L’état d’urgence, qui avait été déclaré en 2015, a finalement été levé. Une nouvelle loi a étendu les pouvoirs de l’exécutif, permettant aux autorités d’imposer des mesures antiterroristes pour des motifs mal définis et sans contrôle judiciaire systématique. Des ressortissants afghans ont cette année encore été expulsés vers l’Afghanistan, en violation du principe de « non-refoulement ». Une loi imposant aux grandes entreprises une obligation de vigilance est entrée en vigueur.
Lutte contre le terrorisme et sécurité
Le Parlement a validé en juillet le projet du gouvernement visant à proroger l’état d’urgence jusqu’au 1er novembre puis à y mettre fin. L’état d’urgence était en vigueur depuis les attentats perpétrés à Paris, la capitale, le 13 novembre 2015.
Un autre projet de loi a été adopté par le Parlement en octobre. Ce texte inscrivait dans le droit commun de nouvelles mesures antiterroristes. Il renforçait les pouvoirs du ministre de l’Intérieur et des préfets, leur permettant de prononcer des mesures administratives contre des personnes dans des cas où il n’existait pas suffisamment d’éléments pour ouvrir une enquête pénale. Ils pouvaient ordonner, entre autres, des restrictions à la liberté de circulation, des perquisitions, la fermeture de lieux de culte, ou encore la création de périmètres de protection au sein desquels les pouvoirs des forces de l’ordre en matière d’interpellation et de fouille étaient renforcés. Parmi ces mesures, seules les perquisitions nécessitaient l’autorisation d’un juge.
La rapporteuse spéciale des Nations unies sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste a exprimé en septembre sa préoccupation quant au fait que ce texte ne définissait que vaguement ce qui constituait une menace pour la sécurité nationale et avait pour effet d’inscrire dans le droit commun des mesures d’urgence.
Liberté de réunion
Des préfets ont continué de recourir à des dispositions de l’état d’urgence pour limiter le droit à la liberté de réunion pacifique. Des dizaines de mesures limitant la liberté de circulation, en particulier, ont été prises pour empêcher des personnes de participer à des rassemblements publics. Les autorités ont imposé ces mesures pour des motifs vagues et contre des particuliers n’ayant selon toute apparence aucun rapport avec une quelconque infraction liée au terrorisme. Dix-sept personnes ont ainsi fait l’objet de mesures préfectorales qui leur interdisaient de participer à des manifestations visant à réclamer des comptes à la police après qu’un jeune homme eut signalé avoir été violé par un policier le 2 février. Le préfet de police de Paris a pour sa part interdit à 10 militants de manifester à l’occasion de la Fête du travail, le 1er mai.
Un policier a été mis en examen le 5 janvier pour avoir lancé une grenade de désencerclement ayant blessé un manifestant, Laurent Théron, qui a perdu l’usage d’un oeil. La procédure contre le policier était en cours à la fin de l’année. L’enquête pour recours excessif à la force présumé de la part de la police contre des dizaines de manifestants ayant participé aux rassemblements organisés en 2016 contre la réforme du Code du travail n’était toujours pas terminée à la fin de l’année.
Une nouvelle loi régissant l’usage des armes et de la force par les représentants des forces de l’ordre est entrée en vigueur en mars. Ce texte autorisait l’utilisation de certaines armes, y compris des projectiles à impact cinétique, dans des circonstances ne répondant pas entièrement aux normes internationales.
En juin, le Conseil constitutionnel a estimé que la disposition de l’état d’urgence qui permettait aux préfets d’imposer des restrictions à la liberté de circulation était inconstitutionnelle. Le Parlement a néanmoins inclus cette même disposition en juillet dans la loi prorogeant l’état d’urgence. Des mesures limitant la liberté de circulation ont été ordonnées à 37 reprises par des préfets entre le 16 juillet et le 30 octobre.
Droits des personnes réfugiées ou migrantes
Entre janvier et juillet, la préfecture des Alpes-Maritimes a intercepté 28 000 réfugiés et migrants qui avaient traversé la frontière depuis l’Italie. Les autorités ont renvoyé 95 % d’entre eux en Italie, y compris des mineurs non accompagnés, sans respecter leur droit de demander l’asile en France.
Entre janvier et août, les autorités ont placé plus de 1 600 ressortissants afghans dans des centres de rétention en attendant de les transférer dans d’autres pays européens au titre du Règlement Dublin III, qui régit l’attribution des responsabilités en matière d’examen des demandes d’asile au sein de l’UE, ou de les renvoyer en Afghanistan. Selon des organisations de la société civile, au cours de cette période, les autorités auraient envoyé environ 300 Afghans dans d’autres pays de l’UE et en auraient expulsé au moins 10 vers l’Afghanistan. La France avait renvoyé 640 personnes en Afghanistan en 2016. Étant donné l’instabilité en matière de sécurité et la situation des droits humains, tous les renvois forcés vers ce pays constituaient une violation du principe de « non-refoulement », selon lequel les États doivent s’abstenir de renvoyer des gens dans un pays où ils risquent de subir des violations des droits humains.
Les autorités ont instauré des mesures punitives contre les centaines de migrants et de réfugiés qui sont retournés à Calais après le démantèlement du camp informel surnommé « la Jungle », en novembre 2016. Les opérations policières d’interpellation et de fouille ont été renforcées, suscitant des inquiétudes liées au profilage ethnique. En mars, la mairie a interdit aux organisations humanitaires de distribuer des repas aux migrants et aux demandeurs d’asile dans certains lieux de la ville. À la fin du mois, un tribunal a estimé que cette interdiction constituait un traitement inhumain et dégradant et a ordonné la suspension de l’exécution des arrêtés municipaux concernés. La municipalité a refusé d’appliquer pleinement ce jugement et n’a autorisé la distribution que d’un repas par jour. En juin, le Défenseur des droits s’est dit préoccupé par les violations des droits humains subies par les migrants et les demandeurs d’asile à Calais et a enjoint aux autorités de veiller au respect des droits sociaux et économiques de ces personnes, en particulier en ce qui concerne l’accès à l’eau et à un hébergement adapté, et de leur permettre de demander l’asile en France.
Des personnes ont cette année encore été poursuivies en justice et condamnées pour avoir aidé des migrants et des réfugiés à entrer ou à rester de façon irrégulière sur le territoire français, par exemple en leur fournissant un abri ou de quoi se nourrir. En août, Cédric Herrou, un agriculteur vivant près de la frontière franco-italienne, a été condamné en appel à quatre mois de prison avec sursis pour avoir aidé des migrants et des réfugiés à passer la frontière et pour les avoir hébergés.
Discrimination
Une loi étendant aux campements informels le moratoire hivernal sur les expulsions est entrée en vigueur en janvier. Les autorités ont cette année encore expulsé de force des personnes qui vivaient dans des campements informels, dont beaucoup de migrants roms. Selon des organisations de la société civile, 2 689 personnes ont ainsi été expulsées au cours des six premiers mois de l’année.
Le 14 mars, la Cour de justice de l’Union européenne n’a pas fait respecter le droit des musulmanes de ne pas subir de discrimination en estimant qu’un employeur privé français n’avait pas enfreint le droit européen en matière de non-discrimination lorsqu’il avait licencié une employée portant le voile.
Responsabilité des entreprises
Une loi imposant un « devoir de vigilance » aux grandes entreprises est entrée en vigueur en mars. Ce texte exigeait des entreprises françaises qu’elles établissent et mettent en oeuvre un « plan de vigilance » visant à prévenir les atteintes graves aux droits humains et à l’environnement résultant directement ou indirectement de leurs activités et de celles des sociétés qu’elles contrôlent, de leurs fournisseurs et de leurs sous-traitants. En cas d’atteintes aux droits humains provoquées par un manquement de la part des entreprises au regard de cette nouvelle loi, les victimes étaient désormais habilitées à demander réparation devant les tribunaux français.
Commerce des armes
Cette année encore, le gouvernement a autorisé des transferts d’armes à destination de gouvernements qui risquaient fortement de les utiliser pour commettre de graves violations du droit international humanitaire et relatif aux droits humains. Des transferts ont notamment été autorisés vers l’Égypte, ainsi que vers des États participant à la coalition menée par l’Arabie saoudite au Yémen.
En mai, le Sénat a recommandé l’utilisation de drones (véhicules pilotés à distance) armés par les forces armées pour améliorer leur efficacité lors d’opérations militaires. La ministre des Armées a annoncé un projet concret d’utilisation de drones armés à compter de 2019. Les autorités devaient toutefois encore élaborer et mettre en oeuvre des politiques claires quant à l’utilisation et au transfert de ce type de matériel.