L’impunité persistait pour les crimes de guerre. Des demandeurs d’asile et des migrants ont été illégalement placés en détention. Une décision de justice a permis la reconnaissance du genre des personnes transgenres à l’état civil.
CONTEXTE
À l’issue d’élections organisées en décembre 2016, l’Organisation révolutionnaire macédonienne interne - Parti démocrate pour l’unité nationale macédonienne (VMRODPMNE) a remporté plus de la moitié des sièges, mais n’a pas réussi à former un gouvernement. L’Union sociale-démocrate de Macédoine (SDSM) a accepté d’entrer en coalition avec des formations politiques représentant la minorité albanaise et a formé un gouvernement en mai 2017 à la suite d’une violente irruption dans le Parlement de sympathisants du gouvernement précédent. En novembre, un ancien responsable de la police et plusieurs députés ont été arrêtés pour leur rôle présumé dans ces violences. Ces élections ont été organisées après la crise politique déclenchée en 2015 par la diffusion par la SDSM d’enregistrements sonores révélant l’existence de pratiques illégales de surveillance ainsi qu’un scandale de corruption généralisée au sein du gouvernement.
La Commission européenne a demandé à la Macédoine de mettre en place des mesures permettant notamment de garantir l’état de droit, le droit à la vie privée, la liberté d’expression et un système judiciaire indépendant, et de mettre un terme à la corruption qui sévit dans le gouvernement.
LIBERTÉ D’EXPRESSION
Jusqu’en mai, la liberté de la presse a été fortement compromise par des ingérences du gouvernement, tant dans la presse écrite que dans les autres médias, notamment par le contrôle des recettes publicitaires et d’autres sources de revenus. Cette situation a entraîné une autocensure généralisée et une diminution du journalisme d’investigation. En mars, 122 ONG ont publié une déclaration afin de protester contre l’évidente campagne menée par le gouvernement pour saper leur travail.
IMPUNITÉ
Le Bureau des procureurs spéciaux, créé pour enquêter sur les infractions mises au jour par les enregistrements sonores dévoilés par la SDSM, a ouvert une enquête concernant le meurtre en 2011 de Martin Neshkovski et sa dissimulation ultérieure par le gouvernement. En juin, le Bureau a inculpé 94 anciens responsables du gouvernement, dont l’ancien Premier ministre Nikola Gruevski et l’ancien chef de la sécurité et du contre-espionnage.
L’impunité a persisté pour les crimes de guerre, notamment les disparitions forcées et les enlèvements.
JUSTICE
À la suite d’un vote du Conseil des procureurs et du Parlement, le procureur Marko Zvrlevski a été démis de ses fonctions en août en raison de son manque d’indépendance. En octobre, Liljana Spasovska, procureure générale provisoire, a réclamé la tenue d’un nouveau procès pour six Albanais de Macédoine, déclarés coupables en juin 2014 de l’homicide de cinq Macédoniens à Pâques 2012. Cette demande a été justifiée par le fait que le procès de 2014 n’avait pas été conforme aux normes internationales en matière d’équité des procès.
DROITS DES PERSONNES RÉFUGIÉES OU MIGRANTES
Des demandeurs d’asile et des migrants, dont plusieurs enfants non accompagnés, ont été illégalement détenus au Centre d’accueil des étrangers en tant que témoins dans le cadre de poursuites pénales contre des passeurs. Ils ont été retenus en moyenne durant deux semaines, avant d’être relâchés. La plupart d’entre eux ont déposé une demande d’asile mais ont quitté le pays peu après.
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a examiné le cas de huit réfugiés originaires de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan, qui se trouvaient parmi les 1 500 réfugiés et migrants renvoyés de force en Grèce en mars 2016 par les autorités macédoniennes, sans que la situation de chacun ait fait l’objet d’un examen individuel ou qu’un recours utile ait été proposé.
DROITS DES LESBIENNES, DES GAYS ET DES PERSONNES BISEXUELLES, TRANSGENRES OU INTERSEXUÉES
En septembre, le tribunal administratif a estimé qu’une personne transgenre pouvait modifier son marqueur de genre inscrit à l’état civil, permettant ainsi la reconnaissance légale de l’identité de genre.
DROITS SEXUELS ET REPRODUCTIFS
Un tribunal de Skopje, la capitale, a estimé en juillet que la rupture du contrat de travail d’une femme en raison de sa deuxième grossesse constituait une discrimination directe.
En juillet également, un centre de soins prénatals situé à Šuto Orizari, une commune en périphérie de Skopje essentiellement habitée par des Roms, a été rouvert après huit années d’inactivité. En septembre, quatre nouveau-nés sont morts en deux jours dans la clinique de gynécologie et d’obstétrique de Skopje. L’enquête qui a suivi a révélé que le personnel médical était insuffisant, que des bébés partageaient des couveuses, que la ventilation était défectueuse et que le toit présentait des fuites. Entre janvier et octobre, 127 nouveaunés sont morts.
MORTS EN DÉTENTION
En mars, le Centre européen des droits des Roms a mis en lumière des cas de jeunes hommes roms morts en détention par overdose de méthadone, un produit uniquement accessible aux gardiens, ainsi que le décès d’une femme rom des suites de mauvais traitements présumés. Au mois d’octobre, le Comité européen pour la prévention de la torture a fait part de ses préoccupations quant au manque d’amélioration depuis 2006 de la gestion et des conditions de détention de la prison d’Idrizovo à Skopje, où neuf personnes sont mortes en 2016.
LUTTE CONTRE LE TERRORISME ET SÉCURITÉ
En décembre, le Comité des ministres [Conseil de l’Europe] a vérifié l’exécution de l’arrêt rendu en 2012 par la CEDH concernant le ressortissant allemand Khaled el Masri. Il a exprimé des inquiétudes quant au fait que les autorités n’avaient pas présenté d’excuses publiques et a sollicité des informations sur les progrès effectués dans l’exécution de l’arrêt. La CEDH avait jugé la Macédoine responsable de la détention, de la disparition forcée, des actes de torture et des autres mauvais traitements subis par Khaled el Masri en 2003, ainsi que de sa remise ultérieure à la CIA, qui l’avait transféré dans un centre de détention secret situé en Afghanistan.
En novembre, 37 membres de la minorité albanaise ont été déclarés coupables de terrorisme pour leur implication dans une fusillade avec la police à Kumanovo en 2015, qui a fait 18 morts.