Rapport annuel 2018

Grèce

République hellénique
Chef de l’État : Prokopis Pavlopoulos
Chef du gouvernement : Alexis Tsipras

Des milliers de demandeurs d’asile et de migrants restaient piégés sur les îles grecques dans des conditions épouvantables. La Cour européenne des droits de l’homme a jugé que la Grèce n’avait pas fait le nécessaire pour empêcher la traite des êtres humains dans une affaire concernant 42 travailleurs migrants du Bangladesh. Une nouvelle loi a modifié les modalités de reconnaissance de l’identité de genre à l’état civil.

Contexte

Le taux de chômage a reculé mais est resté élevé, particulièrement pour la tranche d’âge des 15-24 ans. En juillet, il était de 20,5 % pour l’ensemble de la population, et de 39,5 % chez les jeunes. Toujours en juillet, la Grèce a fait son retour sur le marché obligataire international après trois ans d’absence.
Selon l’indice d’égalité de genre 2017, la Grèce se classait dernière des États de l’UE sur le plan de l’égalité générale entre les femmes et les hommes. En novembre, le ministère de la Justice a présenté un projet de loi en vue de la ratification de la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique [Conseil de l’Europe].

Droits des personnes réfugiées ou migrantes

Près de 47 000 demandeurs d’asile restaient bloqués en Grèce en raison de la fermeture de la route migratoire des Balkans et de la mise en oeuvre de l’accord conclu entre l’UE et la Turquie en mars 2016. À la fin de l’année, 29 716 personnes étaient arrivées de Turquie par la mer, contre 173 450 en 2016. La Grèce demeurait toutefois l’un des principaux points d’entrée en Europe pour les réfugiés et les migrants.

Accord UE-Turquie sur les migrants

La disposition de l’accord conclu entre l’UE et la Turquie, prévoyant le renvoi en Turquie de toutes les personnes arrivées illégalement sur les îles grecques, y compris des demandeurs d’asile, continuait de bloquer un grand nombre d’entre elles sur les îles, dans des conditions désastreuses, le temps des longues procédures d’examen de leur demande d’asile.
En septembre, le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative du pays, a rejeté les recours en dernière instance déposés par deux réfugiés syriens contre les décisions d’irrecevabilité de leurs demandes d’asile au motif que la Turquie était un pays tiers sûr. Cette décision ouvrait la voie aux premiers renvois forcés de demandeurs d’asile syriens au titre de l’accord entre l’UE et la Turquie.
À la fin de l’année, 684 personnes avaient été renvoyées en Turquie depuis les îles grecques ; elles étaient 1 485 à avoir subi ce sort depuis l’entrée en vigueur de l’accord UE-Turquie. Parmi elles figuraient cinq ressortissants syriens qui se trouvaient en détention et n’avaient pas formé de nouveau recours contre leur renvoi après avoir été déboutés en deuxième instance.
En octobre, des ONG, dont Amnesty International, ont rassemblé des informations sur des cas dans lesquels des demandeurs syriens avaient été automatiquement placés en détention à leur arrivée car les autorités pensaient qu’ils seraient rapidement renvoyés en Turquie aux termes de l’accord UE-Turquie.
Les autorités grecques pratiquaient une discrimination à l’égard de demandeurs d’asile de certaines nationalités. Du fait de l’accord UE-Turquie, beaucoup de ressortissants de pays considérés comme une source de « migrants économiques » plutôt que de « réfugiés » étaient automatiquement placés en détention dans l’attente de leur renvoi en Turquie.

Programme de relocalisation de l’UE

Le programme de relocalisation de l’UE restait l’un des très rares moyens officiels, pour les personnes qui pouvaient y prétendre, de quitter la Grèce en toute sécurité pour rejoindre un autre pays européen. Cependant, les demandeurs d’asile arrivés en Grèce depuis l’entrée en vigueur de l’accord UE-Turquie en étaient arbitrairement exclus. Au total, 21 703 demandeurs d’asile avaient été relocalisés de la Grèce vers d’autres pays européens, sur les 66 400 prévus par le programme.

Conditions d’accueil

La sécurité demeurait une préoccupation centrale dans un grand nombre des camps de réfugiés qui subsistaient, en particulier dans les « hotspots » (les centres d’enregistrement) surpeuplés situés sur les îles.
En juin, les trois camps de réfugiés du quartier d’Elliniko à Athènes, la capitale, qui accueillaient environ un millier de réfugiés et de migrants, dont de nombreux enfants, ont été évacués. La plupart des réfugiés et des migrants ont été transférés dans d’autres camps. Les conditions de vie dans les camps d’Elliniko, installés sur deux anciens sites olympiques et dans le terminal d’arrivée d’un aéroport désaffecté, étaient déplorables et dangereuses. Des ONG s’étaient dites gravement préoccupées par la sécurité à Elliniko, surtout pour les femmes et les filles. De nombreuses femmes ont indiqué avoir été victimes de harcèlement verbal et être exposées au risque de violences sexuelles et liées au genre.
En janvier, trois hommes sont morts en l’espace d’une semaine dans le camp de Moria, sur l’île de Lesbos. Leur décès pourrait être lié à une intoxication au monoxyde de carbone due à des dispositifs improvisés utilisés pour chauffer leurs tentes. L’enquête n’était pas terminée à la fin de l’année.
À la suite de ces décès, les autorités grecques ont transféré des milliers de demandeurs d’asile vulnérables des îles vers le continent. Cependant, en août, avec la multiplication des arrivées sur les îles, les structures d’accueil ont de nouveau été débordées. À la fin de l’année, les autorités étaient dans l’incapacité d’offrir des conditions d’accueil sur les îles qui soient conformes aux normes minimales prévues par le droit communautaire.
Le recours à des hébergements en ville pour les demandeurs d’asile, essentiellement des appartements, s’est accru. À la fin de l’année, environ 18 000 demandeurs d’asile et réfugiés étaient hébergés dans des appartements et d’autres logements urbains plutôt que dans des camps. La plupart des personnes logées en ville se trouvaient en Grèce continentale ; moins de 1 000 demandeurs d’asile vivaient dans des appartements sur les îles.

Mineurs non accompagnés

En septembre, le Comité européen pour la prévention de la torture [Conseil de l’Europe] a critiqué la pratique persistante et régulière de la détention de mineurs migrants ou réfugiés non accompagnés. À la date du 15 décembre, 2 256 mineurs isolés attendaient leur placement en foyer, dont 74 qui étaient détenus dans des postes de police.

Travail forcé et esclavage

En mars, dans l’affaire Chowdury et autres c. Grèce, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé dans un arrêt historique que 42 travailleurs migrants bangladais avaient été soumis au travail forcé et à la traite des êtres humains alors qu’ils travaillaient dans une exploitation de fraises dans le village de Manolada. Elle a également conclu que la Grèce n’avait pas fait le nécessaire pour empêcher la traite des êtres humains et mener une enquête effective sur les infractions commises.

Objecteurs de conscience

Les objecteurs de conscience continuaient d’être arrêtés, soumis à des poursuites à répétition, jugés par des tribunaux militaires et condamnés à des amendes. En juin, un objecteur de conscience de 53 ans poursuivi pour avoir refusé de faire son service militaire en 1990 a été jugé par un tribunal militaire et acquitté.
D’après les rapports publiés en 2016 par la Commission nationale des droits humains et le Bureau européen de l’objection de conscience, la durée du service civil de remplacement pour certaines catégories d’objecteurs de conscience n’était toujours pas conforme à la Charte sociale européenne. En juillet, le Comité européen des droits sociaux [Conseil de l’Europe] a demandé à la Grèce un complément d’information.

Torture et autres mauvais traitements

Cette année encore, des informations ont fait état de mauvais traitements et de recours excessif à la force de la part de responsables de l’application des lois. La plupart des victimes des actes signalés étaient des réfugiés et des migrants bloqués sur les îles de la mer Égée à la suite de l’accord entre l’UE et la Turquie.
Selon certains témoignages, la police a employé une force excessive contre des demandeurs d’asile pendant une opération menée pour arrêter des manifestants lors d’affrontements avec des policiers dans le camp de Moria, à Lesbos, le 18 juillet. Certaines des personnes arrêtées et détenues dans le principal poste de police de l’île après les heurts auraient aussi été maltraitées. En juillet, un procureur local a ordonné l’ouverture d’une information judiciaire sur ces allégations. L’enquête n’était pas terminée à la fin de l’année.

Racisme

De nombreuses agressions motivées par la haine ont été signalées durant l’année. Entre août 2016 et fin 2017, plus de 50 agressions auraient été commises dans la ville d’Aspropyrgos par des groupes de jeunes de la région contre des travailleurs migrants du Pakistan. En juin, des représentants d’ONG nationales ont porté plainte et les autorités ont ouvert une enquête pénale. En octobre, la police a arrêté trois jeunes hommes soupçonnés d’être impliqués dans l’une de ces violentes attaques.
Soixante-neuf personnes liées au parti d’extrême droite Aube dorée, dont son dirigeant et ses députés, sont jugées depuis 2015 pour le meurtre, en 2013, du chanteur antifasciste Pavlos Fyssas et pour participation à une organisation criminelle. En octobre, la cour d’appel d’Athènes a fini d’entendre les témoins de l’accusation convoqués au procès.

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexuées

Les personnes réfugiées ou migrantes bloquées sur les îles de la mer Égée subissaient également des infractions motivées par la haine. Certaines victimes étaient des femmes transgenres et des hommes gays.
En octobre, sur fond de réactions transphobes à l’intérieur et à l’extérieur du Parlement, le gouvernement a adopté une nouvelle loi modifiant les modalités de reconnaissance de l’identité de genre à l’état civil. La loi n° 4491/2017 dispose expressément que les personnes transgenres peuvent faire modifier leurs papiers d’identité sans avoir à subir des interventions médicales, des examens et des expertises psychiatriques. Cependant, elle contient également plusieurs dispositions problématiques, comme l’obligation d’être célibataire et de faire valider la reconnaissance du genre par un tribunal local. Si la procédure est ouverte à toute personne de plus de 15 ans, des restrictions générales subsistent selon l’âge ; les mineurs de 15 à 16 ans qui veulent obtenir une reconnaissance de leur genre à l’état civil sont confrontés à un obstacle supplémentaire, celui d’une expertise médico-psychologique.

Liberté d’association

En octobre, le Parlement a adopté une modification législative visant à mettre en oeuvre trois arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Ces jugements concernaient la violation de la liberté d’association, liée au refus des autorités d’enregistrer des associations de minorités nationales grecques en 2007, 2008 et 2015. La nouvelle disposition a modifié le Code de procédure civile pour permettre la réouverture des procédures dans ces affaires. Cependant, l’ONG grecque Greek Helsinki Monitor s’est inquiétée des restrictions imposées par la loi à la réouverture de ces procédures, notamment pour des motifs de sécurité nationale et d’ordre public.

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