harcelées et arrêtées. Dans les Chittagong Hill Tracts, les forces de sécurité n’ont pas protégé les populations autochtones des violences. Fait positif, la croissance économique constante depuis 10 ans a contribué à réduire l’extrême pauvreté.

Liberté d’expression

Cette année encore, des journalistes ont été la cible d’attaques. Plusieurs cas de violences à leur encontre, dont l’homicide d’Abdul Hakim Shimul, ont été signalés.
Le gouvernement a continué d’avoir recours à des lois répressives afin de restreindre de manière excessive le droit à la liberté d’expression, et de prendre pour cible et harceler des journalistes et des défenseurs des droits humains. Les principales dispositions punitives de la Loi sur les technologies de l’information et de la communication n’avaient toujours pas été modifiées, bien que des mécanismes de défense des droits humains aient recommandé à plusieurs reprises l’abrogation de ses dispositions abusives. Le gouvernement a réaffirmé son intention de faire adopter une loi sur la sécurité numérique, qui limiterait encore davantage le droit à liberté d’expression en ligne.
Des enquêtes étaient toujours en cours sur des homicides de militants en faveur de la laïcité commis en 2015 et 2016 et revendiqués par le groupe armé Ansar al Islam. Celui-ci a été interdit en mars 2017, mais les retards incessants des poursuites pénales avaient toujours un effet paralysant pour la société civile.

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexuées

Des militants en faveur des droits des personnes LGBTI étaient toujours régulièrement harcelés et soumis à des détentions arbitraires par des acteurs étatiques et non étatiques. Les homicides de militants revendiqués par Ansar al Islam en 2016 ont renforcé les craintes de la communauté LGBTI. De nombreux militants vivaient toujours cachés. En mai, 28 hommes qui auraient été pris pour cible en raison de leur orientation sexuelle supposée ont été arrêtés dans le sous-district de Keraniganj (district de Dacca) et inculpés d’avoir enfreint la Loi de 1990 sur le contrôle des stupéfiants. Ils ont été interpellés lors d’un événement régulier connu pour être fréquenté par des homosexuels.
Personne n’a été traduit en justice pour l’homicide en 2016 de Xulhaz Mannan, de Mahbub Rabbi Tanoy, d’Avijit Roy et de Niladry Niloy, des militants en faveur des droits des LGBTI, mais une arrestation au moins a eu lieu en 2017.

Liberté de réunion

Le droit à la liberté de réunion pacifique était toujours strictement limité. Des opposants politiques se sont vu refuser le droit d’organiser des réunions de campagne et des rassemblements politiques. Les activités des ONG restaient soumises à des restrictions imposées par la Loi relative à la réglementation des dons provenant de l’étranger (activités bénévoles).

Disparitions forcées

Des membres des forces de sécurité se rendaient régulièrement responsables de disparitions forcées visant principalement des sympathisants de l’opposition. Certaines des personnes « disparues » ont été retrouvées mortes. Dans une déclaration adressée aux autorités en février, le Groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées ou involontaires a indiqué que le nombre de disparitions forcées avait considérablement augmenté ces dernières années. Selon certaines informations, plus de 80 personnes auraient été victimes d’une disparition forcée au cours de l’année.
En mars, Hummam Quader Chowdhury a été libéré après avoir été détenu au secret pendant six mois. Cet homme est le fils d’un dirigeant du Parti nationaliste du Bangladesh (dans l’opposition) exécuté précédemment. Les préoccupations quant à la sécurité de Mir Ahmad Bin Quasem et d’Abdullahil Amaan Azmi, dont les pères étaient également des chefs de file de l’opposition ayant été exécutés, se sont renforcées. Les deux hommes ont disparu en août 2016 et on ignorait toujours où ils se trouvaient à la fin de l’année 2017. En avril, Sveriges Radio, la radio publique suédoise, a rendu public un entretien, enregistré secrètement, dans lequel un membre haut placé du Bataillon d’action rapide expliquait que cette unité faisait disparaître des personnes de force et pratiquait des exécutions extrajudiciaires. En octobre, Mubashar Hasan, un universitaire, aurait été enlevé par des agents du renseignement militaire. Il a pu rentrer chez lui au bout de 44 jours.

Système judiciaire

Les préoccupations quant à l’interférence croissante du gouvernement dans le système judiciaire se sont renforcées. En juillet, la Cour suprême a annulé, sous la houlette de son président, une modification controversée de la Constitution (16e amendement) qui permettait au Parlement de destituer des juges si des accusations de faute ou d’inaptitude étaient retenues contre eux. La Première ministre a critiqué le président de la Cour suprême, Surendra Kumar Sinha, après la décision rendue sur le 16e amendement. En novembre, celui-ci a démissionné et quitté le pays dans des circonstances tendant à indiquer une ingérence du pouvoir exécutif.

Personnes réfugiées ou demandeuses d’asile

Une grave crise humanitaire a éclaté en août, lorsque plus de 655 000 Rohingyas du Myanmar, majoritairement musulmans, sont arrivés dans le district de Cox’s Bazar après avoir fui les violences commises par l’armée du Myanmar dans l’État d’Arakan (nord du pays). La campagne d’épuration ethnique menée au Myanmar par l’armée s’apparentait à un crime contre l’humanité aux termes du droit international (voir Myanmar). Le district de Cox’s Bazar accueillait déjà environ 400 000 réfugiés rohingyas qui avaient fui les violences et les persécutions perpétrées précédemment par l’armée du Myanmar.
Le Bangladesh refusait toujours de reconnaître aux Rohingyas le statut de réfugié. De nombreuses informations faisaient état de malnutrition sévère touchant particulièrement les enfants, qui représentaient 61 % des nouveaux arrivants. Les femmes et les filles rohingyas étaient exposées à un risque accru de subir des violences sexuelles et liées au genre ou d’être victimes de traite des êtres humains, aux mains tant de la population locale que d’autres réfugiés. Parmi les facteurs de risque figuraient le manque de mécanismes de protection ou de gestion des camps, les mauvaises conditions de vie, l’absence d’administration civile et de présence policière, ainsi que l’accès insuffisant au système judiciaire officiel et à d’autres services. Les Rohingyas arrivés récemment vivaient dans des conditions déplorables et n’étaient pas autorisés à quitter le camp dans lequel ils vivaient.
En novembre, les gouvernements du Bangladesh et du Myanmar ont signé un accord sur le rapatriement au Myanmar des Rohingyas récemment arrivés. Les dispositions de cet accord risquaient de bafouer les normes internationales en matière de rapatriement volontaire et le principe de « non-refoulement » inscrit dans le droit international, ouvrant ainsi la voie au renvoi forcé de centaines de milliers de Rohingyas au Myanmar, où ils risquaient fortement de subir des violations des droits humains.

Torture et autres mauvais traitements

Des actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements continuaient d’être régulièrement infligés aux personnes placées en détention provisoire ; les plaintes à ce sujet faisaient rarement l’objet d’une enquête. La Loi de 2013 relative à la torture et à la mort en détention (prévention) n’était toujours pas appliquée de façon satisfaisante, du fait d’un manque de volonté politique et de l’absence de sensibilisation des responsables de l’application des lois.

Peine de mort

De très nombreuses condamnations à mort ont été prononcées et plusieurs exécutions ont eu lieu.
En avril, deux personnes ont été condamnées à mort après avoir été déclarées coupables de crimes contre l’humanité par le Tribunal pour les crimes de droit international, une juridiction bangladaise créée pour enquêter sur les événements de la guerre d’indépendance, en 1971. Le Tribunal a également vu se conclure la phase de plaidoirie dans le procès de six criminels de guerre présumés, poursuivis pour des homicides collectifs, des enlèvements, des pillages et des incendies volontaires commis dans le district de Gaibandha pendant la guerre de 1971. L’affaire était toujours en cours. De graves préoccupations ont vu le jour quant à l’équité de ce procès, notamment en raison du délai insuffisant accordé aux avocats de la défense pour préparer les affaires et de la limitation arbitraire du nombre de témoins.

Chittagong hill tracts

En juin, au moins une personne a été tuée et des centaines d’habitations ont été incendiées lors d’une attaque collective contre des populations autochtones dans la ville de Langadu (district de Rangamati Hill). La police et les militaires n’auraient pas protégé les villageois autochtones. Les personnes ayant perdu leur habitation n’avaient pas été relogées à la fin de l’année. Une vidéo mise en ligne sur les médias sociaux semblait montrer des militaires ayant recours à une force excessive contre des étudiants qui dénonçaient pacifiquement ces violences, ainsi que la disparition de Kalpana Chakma, militante pour les droits des populations autochtones, survenue en 1996. Mithun Chakma a indiqué qu’il avait dû comparaître jusqu’à huit fois par mois devant un tribunal, ce qu’il a qualifié de « situation suffocante », car cela l’empêchait de mener à bien ses activités de défense des droits humains. Ce militant en faveur des droits des populations autochtones devait répondre d’accusations pénales dans 11 affaires distinctes, dont certaines relevant de la Loi sur les technologies de l’information et de la communication, en raison d’articles qu’il avait publiés sur les réseaux sociaux à propos de violations des droits humains.

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