Plusieurs pays de la région ont rompu leurs relations avec le Qatar, lui imposant des restrictions arbitraires qui ont entraîné des violations des droits humains. Cette année encore, les autorités ont restreint abusivement la liberté d’expression. Des mesures ont été prises afin d’améliorer les possibilités de recours pour les travailleurs migrants maltraités. Dans le cadre d’un accord avec l’Organisation internationale du travail, le gouvernement s’est engagé à revoir la législation et à réformer le système de parrainage. Une loi sur les droits des employés de maison migrants, attendue depuis des années, a enfin été adoptée ; elle restait toutefois imparfaite. Les femmes ont continué de subir des discriminations dans la législation et dans la pratique. Les tribunaux ont prononcé des condamnations à mort ; aucune exécution n’a été signalée.
CONTEXTE
Le 5 juin, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, Bahreïn et l’Égypte ont rompu leurs relations avec le Qatar, l’accusant de financer et d’abriter des « terroristes » et de s’ingérer dans les affaires internes de ses voisins. L’Arabie saoudite a fermé la seule frontière terrestre du Qatar, tandis que les quatre autres États interdisaient leur espace aérien aux vols à destination de ce pays. L’Arabie saoudite, Bahreïn et les Émirats arabes unis ont interdit arbitrairement à leurs ressortissants de se rendre au Qatar ou d’y vivre, et ont ordonné aux Qatariens de quitter leur territoire dans les 14 jours sous peine d’amendes ou d’autres conséquences non précisées. Malgré leurs déclarations en réponse au tollé international suscité par cette annonce, il restait difficile de savoir quelles mesures concrètes les trois pays avaient prises pour atténuer les effets négatifs de cette décision sur les familles, les étudiants et les personnes suivant un traitement médical. À la suite de ce différend, le Qatar a été exclu de la coalition menée par l’Arabie saoudite au Yémen (voir Yémen) et d’une mission des Nations unies à Djibouti, et le gouvernement a accéléré le renforcement de sa capacité militaire, notamment par le biais d’une coopération militaire avec la Turquie et d’autres États. L’émir du Qatar a publié en juillet un décret modifiant certaines dispositions de la Loi de 2004 relative à la lutte contre le terrorisme ; certains termes ont ainsi été redéfinis, et les personnes et groupes accusés d’« activités terroristes » ont désormais le droit de faire appel devant les tribunaux. Au mois de novembre, l’émir a annoncé la tenue des toutes premières élections législatives pour 2018 et il a nommé quatre femmes au Conseil consultatif.
LIBERTÉ D’EXPRESSION, D’ASSOCIATION ET DE RÉUNION
Les autorités ont continué d’appliquer des restrictions aux droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique qui n’étaient pas conformes au droit international ni aux normes en la matière. Les partis politiques indépendants n’étaient pas autorisés et seuls les citoyens qatariens pouvaient former des syndicats, sous réserve de remplir des critères stricts. Les lois érigeant en infraction toute forme d’expression considérée comme insultante à l’égard de l’émir sont restées en vigueur.
En janvier, le gouvernement a arbitrairement imposé une interdiction de voyager à l’avocat spécialiste des droits humains Najeeb al Nuaimi, qui en a été informé dans un premier temps par SMS. Cette interdiction était toujours en vigueur à la fin de l’année et restreignait le droit de l’avocat à circuler librement.
TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS
Le 25 mai, malgré un risque élevé de torture, le gouvernement a renvoyé de force le défenseur des droits humains saoudien Mohammad al Otaibi en Arabie saoudite, où il devait être jugé. Mohammad al Otaibi était arrivé au Qatar en février 2017. Le 24 mai, lui et son épouse s’apprêtaient à embarquer sur un vol à destination de la Norvège, qui leur avait accordé l’asile, quand des agents qatariens l’ont arrêté à l’aéroport de Doha.
Le ressortissant philippin Ronaldo Lopez Ulep, dont la condamnation pour espionnage a été confirmée en 2016, se trouvait toujours derrière les barreaux malgré l’iniquité de son procès et ses allégations de torture.
DROITS DES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS MIGRANTS
L’émir a ratifié en janvier une modification de la nouvelle loi sur le parrainage entrée en vigueur en décembre 2016. La Loi n° 1 de 2017 confirmait que les travailleurs migrants avaient toujours besoin de l’autorisation de leur employeur pour quitter le pays, puisqu’elle leur imposait de lui « notifier » leur volonté de partir. Le gouvernement aurait approuvé en octobre une nouvelle modification du système de permis de sortie du territoire. Cette modification n’avait toujours pas été rendue officielle à la fin de l’année.
La plainte de l’Organisation internationale du travail (OIT) contre le Qatar a été classée le 8 novembre, après que le gouvernement eut pris l’engagement de réviser la législation afin de la mettre en conformité avec les normes internationales en matière de droit du travail et avec les recommandations des experts de l’OIT. Si l’accord conclu venait à être pleinement mis en oeuvre, les droits des travailleurs migrants seraient mieux protégés.
Le 18 août, l’émir a approuvé la création d’une nouvelle Commission de résolution des conflits du travail (Loi n° 13 de 2017), dirigée par un juge et chargée de régler les litiges professionnels dans les trois semaines suivant le dépôt d’une plainte par un travailleur. Si elle fonctionne de manière équitable et efficace, cette commission pourrait lever certains des obstacles qui empêchent les travailleurs migrants d’accéder à la justice. À la fin de l’année, cette instance n’avait pas encore commencé ses activités.
Pour la première fois, une loi protégeant les droits des employés de maison a été adoptée. La Loi n° 15 de 2017 prévoyait notamment une limite au nombre d’heures de travail par jour, un repos d’au moins 24 heures consécutives par semaine et trois semaines de congés payés par an. Toutefois, cette nouvelle loi n’offrait pas de garanties suffisantes contre l’utilisation abusive d’une disposition permettant de faire travailler les employés de maison au-delà de la durée légale s’ils étaient « d’accord ».
Des inspecteurs extérieurs ont mis en avant des progrès concernant les conditions de travail des travailleurs migrants sur les chantiers de la Coupe du monde de football 2022, mais ont tout de même constaté des abus chez les 10 prestataires sur lesquels ils ont enquêté.
Le conflit avec les pays voisins a eu des répercussions sur certains travailleurs migrants. Les employés mal rémunérés ont été touchés de manière disproportionnée par l’augmentation des prix des denrées alimentaires. Des personnes travaillant dans les secteurs de l’hôtellerie et du tourisme ont indiqué avoir été contraintes de prendre des congés sans solde de longue durée. Les congés annuels ou les permis de sortie du territoire de certains travailleurs étrangers ont été annulés.
DROITS DES FEMMES
Les femmes continuaient de subir des discriminations dans la législation et dans la pratique. Les lois relatives au statut personnel étaient toujours discriminatoires à leur égard dans les domaines du mariage, du divorce, de l’héritage, de la garde des enfants, de la nationalité et du droit de circuler librement.
En juin, le Comité des droits de l’enfant [ONU] a appelé les autorités à enquêter sur les infractions en rapport avec les violences liées au genre et à en traduire les auteurs en justice. Il leur a demandé de modifier la Loi relative à la nationalité afin que les Qatariennes puissent transmettre leur nationalité à leurs enfants au même titre que les hommes. Malgré l’adoption d’un projet de loi accordant un droit de résidence permanente aux enfants de femmes qatariennes mariées à un étranger, ces femmes restaient sous le coup d’une disposition discriminatoire les empêchant de transmettre la nationalité et la citoyenneté qatariennes à leurs enfants.
DROITS DES ENFANTS
En juin, le Comité des droits de l’enfant a exprimé sa préoccupation concernant les discriminations liées au genre à l’égard des enfants, les violences à leur endroit à l’école et dans le milieu familial, et les lois limitant le droit à la nationalité des enfants nés au Qatar. Il a demandé que des mesures soient prises pour mettre un terme à ces pratiques. Il a également appelé les autorités à mettre fin au mariage des enfants et à relever l’âge de la responsabilité pénale, toujours fixé à 7 ans en violation des normes internationales. Le Comité a réaffirmé son inquiétude à propos de la discrimination à l’égard des enfants de travailleurs migrants et a recommandé la suppression « sans délai » du système de parrainage.
PEINE DE MORT
D’après les informations disponibles, les tribunaux ont prononcé au moins deux nouvelles condamnations à mort, qui ont été confirmées par la Cour de cassation – la plus haute juridiction du Qatar. Aucune exécution n’a été signalée.