Le fait de diriger une organisation non reconnue officiellement ou d’en être membre constituait toujours une infraction. Les syndicats et les ONG ont fait l’objet de restrictions injustifiées. La torture et les autres mauvais traitements ont perduré dans les centres de détention. Des journalistes ont été poursuivis en justice ou agressés pour des raisons politiques. Les femmes et les personnes handicapées étaient toujours victimes de discriminations.
DROITS DES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS
Les syndicats indépendants étaient confrontés à une législation répressive et menacés de dissolution. Plusieurs syndicalistes ont été poursuivis en justice sur la foi d’accusations forgées de toutes pièces (incitation à des grèves illégales ou détournement de fonds).
Le 4 janvier, un tribunal a ordonné la dissolution de la Confédération des syndicats indépendants du Kazakhstan (KNPRK) et de deux de ses membres affiliés, le syndicat représentant le personnel de santé et celui représentant le personnel de maison, au motif qu’ils ne s’étaient pas fait enregistrer dans les délais exigés. Le lendemain, des centaines de travailleurs du secteur pétrolier ont entamé une grève de la faim pour protester contre cette mesure. Trois dirigeants syndicaux ont été arrêtés. Nourbek Kouchakbaïev a été condamné le 7 avril à deux ans et demi d’emprisonnement. Amine Éléoussinov a été condamné le 16 mai à deux ans d’emprisonnement pour détournement de biens. Le 25 juillet, Larissa Kharkova s’est vu infliger quatre années de « restriction de liberté » pour abus de pouvoir par un tribunal de Chymkent. Entre les 19 et 24 janvier, 63 employés de compagnies pétrolières ont été poursuivis en justice pour leur participation à la grève de la faim. Ils ont écopé d’amendes. La Commission de l’application des normes de l’Organisation internationale du travail (OIT) a exprimé en juin sa préoccupation concernant le « grave problème » que constituait la dissolution de la KNPRK, appelant les autorités à faire en sorte que la Confédération et ses affiliés « soient en mesure d’exercer pleinement leurs droits syndicaux ».
PRISONNIÈRES ET PRISONNIERS D’OPINION
Le 20 janvier, le tribunal régional de la ville d’Atyraou, dans l’ouest du Kazakhstan, a confirmé la condamnation à cinq ans d’emprisonnement des défenseurs des droits humains et prisonniers d’opinion Max Bokaïev et Talgat Aïan, pour leur participation à l’organisation de manifestations pacifiques et leurs commentaires contre le Code foncier sur les réseaux sociaux. Les deux hommes ont été transférés fin janvier dans une colonie pénitentiaire de Petropavlovsk, dans le nord du pays, à 1 500 kilomètres de leur domicile. Max Bokaïev et Talgat Aïan n’ont pas été informés à l’avance de leur transfert et n’avaient pas de vêtements adaptés aux conditions hivernales de cette région. Le 13 avril, la Cour suprême a rejeté les appels qu’ils avaient interjetés. Le 22 août, après que son avocat en eut fait la demande et que celle-ci eut été acceptée, Talgat Aïan a été transféré dans une colonie pénitentiaire d’Aktobe, dans le nord-ouest du pays, ce qui le rapprochait de ses jeunes enfants.
TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS
Après avoir soumis, en avril, son deuxième rapport périodique au Comité des droits de l’homme de l’ONU, le Kazakhstan a indiqué que quelque 700 cas présumés de torture dans des centres de détention avaient été signalés au Bureau du procureur général en 2016 et que, au cours des cinq années précédentes, 158 fonctionnaires avaient été reconnus coupables de torture.
En juin, le Comité des Nations unies contre la torture a conclu qu’Alexeï Ouchenine avait été torturé et soumis à d’autres mauvais traitements, et que les autorités n’avaient pas mené dans les meilleurs délais une enquête efficace et impartiale sur ses allégations. Cet homme soutenait avoir été roué de coups pendant deux jours, en août 2011, par des policiers qui cherchaient à lui faire « avouer » un vol. Ils lui ont placé un sac en plastique sur la tête jusqu’à ce qu’il perde connaissance, écrasé des cigarettes sur le corps, et introduit à plusieurs reprises une matraque en caoutchouc dans l’anus.
IMPUNITÉ
Les pouvoirs publics n’avaient pas enquêté de manière efficace et approfondie sur les atteintes aux droits humains qui auraient été commises lors de violents affrontements ayant opposé la police à des employés du secteur pétrolier qui manifestaient à Janaozen en décembre 2011. Ces affrontements avaient fait au moins 15 morts et plus d’une centaine de blessés graves, la police ayant apparemment fait usage d’une force excessive contre les manifestants.
LIBERTÉ D’ASSOCIATION
Les ONG étaient soumises à des restrictions injustifiées, à des obligations draconiennes en matière de compte rendu de leurs activités (aux termes d’une loi adoptée fin 2015) et à de fréquents contrôles fiscaux. Toute organisation ne fournissant pas régulièrement des informations précises à la base de données centrale sur les ONG était passible d’une amende ou d’une suspension temporaire de ses activités.
Les ONG Initiative juridique internationale et Fondation pour la liberté ont été sanctionnées par une amende pour défaut de paiement de l’impôt. Le 6 avril, le tribunal spécial interrégional de commerce d’Almaty a confirmé la décision de l’administration fiscale selon laquelle l’Initiative juridique internationale devait s’acquitter de l’impôt sur les sociétés pour les sommes reçues de donateurs étrangers, alors que les organisations sans but lucratif en étaient exonérées. Le 31 mai, il a rejeté le recours introduit par la Fondation pour la liberté contre une décision analogue de l’administration fiscale. Ces deux organisations ont payé des amendes s’élevant respectivement à 1 300 000 et à 3 000 000 tenges (4 000 et 8 300 euros).
LIBERTÉ D’EXPRESSION
Des journalistes indépendants critiques à l’égard des autorités ont été poursuivis en justice ou agressés pour des raisons politiques.
En septembre, Janbolat Mamaï, rédacteur de Sayassi Kalam Tribouna, journal indépendant critiquant les pouvoirs publics, s’est vu imposer trois années de restriction de liberté pour blanchiment d’argent. Il a affirmé que les poursuites engagées contre lui étaient motivées par des considérations politiques. Janbolat Mamaï était maintenu en détention depuis le mois de février. Le 14 mai, Ramazan Esserguepov, journaliste et président de l’ONG Journalistes en danger, a été poignardé dans un train, alors qu’il se rendait à Astana, la capitale, pour s’entretenir de l’affaire Janbolat Mamaï avec des diplomates étrangers et des experts internationaux. Il était convaincu que son agression était liée à l’intérêt qu’il avait manifesté pour le sort de son confrère et aux informations critiques qu’il avait publiées sur cette affaire.
LIBERTÉ DE RÉUNION
Le fait d’organiser une manifestation non violente sans avoir obtenu au préalable l’autorisation des pouvoirs publics, ou de participer à une telle réunion, constituait toujours, aux termes du Code pénal et du Code des infractions administratives, une infraction passible d’une lourde amende ou d’une peine pouvant atteindre 75 jours d’emprisonnement.
Le 13 juillet, le Comité des droits de l’homme a conclu que le droit d’Andreï Sviridov à la liberté de réunion pacifique avait été violé en 2009, lorsqu’il avait été poursuivi pour avoir manifesté seul contre l’inculpation du défenseur des droits humains Evgueni Jovtis. Reconnu coupable de manifestation sans autorisation préalable, Andreï Sviridov avait été condamné à 12 960 tenges (33 euros) d’amende.
Le 1er août, deux manifestants pacifiques, Askhat Bersalimov et Khalilkhan Ybrahamouli, ont été arrêtés et condamnés respectivement à cinq et trois jours de détention administrative pour participation à une manifestation non autorisée. Ils s’étaient retrouvés avec une dizaine d’autres personnes dans le parc Mahatma Ghandi d’Almaty, le 29 juillet, puis s’étaient rendus à la poste centrale pour envoyer des appels en faveur de Janbolat Mamaï et de plusieurs autres prisonniers à des gouvernements étrangers et à des organisations internationales.
DROITS DES FEMMES
Selon le ministère de l’Intérieur, 35 253 ordonnances de protection ont été prises au cours du premier semestre dans le cadre d’affaires de violence domestique. Plusieurs ONG considéraient toutefois que les actes de violence à l’égard des femmes étaient loin d’être tous signalés et que le nombre de poursuites contre les auteurs de ces agissements était faible. Les responsables de harcèlement sexuel étaient eux aussi rarement poursuivis.
Les autorités refusaient toujours de reconnaître qu’Anna Belooussova avait été victime de harcèlement sexuel, malgré l’avis rendu en 2015 par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes [ONU], qui recommandait au Kazakhstan de verser à la jeune femme une indemnisation suffisante. La Cour suprême a confirmé en mars le jugement d’un tribunal de Kostanaï, qui avait estimé qu’aucune indemnisation ne lui était due. Le tribunal régional de Saryarkinsk a rejeté en juillet une demande d’indemnisation visant le ministère des Finances. Anna Belooussova travaillait dans une école primaire de Pertsevka depuis 1999. En janvier 2011, le nouveau directeur de l’établissement avait menacé de la renvoyer si elle n’acceptait pas d’avoir des relations sexuelles avec lui. Elle avait refusé et avait été congédiée au mois de mars.
SURVEILLANCE INTERNATIONALE
En avril, la Coalition pour la défense des défenseurs et des militants des droits humains a adressé une pétition au président de la République pour réclamer l’adoption de lois d’application des décisions rendues sur le Kazakhstan par les organes de surveillance des traités de l’ONU. Selon cette ONG, en l’absence des dispositions nécessaires dans le droit national, aucune des 25 décisions prises en faveur de requérants kazakhs depuis 2011 n’avait été mise en oeuvre.
La rapporteuse spéciale des Nations unies sur les droits des personnes handicapées s’est rendue dans le pays au mois de septembre. Elle a engagé le gouvernement kazakh à mettre sa législation nationale sur la capacité juridique et la santé mentale en conformité avec le droit international relatif aux droits humains et les normes en la matière, soulignant que, en l’état actuel, cette législation autorisait l’internement de personnes handicapées et la pratique d’interventions médicales sur ces personnes en l’absence de leur consentement libre et éclairé.