Burkina Faso |Rapport annuel 2019

Burkina Faso
Chef de l’État : Roch Marc Christian Kaboré
Chef du gouvernement : Christophe Dabiré (a remplacé Paul Kaba Thiéba en janvier)

Des groupes armés et les forces de sécurité ont commis des atteintes aux droits humains. Une nouvelle loi adoptée sur fond de préoccupations pour la sécurité a restreint la liberté d’expression. Le procès concernant la tentative de coup d’État de 2015 s’est conclu. Des progrès ont été accomplis en matière de protection des droits sexuels et reproductifs des femmes.

Contexte politique au Burkina Faso

L’insécurité dans le nord du Burkina Faso s’est diffusée vers l’est, entraînant une hausse significative des atteintes aux droits humains. L’état d’urgence était en vigueur dans six des 13 régions du pays. Quatre fois plus de personnes ont été tuées au premier semestre de 2019 que durant toute l’année 2018.

Exactions perpétrées par des groupes armés

Des groupes armés comme Ansarul Islam, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) et l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) auraient perpétré la plupart des attaques contre la population, y compris contre des représentant·e·s de l’État et des chefs traditionnels. Les koglweogo et d’autres groupes d’autodéfense ont commis des atteintes aux droits humains.

Cinquante personnes ont été tuées et 66 autres ont disparu lors d’un assaut lancé par un groupe armé contre le village de Yirgou (province du Sanmatenga) les 1er et 2 janvier, selon les autorités. El Hadj Boureima Nadbanka, chef des koglweogo de la province du Namentenga, a été arrêté le 23 décembre dans le cadre de l’enquête sur ces homicides. Dans la province du Sanmatenga, au moins 29 personnes ont été tuées le 8 septembre, lorsque des hommes armés ont attaqué un convoi alimentaire sur la route reliant Guendbila à Barsalogho.
Des attaques meurtrières ont eu lieu dans la province du Soum (région du Sahel), frontalière du Mali. Le 9 juin, au moins 19 personnes ont trouvé la mort lorsqu’un marché et une mine d’or artisanale ont été pris d’assaut à Arbinda. Les 26 et 27 octobre, des hommes armés ont tué au moins 15 personnes dans une attaque contre le village de Pobé-Mengao. Le 24 décembre, 35 civils, dont 31 femmes, et sept membres des forces de défense et de sécurité ont été tués dans une attaque à Arbinda.

Des sites miniers ont été pris pour cible. Le 6 novembre, 37 employés de la mine d’or de Boungou ont été tués lorsque leur convoi, comptant plusieurs bus, est tombé dans une embuscade tendue par un groupe armé. Le 16 janvier, un Canadien, cadre d’une entreprise minière, a été enlevé à Tiabongou, puis tué.
Des dignitaires et des sites religieux ont également été visés. Le 31 mars, un groupe armé a attaqué la ville d’Arbinda et tué un chef religieux local et six membres de sa famille. Cet événement a déclenché des affrontements intercommunautaires à Arbinda et dans les villages voisins, qui ont fait au moins 60 morts. Le 29 avril, dans la province du Soum, six membres d’une congrégation ont été tués lors d’une attaque contre l’église protestante de Silgadji. Le 12 mai, cinq fidèles et un prêtre ont été tués dans l’église catholique de Dablo (province du Sanmatenga). Le lendemain, quatre personnes ont été tuées lors d’une procession catholique à Zimtenga (province du Bam). Le 11 octobre, des hommes armés ont tué 16 civils dans l’attaque de la grande mosquée de Salmossi (province de l’Oudalan). Le 1er décembre, 14 membres d’une congrégation ont été tués par un groupe armé qui a attaqué une église protestante à Hantoukoura (province du Komondjari).

Exécutions extrajudiciaires

Le 5 février, le gouvernement a annoncé la « neutralisation » de 146 « terroristes » dans les provinces du Yatenga et du Loroum, dans le nord du pays. Selon le Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP), une organisation locale de la société civile, certains de ces homicides pourraient s’apparenter à des exécutions extrajudiciaires.

Personnes déplacées

En novembre, on dénombrait plus d’un demi-million de personnes déplacées au Burkina Faso, selon les pouvoirs publics et les Nations unies. Les provinces de l’Oudalan, du Bam, du Soum et du Sanmatenga, où se sont produites 53 % des violences recensées dans le pays en 2019, abritaient 76 % des personnes déplacées, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).

Justice

Les généraux Gilbert Diendéré et Djibril Bassolé ont été condamnés à 20 ans et à 10 ans d’emprisonnement, respectivement, pour leur rôle dans la tentative de coup d’État de septembre 2015 contre le gouvernement de transition. Gilbert Diendéré, ainsi que 23 autres personnes, étaient en instance de jugement pour l’homicide de l’ancien président Thomas Sankara, perpétré en 1987. Le général devait répondre des chefs d’inculpation suivants : « attentat, assassinat et recel de cadavre ».

L’ex-président Blaise Compaoré était toujours en exil. Il était inculpé de coups et blessures volontaires, de complicité de coups et blessures, d’assassinat et de complicité d’assassinat dans l’affaire des 33 personnes tuées et 88 autres blessées lors de manifestations de grande ampleur le 29 octobre 2014. Trente-deux anciens ministres devaient également répondre de complicité d’homicide et de coups et blessures volontaires. Le procès de Blaise Compaoré et de ces anciens ministres était suspendu par la Haute Cour de justice depuis juin 2017 afin de permettre la révision de la loi organique de cette juridiction, après que le Conseil constitutionnel eut estimé que ses articles 21 et 33 étaient inconstitutionnels. La loi organique de la Haute Cour a été révisée, mais le procès n’avait pas repris à la fin de l’année.

Le 4 juin, une juridiction française a ordonné l’extradition de François Compaoré, le frère de l’ex-président, vers le Burkina Faso, qui avait décerné à son encontre un mandat d’arrêt international en 2017 dans le cadre de l’enquête sur l’homicide du journaliste Norbert Zongo, perpétré en 1998.
Selon le Comité contre la torture [ONU], 202 personnes détenues avaient été inculpées de terrorisme mais n’avaient pas encore été jugées.

Détention

Le grave problème de la surpopulation persistait dans les centres de détention, dont le taux d’occupation s’élevait à 180 % au niveau national (et à 372 % à Bobo-Dioulasso). La proportion élevée de personnes en détention provisoire (38 %) demeurait également problématique. Le 15 juillet, 11 personnes sont mortes en garde à vue à l’Unité antidrogue de la police nationale, à Ouagadougou. Neuf policiers ont été inculpés d’homicide involontaire et de non-assistance à personne en danger. Les tribunaux ont continué de recourir à des « ordres de mise à disposition », qui leur permettaient de placer des personnes en détention sans inculpation, en violation des normes internationales d’équité des procès.

Liberté d’expression

Le Burkina Faso a modifié en juin son Code pénal en adoptant la Loi n° 044-2019/AN.

Ce texte prévoyait des infractions dont la définition était excessivement large et qui pourraient servir à réprimer les défenseur·e·s des droits humains, les journalistes et les blogueurs/blogueuses, ainsi qu’à restreindre l’accès à l’information. L’article 312-11 incriminait les entreprises de « démoralisation des forces armées », et d’autres articles limitaient l’accès aux informations relatives à des opérations ou des armes militaires et la diffusion de telles informations, dans le but de protéger l’ordre public ou l’intégrité des opérations militaires.

Le 8 février, Adama « Damiss » Ouedraogo, directeur de publication du journal Le Dossier, a été convoqué par le Conseil supérieur de la communication (CSC) après que son journal eut diffusé sur les réseaux sociaux un enregistrement audio dans lequel le discours du gouvernement au sujet de la « neutralisation de 146 terroristes » dans les communes de Kain, Bomboro et Banh était remis en cause et ces actes étaient qualifiés d’« exécutions extrajudiciaires ».
Le 12 novembre, Naïm Touré, militant sur Internet, a été arrêté arbitrairement par la police, officiellement en raison de « publications sur les réseaux sociaux ». Il a été libéré sans inculpation quelques jours plus tard.

Le 26 décembre, le militant Kémi Seba a été condamné à deux mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 200 000 francs CFA (300 euros) pour outrage au président et à des chefs d’État étrangers, à la suite d’une conférence publique tenue à Ouagadougou.

Droits des femmes

En juin, le gouvernement a accepté de fournir gratuitement des services de planning familial, y compris des moyens de contraception et des consultations médicales. L’objectif était d’éliminer les obstacles entravant l’accès des femmes et des filles aux informations, aux produits et aux services en matière de santé sexuelle et reproductive.

Droit à l’éducation

Le droit à l’éducation a été mis à mal par la situation du pays en matière de sécurité. Des groupes armés ont attaqué des écoles et des enseignant·e·s, empêchant des milliers d’élèves d’accéder à l’éducation. Au 19 décembre, ces attaques avaient conduit à la fermeture de 2 087 établissements scolaires, qui accueillaient 303 090 élèves et 9 264 enseignant·e·s, selon le ministère de l’Éducation nationale, de l’Alphabétisation et de la Promotion des langues nationales

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