République démocratique du Congo |Rapport annuel 2019

manifestation en République démocratique du Congo élections 2019

République démocratique du Congo
Chef de l’État : Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo
Chef du gouvernement : Sylvestre Ilunga Ilunkamba

Plusieurs centaines de personnes détenues pour délit d’opinion ou pour d’autres motifs ont été remises en liberté, et des militant·e·s en exil ont été autorisés à rentrer dans le pays. Toutefois, les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion restaient soumis à des restrictions. Le conflit armé s’est poursuivi, avec un bilan de plus de 2 000 morts parmi la population civile et d’au moins un million de personnes soumises à un déplacement forcé. Des mesures ont été prises pour déférer à la justice des auteurs présumés d’atteintes aux droits humains liées au conflit ; toutefois, les autorités n’ont pas fait le nécessaire pour que les personnes occupant les plus hautes responsabilités impliquées dans des crimes de droit international aient à répondre de leurs actes, et l’impunité demeurait généralisée. La majeure partie de la population était privée de droits fondamentaux tels que le droit à la santé, mais quelques avancées ont été enregistrées, notamment avec la mise en place par le gouvernement de l’enseignement primaire gratuit pour tous les enfants.

Contexte politique en République démocratique du Congo

Des élections présidentielle, législatives et provinciales se sont tenues en décembre 2018, après avoir été reportées à maintes reprises depuis plusieurs années. La Commission électorale a privé de leur droit de vote plus d’un million de personnes dans des régions de l’est et de l’ouest du pays, invoquant des raisons de sécurité ainsi que des préoccupations sanitaires liées à l’épidémie d’Ebola. Cette décision, qui a entraîné l’annulation de l’élection présidentielle et le report des élections législatives et provinciales dans ces régions, a déclenché des réactions de colère au sein des populations concernées, et aggravé les tensions liées aux scrutins.

Le 10 janvier, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a annoncé les résultats provisoires du scrutin présidentiel, et déclaré que Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo était le nouveau président du pays. Le 15 janvier, des informations issues de décomptes indépendants et de données extraites clandestinement du serveur de la CENI ont donné à penser que c’était le candidat d’opposition Martin Fayulu Madidi qui avait obtenu la majorité des voix. En conséquence, la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) et l’Union africaine ont convoqué une réunion de haut niveau au sujet de cette crise. Les chefs d’État et de gouvernement de la région ont conclu à « des doutes sérieux » quant à la véracité des résultats provisoires et ont invité les autorités à suspendre la proclamation des résultats définitifs, mais cette demande a été rejetée. Le 20 janvier, la Cour constitutionnelle a rejeté la demande de recomptage des voix déposée par Martin Fayulu Madidi, et a confirmé la victoire de Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo.

Le Front commun pour le Congo (FCC), la coalition menée par l’ancien président Joseph Kabila, a obtenu la majorité des sièges parlementaires tant au niveau national que provincial, conservant ainsi le contrôle de l’Assemblée nationale, du Sénat et des assemblées et gouvernements provinciaux dans 25 des 26 provinces. Le gouvernement nommé par le président Félix Tshisekedi a pris ses fonctions en septembre ; il était composé majoritairement de membres du FCC, ce qui était susceptible de limiter la capacité du nouveau président à engager des réformes cruciales, notamment dans le domaine de la justice. De violents affrontements ont continué d’avoir lieu entre les sympathisant·e·s du FCC et ceux de Cap pour le changement, la coalition du président, sur fond de conflit portant sur le partage du pouvoir.

Les conflits armés en RDC font toujours autant de victimes civiles}}

En décembre, les chiffres indiquaient que plus de 1 500 civil·e·s avaient été tués, plusieurs milliers blessés et au moins un million soumis à un déplacement forcé en raison des violences dans la province du Maï-Ndombe, dans l’ouest du pays, et dans les provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, dans l’est du pays. De nombreux groupes armés locaux et étrangers ainsi que les forces de sécurité congolaises ont continué de commettre de graves atteintes aux droits humains en toute impunité.

Les atteintes aux droits humains perpétrées de façon généralisée par les groupes armés ont mis en évidence l’incapacité des forces de sécurité – elles-mêmes responsables de très graves violations des droits humains – et des forces de maintien de la paix de l’ONU à garantir de façon effective la protection de la population civile et à rétablir la paix.

OBLIGATION DE RENDRE DES COMPTES

Si les autorités ont pris certaines mesures pour déférer à la justice des auteurs d’atteintes aux droits humains perpétrées dans le cadre du conflit, la plupart des hauts responsables civils et militaires soupçonnés d’avoir commis ou encouragé de tels crimes n’avaient pas eu à rendre de comptes. Ne serait-ce que dans la région du Kasaï, ces crimes ont provoqué la mort de plus de 3 000 personnes et le déplacement forcé à l’intérieur du pays de deux millions d’individus entre août 2016 et décembre 2017. De plus, plusieurs personnalités politiques et hauts responsables soupçonnés de graves atteintes aux droits humains occupaient toujours, ou se sont vu octroyer, des postes haut placés dans des institutions publiques, y compris au sein de l’armée et de la police. En septembre, le président a déclaré à des journalistes français, qui l’interrogeaient sur sa position au sujet, notamment, des atteintes aux droits humains commises par le passé, qu’il n’avait pas le temps de « fouiner dans le passé ». Aucune avancée n’a été notée en ce qui concerne les poursuites judiciaires relatives aux violences interethniques ayant éclaté en décembre 2018 entre les Banunus et les Batendes à Yumbi, dans la province du Maï-Ndombe, où plus de 600 civil·e·s avaient été tués en l’espace de deux jours lors de violences planifiées qui, selon le Haut-Commissariat aux droits de l’homme [ONU], pourraient constituer des crimes contre l’humanité.

En juin, la justice militaire congolaise a émis un mandat d’arrêt contre Guidon Shimiray Mwisa, chef de la milice Nduma Defence of Congo-Rénové (NDC-R), pour crimes de droit international, notamment pour des meurtres, des viols massifs et le recrutement d’enfants perpétrés par cet individu ou sa milice. Or, selon un groupe d’experts de l’ONU, le NDC-R a continué de commettre des atteintes aux droits humains dans la province du Nord-Kivu, avec la collaboration de militaires congolais de haut rang. Les autorités n’ont pas pris les mesures nécessaires pour faire exécuter le mandat d’arrêt et déférer Guidon Shimiray Mwisa à la justice.

Le procès devant la justice militaire de Ntabo Ntaberi Sheka, chef d’une faction de la milice Nduma Defence of Congo (NDC) accusé de graves atteintes aux droits humains commises dans la province du Nord-Kivu, était au point mort mi-2019, car le tribunal le repoussait continuellement sans raison valable. Sa milice était présumée responsable de crimes tels que le viol d’au moins 387 femmes, hommes et enfants durant l’année 2010.

Au cours de l’année, des organisations locales et internationales de défense des droits humains ont maintes fois demandé au gouvernement d’amener Gédéon Kyungu Mutamba à répondre des crimes contre l’humanité dont il avait été inculpé par un tribunal de Lubumbashi, dans le sud-est du pays, en 2009. Cet homme s’était rendu aux autorités en octobre 2016, après s’être évadé de prison en 2011, et continuait de jouir de la liberté dans une villa financée par l’État, à Lubumbashi.

Les tribunaux militaires ont jugé un certain nombre d’affaires de violences sexuelles liées au conflit. En novembre, par exemple, le chef de milice Frédéric Masudi Alimasi (également connu sous le nom de Koko di Koko) a été condamné à la réclusion à perpétuité à Bukavu, dans l’est du pays, pour meurtres, disparitions forcées, torture et viol. Le même mois, dans la province du Bas-Uélé, un soldat a été condamné à 20 ans d’emprisonnement pour avoir violé deux enfants âgés de trois et quatre ans.

JUSTICE INTERNATIONALE

En juillet, la Cour pénale internationale (CPI) a déclaré Bosco Ntaganda coupable de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité perpétrés dans l’est de la province de l’Ituri en 2002 et 2003 ; en novembre, elle l’a condamné à 30 ans d’emprisonnement.

L’armée congolaise a annoncé en septembre avoir tué Sylvestre Mudacumura, chef militaire des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). Sylvestre Mudacumura était recherché par la CPI, qui avait délivré contre lui un mandat d’arrêt en 2012 pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité perpétrés par les FDLR dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC).

LIBERTÉ D’EXPRESSION, D’ASSOCIATION ET DE RÉUNION

En janvier, le gouvernement a totalement bloqué l’accès à Internet et interdit plusieurs médias pendant 20 jours dans le but d’empêcher la publication de résultats électoraux non officiels et d’endiguer les vastes mouvements de protestation déclenchés par les allégations de fraude électorale massive.
En mars, les autorités ont annoncé que plus de 700 personnes avaient été libérées de prison et que tous les lieux de détention illégaux gérés par l’Agence nationale de renseignements (ANR) avaient été fermés sur ordre du président. Parmi les personnes libérées, certaines avaient été emprisonnées pour délit d’opinion et d’autres se trouvaient depuis longtemps en détention arbitraire. Les autorités ont autorisé plusieurs militant·e·s politiques et de la société civile en exil, ainsi que des défenseur·e·s des droits humains et des journalistes étrangers indésirables dans le pays depuis plusieurs années, à revenir en RDC et à y mener leurs activités.

Cependant, les autorités civiles et la police ont continué d’interdire et de réprimer violemment, en toute impunité, des manifestations et des rassemblements pacifiques. Les pouvoirs publics ont instauré l’obligation d’obtenir une autorisation préalable pour la tenue de manifestations, en violation des dispositions de la Constitution.

Au cours de l’année, au moins 35 manifestations pacifiques ont été dispersées par la police, qui a recouru à une force excessive contre les manifestant·e·s, blessant au moins 90 d’entre eux et procédant à de nombreuses arrestations arbitraires. En juin, au moins un manifestant est mort à Goma, dans l’est de la RDC ; touché par une balle quand la police a ouvert le feu sur des manifestant·e·s pacifiques, il est décédé des suites de ses blessures. En juillet, le gouverneur de Kinshasa a interdit une manifestation contre un ancien ministre de la Justice annoncé comme candidat pour le poste de président du Sénat. Quand la manifestation s’est tenue malgré tout, la police a recouru à une force excessive contre les personnes qui y participaient. En août, des policiers ont utilisé la violence pour empêcher la tenue d’un rassemblement en faveur de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), organisé pour dénoncer la corruption du gouvernement et promouvoir une bonne gouvernance.

DROIT À LA SANTÉ

Selon l’Organisation mondiale de la santé, les épidémies d’Ebola, de rougeole et de choléra ont fait respectivement au moins 1 680, 5 000 et 260 morts. Quelque 310 000 personnes ont été infectées par la rougeole et 12 000 par le choléra. Les efforts constants des autorités et de la communauté internationale pour faire face à cette situation étaient mis à mal par un financement insuffisant, par des problèmes logistiques et d’insécurité et par la poursuite du conflit armé et des violences intercommunautaires.

DROIT À L’ÉDUCATION

En septembre, le gouvernement a instauré la gratuité de l’enseignement primaire, un droit inscrit dans la Constitution, qui aurait pu bénéficier à des millions d’enfants. Toutefois, cette avancée a été freinée par une mauvaise planification et un manque d’infrastructures, ainsi que par le financement insuffisant des écoles primaires. Confrontés à une augmentation considérable du nombre d’enfants scolarisés, les enseignant·e·s ont accusé le gouvernement, par le biais de leurs syndicats, d’avoir mis en œuvre cette politique à leur détriment et sans leur coopération. Les grèves qu’ils ont menées ont conduit à la fermeture de centaines d’écoles pendant plusieurs semaines après la rentrée scolaire de septembre.

DÉTENTION

Les conditions de détention demeuraient exécrables. Au moins 120 personnes détenues sont mortes de faim ou parce qu’elles n’avaient pas accès à l’eau potable ou à des soins médicaux adéquats, dont 45 à la prison centrale de Bukavu entre les mois de janvier et d’octobre. Les prisons étaient fortement surpeuplées et insuffisamment financées, mais les autorités n’ont guère pris de mesures pour améliorer cette situation. Plus de 300 détenus se sont évadés de prison dans les provinces du Kongo-Central, du Kasaï-Central, de l’Ituri et de la Tshuapa.

DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES

Le peuple autochtone twa, expulsé de ses terres sans qu’ait été respecté son droit à un consentement libre, préalable et éclairé au moment de la création, en 1975, du parc national de Kahuzi-Biega, dans l’est de la RDC, était en pourparlers avec les autorités du parc en vue de trouver une solution à ses doléances. Toutefois, les promesses faites à maintes reprises concernant l’octroi d’autres terres, d’emplois et de services publics, ainsi que la libération des Twas incarcérés pour être revenus dans le parc national, n’ont pas été respectées, et de nombreux Twas sont retournés sur leurs terres, dans le parc, en signe de protestation.

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