Rapport annuel 2018

Hongrie

Hongrie
Chef de l’État : János Áder
Chef du gouvernement : Viktor Orbán

La répression systématique contre les droits des réfugiés et des migrants s’est poursuivie. Une nouvelle loi a introduit des mesures restrictives pour les universités et les ONG recevant des fonds de l’étranger.

CONTEXTE

Le gouvernement a continué de revenir en arrière dans le domaine des droits humains et de ne pas se conformer au droit de l’Union Européenne, ce qui a entraîné des manifestations dans le pays et une accentuation de la surveillance internationale. La Commission européenne a engagé et mis en oeuvre quatre procédures d’infraction officielles après l’adoption de lois jugées incompatibles avec les libertés garanties par l’UE. En mai, le Parlement européen a adopté une résolution détaillée dans laquelle il s’inquiétait de la situation des droits humains dans le pays. Plus d’un quart de la population restait exposé au risque de pauvreté et d’exclusion sociale et 16 % vivaient en situation d’extrême dénuement.

PERSONNES RÉFUGIÉES OU DEMANDEUSES D’ASILE

La Hongrie a continué de restreindre sévèrement l’accès à son territoire pour les réfugiés et les demandeurs d’asile. L’admission ne pouvait se faire que dans deux « zones de transit » en place près de la frontière, où seulement 10 nouvelles demandes d’asile pouvaient être déposées par jour ouvré. En conséquence, entre 6 000 et 8 000 personnes devaient vivre dans des conditions inacceptables en Serbie, dans des camps de fortune, courant le risque de se retrouver sans abri et d’être expulsées plus au sud vers la Macédoine ou la Bulgarie.
La Cour européenne des droits de l’homme a jugé en mars, dans l’affaire Ilias et Ahmed c. Hongrie, que la rétention de demandeurs d’asile dans des « zones de transit » – généralement des camps de conteneurs fortement gardés aux frontières extérieures du pays – était constitutive d’une privation arbitraire de liberté. Elle a également estimé que, au vu des mauvaises conditions dans lesquelles les demandeurs d’asile avaient été détenus pendant des semaines et en l’absence de voies de recours judiciaires contre cette forme de détention, la Hongrie n’avait pas apporté la protection adéquate contre un risque réel de traitements inhumains et dégradants.
En mars également, l’Assemblée nationale a adopté une série de modifications concernant cinq lois sur les migrations et l’asile. Ces modifications prévoyaient la détention automatique, sans contrôle judiciaire, de tous les demandeurs d’asile dans les « zones de transit » frontalières, y compris des mineurs isolés âgés de 14 à 18 ans. Elles permettaient également la détention des demandeurs d’asile pendant toute la durée de la procédure d’asile, recours compris, et l’expulsion sommaire de tous les migrants en situation irrégulière interpellés sur le territoire hongrois à l’extérieur des longues clôtures érigées par la Hongrie à ses frontières.
En conséquence, la plupart des demandeurs d’asile en Hongrie esquivaient la procédure ou étaient placés en rétention dans les « zones de transit » frontalières pour une durée indéterminée. À la fin de l’année, près de 500 demandeurs d’asile étaient détenus illégalement à la frontière. Les observateurs des droits humains et les ONG fournissant une aide juridique n’étaient pas autorisés à entrer en contact avec eux, ou seulement de manière extrêmement limitée. Ces mesures draconiennes étaient initialement censées s’appliquer en « situation de crise causée par une immigration massive ». Or, la « situation de crise » est invoquée continuellement depuis septembre 2015 et a été prolongée en août jusqu’à mars 2018, en l’absence de toute justification factuelle ou légale.
La Hongrie a encore renforcé ses clôtures frontalières et la présence policière à sa frontière sud. Plus de 20 000 personnes ont été sommairement et parfois violemment renvoyées en Serbie ou empêchées de pénétrer sur le territoire hongrois, sans avoir pu bénéficier d’une procédure d’asile équitable et efficace ni d’un examen de leurs besoins de protection. En mars, le journal Magyar Nemzet a révélé que, contrairement aux déclarations du gouvernement rejetant les accusations de violences, plus de 40 enquêtes avaient été ouvertes sur des cas de recours excessif à la force par des policiers à la frontière sur une période de 18 mois ; la plupart de ces enquêtes ont été classées sans suite.
En septembre, la Hongrie a été déboutée par la Cour de justice de l’Union européenne, qui a jugé qu’elle ne pouvait s’abstenir de participer au programme de relocalisation d’urgence de l’UE destiné à transférer des demandeurs d’asile de Grèce et d’Italie dans les autres États membres de l’UE. La Hongrie s’est obstinée à refuser toute relocalisation (alors que le programme prévoyait l’accueil dans ce pays d’un quota minimum de 1 294 demandeurs d’asile), ainsi que toute participation à d’autres mécanismes de solidarité régionaux. À la fin de l’année, elle n’avait procédé à aucune réinstallation ni relocalisation.

LIBERTÉ D’ASSOCIATION

L’adoption en avril, en procédure accélérée, de modifications de la Loi sur l’enseignement supérieur national a déclenché de vastes manifestations et des critiques de la part de spécialistes universitaires et du grand public. Ces dispositions, vues par beaucoup comme une attaque contre un établissement bien précis, l’Université d’Europe centrale (CEU), ont imposé de nouvelles obligations dans un délai extrêmement court aux universités étrangères présentes en Hongrie, notamment celle de conclure un accord bilatéral au niveau de l’État, menaçant ainsi la poursuite de leurs activités. Dès le mois d’avril, la Commission européenne a engagé une action judiciaire contre la Hongrie en ouvrant une procédure d’infraction. Elle estimait en effet que cette loi n’était pas compatible avec les libertés fondamentales garanties par l’UE, notamment la liberté de fournir des services, la liberté d’établissement et la liberté académique. En octobre, l’Assemblée nationale a prolongé d’une année calendaire les délais accordés aux établissements concernés pour se conformer aux nouvelles obligations. À la fin de l’année, aucun accord qui permettrait la poursuite des activités de la CEU n’avait été trouvé entre le gouvernement et l’État de New York.
En juin, l’Assemblée nationale a adopté une loi ayant pour effet de jeter le discrédit sur les ONG bénéficiant de financements étrangers. Aux termes de cette Loi sur la transparence des organisations financées par des capitaux étrangers, les ONG qui recevaient plus de 24 000 euros de financements directs ou indirects en provenance de l’étranger devaient se réenregistrer comme « organisation civile financée par des capitaux étrangers » et afficher cette appellation sur toutes leurs publications. La nouvelle législation exigeait également que les ONG divulguent l’identité de leurs donateurs et sympathisants au-delà d’un seuil d’environ 1 650 euros. Cette loi a été adoptée sur fond d’une campagne de communication soutenue par le gouvernement qui jetait le discrédit sur les ONG et accusait plusieurs d’entre elles de porter atteinte à la souveraineté et la sécurité nationales. Visant uniquement certains types d’organisations de la société civile, elle était directement discriminatoire contre ces organisations et restreignait leur liberté d’association, notamment leur droit de solliciter, de recevoir et d’utiliser des ressources. Mi-juillet, la Commission européenne a informé la Hongrie de l’ouverture d’une nouvelle procédure d’infraction, au motif que cette loi imposait des mesures contraires au droit à la liberté d’association ainsi que des restrictions injustifiées et disproportionnées à la libre circulation des capitaux, et suscitait des inquiétudes en matière de protection de la vie privée et des données à caractère personnel.
En août, une coalition rassemblant une vingtaine d’ONG a porté plainte auprès de la Cour constitutionnelle pour demander l’annulation de cette loi.

LUTTE CONTRE LE TERRORISME ET SÉCURITÉ

En juin, une cour d’appel de la ville de Szeged, dans le sud du pays, a annulé le jugement rendu contre Ahmed H., un Syrien condamné à 10 ans d’emprisonnement pour des « actes de terrorisme » lors d’une émeute de réfugiés et de migrants à la frontière entre la Serbie et la Hongrie en septembre 2015. Elle a estimé que les preuves n’avaient pas été correctement appréciées et a ordonné un nouveau procès. En août, le procureur général a fait appel de cette décision devant la Cour suprême (Curia). Celle-ci a jugé en novembre que la cour d’appel aurait dû rendre un arrêt contraignant plutôt que d’ordonner un nouveau procès ; cette décision n’avait toutefois aucune incidence sur la procédure en cours. L’affaire Ahmed H. était toujours en attente d’examen par un nouveau tribunal de première instance à la fin de l’année.

VIOLENCES FAITES AUX FEMMES ET AUX FILLES

En octobre, des allégations d’agressions commises par des hommes occupant des postes de pouvoir ont provoqué un débat national sur la reconnaissance du viol et des autres formes de violences sexuelles et sur les suites pénales données à ces affaires. La Hongrie n’avait toujours pas ratifié la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, et les auteurs de tels actes étaient rarement poursuivis.

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