L’impunité persistait pour des crimes relevant du droit international. Des campagnes de dénigrement menées par de hauts responsables et des médias proches du gouvernement ont créé un climat délétère pour les militants en faveur de la justice de transition et pour les médias indépendants.
CONTEXTE
Des manifestations de grande ampleur contre la fraude électorale et la partialité des médias ont été organisées après l’élection présidentielle, remportée par le parti au pouvoir en avril. De plus en plus d’anciens responsables militaires serbes libérés après avoir purgé les peines auxquelles ils avaient été condamnés par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) étaient nommés à des postes haut placés. Contre l’avis du Comité contre la torture des Nations unies, la Serbie a extradé en décembre le militant kurde Cevdet Ayaz vers la Turquie, où il faisait face à un emprisonnement certain.
CRIMES DE DROIT INTERNATIONAL
En novembre, Ratko Mladić, ancien commandant en chef de l’armée de la République serbe de Bosnie, a été déclaré coupable de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre commis en Bosnie-Herzégovine et a été condamné à la réclusion à perpétuité par le TPIY. La cour d’appel de Belgrade, quant à elle, a acquitté en août 10 personnes accusées d’avoir caché Ratko Mladić, qui avait été arrêté en Serbie en 2011.
En mai, Snežana Stanojković a été élue procureure générale chargée des crimes de guerre. Trois affaires seulement, qui se sont toutes conclues par des acquittements, ont été menées à terme pendant l’année par la Chambre spéciale chargée des crimes de guerre au sein du tribunal de district de Belgrade. Plusieurs anciens militaires étaient rejugés pour des crimes de guerre commis au Kosovo ; deux hommes faisaient notamment l’objet de la première inculpation pour viol. Le procès était toujours en cours à la fin de l’année.
En juillet, le procès de huit anciens membres de la police spéciale bosno-serbe, accusés d’avoir organisé et participé à l’homicide de 1 313 civils bosniaques près de Srebrenica en 1995, a été interrompu car l’inculpation de 2016 avait été prononcée alors que le poste de procureur général chargé des crimes de guerre était vacant. Les huit hommes ont été à nouveau inculpés en appel et la procédure a recommencé en novembre. En octobre, la cour d’appel de Belgrade a abandonné, pour des raisons similaires, les poursuites engagées contre cinq anciens paramilitaires bosno-serbes inculpés de l’enlèvement suivi du meurtre de 20 personnes qui se trouvaient à bord d’un train arrêté en gare de Štrpci, en Bosnie-Herzégovine, en février 1993.
DISPARITIONS FORCÉES
Si une personne victime de disparition forcée n’était pas morte en Serbie, ses proches n’étaient pas reconnus comme des victimes civiles de la guerre.
En mai, des proches de Serbes du Kosovo disparus ont demandé au gouvernement de faire en sorte que les recherches en vue de retrouver les dépouilles progressent. Les responsables présumés du transfert et de l’inhumation en Serbie des corps d’Albanais du Kosovo en 1999 n’avaient toujours pas été déférés à la justice.
DÉFENSEURES ET DÉFENSEURS DES DROITS HUMAINS
Des ONG en faveur de la justice de transition ont été la cible d’attaques de la part de hauts représentants du gouvernement, dont Aleksandar Vučić, de médias favorables au gouvernement et d’internautes sur les réseaux sociaux. En janvier, des intrus ont laissé des sacs de faux billets dans les locaux de l’ONG Youth Initiative for Human Rights, ainsi que des messages qualifiant l’organisation de « mercenaire étranger ». En janvier également, des militants de l’ONG ont été agressés physiquement lors d’un rassemblement du parti au pouvoir au cours duquel s’est exprimé Veselin Šljivančanin, condamné pour des crimes de guerre commis en Croatie.
LIBERTÉ D’EXPRESSION – JOURNALISTES
Des journalistes d’investigation ont été la cible de campagnes de dénigrement menées par des ministres et des médias proches du gouvernement. Des agents de sécurité du parti au pouvoir s’en sont pris physiquement à six journalistes qui couvraient des manifestations lors de l’investiture du président le 31 mai. En juillet, des journalistes travaillant pour le site d’investigation KRIK (Réseau de reportage sur la criminalité et la corruption) ont reçu des menaces de mort, et quelqu’un s’est introduit par effraction dans l’appartement de la journaliste d’investigation Dragana Pećo. Le parti politique du ministre de la Défense a accusé en septembre le rédacteur en chef de KRIK, Stevan Dojčinović, d’être toxicomane et d’être payé par des étrangers. Le site d’investigation avait enquêté sur des biens immobiliers appartenant au ministre.
DROITS DES LESBIENNES, DES GAYS ET DES PERSONNES BISEXUELLES, TRANSGENRES OU INTERSEXUÉES
La nomination d’Ana Brnabić, une femme lesbienne, au poste de Première ministre et sa participation à la marche des fiertés de Belgrade, la capitale, en septembre ont été saluées par certaines personnes, qui y voient une avancée. Cependant, les autorités n’ont pas protégé les personnes LGBTI et les organisations qui défendent leurs droits contre les actes de discrimination, les menaces et les agressions physiques. En avril, le Comité des droits de l’homme de l’ONU a appelé la Serbie à faire appliquer efficacement la législation relative aux crimes de haine et à mettre en place une procédure de reconnaissance du genre à l’état civil compatible avec les normes internationales.
DISCRIMINATION – LES ROMS
Des familles roms vivaient toujours dans des camps informels à Belgrade. Les droits économiques et sociaux de ces familles, notamment leurs droits à la santé, à l’éducation, à l’eau et à l’assainissement, étaient bafoués et elles risquaient en outre d’être expulsées de force. Sur la centaine de familles roms expulsées de force en 2012, 44 vivaient toujours dans des conteneurs en attendant d’être réinstallées. La fin des travaux de construction des appartements dans lesquels 22 familles devaient être installées n’était pas prévue avant février 2019. En novembre, seules deux des familles qui devaient encore être déplacées vers des villages au nord de Belgrade avaient été relogées.
Des Roms étaient toujours victimes de mauvais traitements aux mains de la police. En avril, un couple rom venu signaler le vol de sa voiture a été maintenu en détention par la police pendant 13 heures sans pouvoir consulter un avocat. Ces deux personnes ont été gravement maltraitées et menacées de voir leurs enfants placés dans un orphelinat.
DROITS DES PERSONNES RÉFUGIÉES OU MIGRANTES
Des réfugiés et des migrants étaient pris au piège en Serbie. Les personnes essayant d’accéder à l’UE par la Hongrie et la Croatie ont été renvoyées avec violence en Serbie à plusieurs reprises.
En janvier, jusqu’à 1 800 réfugiés et migrants vivaient toujours dans des hangars abandonnés, alors que la température était souvent inférieure à zéro. En mai, ils avaient tous été expulsés et transférés dans des centres gérés par le gouvernement, surpeuplés et inadaptés. Des obstacles et des retards entravaient toujours l’enregistrement des demandes d’asile, les entretiens avec les demandeurs et l’attribution de documents d’identité. En août, sur 151 demandes d’asile reçues, deux avaient été acceptées, 28 avaient été rejetées et 121 étaient toujours en cours d’étude.
L’UE a négocié avec la Serbie un accord permettant à l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (FRONTEX) de mener des opérations dans le pays.
VIOLENCES FAITES AUX FEMMES ET AUX FILLES
En mai, la Serbie a fait du 18 mai la Journée de commémoration des femmes tuées par leur conjoint ou leur partenaire. Deux femmes, ainsi qu’un de leurs enfants, ont été tuées en juillet par leurs ex-maris dans deux attaques distinctes au Centre d’assistance sociale de Belgrade. Des organisations de défense des droits des femmes ont dénoncé le fait que les autorités n’avaient pas protégé les victimes. En novembre, la Serbie a ratifié la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul).
KOSOVO
CRIMES DE DROIT INTERNATIONAL
Les compétences de la mission de police et de justice de l’Union européenne au Kosovo (EULEX) en matière de poursuites judiciaires pour les crimes relevant du droit international étaient limitées par la loi de 2014, mais certaines procédures se sont poursuivies. L’absence d’accord d’assistance juridique mutuelle entre le Kosovo et la Serbie entravait les poursuites contre des Serbes soupçonnés de crimes de droit international, y compris de violences sexuelles, perpétrés lors des conflits armés de 1998-1999.
Les dossiers de centaines d’affaires non résolues devaient être transmis au bureau du procureur spécial du Kosovo avant juin 2018. Des procureurs, des ONG et des victimes de violences sexuelles commises lors des conflits s’inquiétaient du fait que des témoignages recueillis par la Mission d’administration intérimaire des Nations unies au Kosovo (MINUK) n’avaient pas fait l’objet d’enquêtes en bonne et due forme dans les meilleurs délais. En juin, l’ancienne présidente Atifete Jahjaga n’a pas été autorisée à entrer en Serbie, où elle devait présenter un livre rassemblant des témoignages de victimes de violences sexuelles liées aux conflits.
RÉPARATIONS
Des progrès ont été constatés quant à l’application d’une loi adoptée en 2014 accordant des réparations aux victimes de violences sexuelles commises dans le cadre des conflits. Une commission a été créée pour examiner les requêtes de victimes, qui devaient pouvoir demander une indemnisation mensuelle à partir de janvier 2018. Les autres mesures de réparation n’étaient pas conformes aux normes internationales, car elles ne prévoyaient pas de soins de santé gratuits ni de mesures de réadaptation adaptées pour les victimes. Celles-ci souffraient toujours d’une stigmatisation liée aux viols commis en temps de guerre.
DISPARITIONS FORCÉES
La procédure destinée à retrouver les personnes toujours portées disparues depuis le conflit armé n’a guère avancé. Parmi les quelques corps retrouvés figurait celui d’un homme enterré par des villageois albanais qui l’avaient trouvé dans une rivière, porté par le courant depuis le Kosovo. Il a été exhumé en septembre. Quelque 1 658 personnes étaient toujours portées disparues.
Les chambres spécialisées pour le Kosovo ont été ouvertes à La Haye le 28 juin. Elles avaient été créées pour enquêter sur l’enlèvement, la torture et l’homicide présumés d’habitants du Kosovo, Serbes ou Albanais, transférés en Albanie par des membres de l’Armée de libération du Kosovo (UÇK) pendant et après la guerre. En décembre, des députés n’ont pas réussi à faire révoquer la loi relative aux chambres spécialisées, qu’ils considéraient comme discriminatoire envers l’UÇK.
DÉTENTION
En mai, le Kosovo Rehabilitation Centre for Torture Victims (Centre kosovar pour la réadaptation des victimes de la torture), autorisé à surveiller le traitement des personnes en détention, s’est vu refuser l’accès à des hôpitaux pénitentiaires après que la gestion de ces établissements a été confiée au ministère de la Santé. Certaines personnes étaient détenues pendant des périodes prolongées avant et pendant leur procès. Un prévenu a été maintenu en détention pendant plus de 31 mois, ce qui représentait une violation du Code de procédure pénale. Le ministère de la Justice n’a pas fourni d’explication sur la mort en détention, en novembre 2016, d’Astrit Dehari, un membre du parti d’opposition Vetëvendosje.
LIBERTÉ D’EXPRESSION
La première marche des fiertés a été organisée en octobre, avec le soutien du gouvernement. Une enquête pour infraction motivée par la haine a été ouverte lorsqu’une intervenante sur les droits des personnes transgenres a reçu de graves menaces.
L’Association des journalistes du Kosovo a signalé une augmentation du nombre d’agressions, surtout celles visant des journalistes d’investigation.
DROIT À LA SANTÉ
En mai, le secrétaire général des Nations unies a accepté de créer un fonds d’affectation spéciale mais, contrairement aux recommandations adressées à la MINUK par le Groupe consultatif sur les droits de l’homme, il a refusé de verser des indemnités, de présenter des excuses et d’admettre une quelconque responsabilité pour l’intoxication par le plomb de 138 Roms, « Égyptiens » et Ashkalis qui avaient été réinstallés par la MINUK dans des camps pour personnes déplacées dans le nord du Kosovo en 1999. Le Groupe a conclu que les droits à la vie, à la santé et à la non-discrimination de ces 138 personnes déplacées avaient été bafoués. Elles ont commencé à souffrir de saturnisme et d’autres problèmes de santé, notamment de convulsions, de maladies rénales et de pertes de mémoire, après avoir été installées dans des camps situés sur un terrain dont la contamination par le plomb était connue.
VIOLENCES FAITES AUX FEMMES ET AUX FILLES
En avril, une Stratégie nationale de lutte contre la violence domestique a été lancée. En mai, le champ d’application de la Loi relative à l’indemnisation des victimes d’infractions a été élargi pour prendre en compte les victimes de violences domestiques, de la traite, de viol et de violences sexuelles envers les enfants. Cependant, peu de victimes ont reçu une protection adéquate de la part des autorités.