Les droits humains en 2019 dans la région Asie-Pacifique | Résumé

Répressions de manifestants à Hong-kong

En Asie, l’année 2019 s’est déroulée sous le signe de la répression, mais aussi de la résistance.

Le gouvernement chinois a accentué la répression des libertés pourtant promises aux habitants de Hong Kong aux termes de l’accord de rétrocession de ce territoire, en 1997. Dans la rue, ces libertés ont été défendues avec beaucoup de courage, malgré des obstacles considérables. Mois après mois, en dépit des agissements abusifs de la police – marqués par d’innombrables jets de gaz lacrymogènes, arrestations arbitraires, violences policières et mauvais traitements en détention – des millions de personnes ont fait montre de leur détermination, exigeant le respect de l’obligation de rendre des comptes et de leurs droits fondamentaux à la liberté d’expression et de réunion pacifique.

Discrimination et politique de diabolisation à l’oeuvre en Asie

En Inde, de nombreuses manifestations pacifiques ont également eu lieu dans tout le pays : plusieurs millions de personnes sont descendues dans la rue pour protester contre une nouvelle loi sur l’attribution de la nationalité indienne, discriminatoire à l’égard des musulmans. Les deux États les plus vastes et les plus puissants d’Asie tentaient d’imposer leur sombre et tyrannique conception des choses sur ce continent, considérant les minorités comme une menace pour la « sécurité nationale ». Cette tendance a pu être observée dans la province du Xinjiang, en théorie autonome, où la répression exercée contre les musulmans turcophones s’est intensifiée, et où la véritable ampleur des effroyables pratiques liées aux « camps de rééducation » est apparue aux yeux de tous. Le Cachemire, qui est jusqu’ici le seul État indien majoritairement musulman, a lui aussi pâti de cette alarmante vision du monde, puisque son statut autonome spécial a été révoqué, et qu’il se trouve depuis en état de siège.

La politique de diabolisation a également fait des ravages au Sri Lanka : cette nation insulaire a été marquée par une flambée de violence dirigée contre les musulmans à la suite des attentats de Pâques, qui ont visé trois églises et trois hôtels et coûté la vie à plus de 250 personnes, principalement chrétiennes. En novembre, Gotabaya Rajapaksa a été élu président, venant ainsi grossir les rangs d’un groupe déjà nombreux de dirigeants à la poigne de fer. Son élection a considérablement atténué l’espoir de voir cicatriser les plaies d’un pays meurtri par un conflit interne qui a duré plusieurs décennies. Aux Philippines, la meurtrière « guerre contre la drogue » menée par Rodrigo Duterte s’est poursuivie, ne suscitant que de modestes réactions de protestation à l’échelle internationale.

Dans toute l’Asie du Sud-Est, des gouvernements répressifs se sont encore davantage ancrés dans leurs positions, réduisant au silence leurs opposant·e·s, muselant les médias, et réduisant l’espace civique à tel point que, dans de nombreux pays, le simple fait de participer à une manifestation pacifique pouvait entraîner une arrestation. En Asie du Sud, des gouvernements, manifestement déterminés à ne pas se laisser distancer par les évolutions de la société, ont conçu de nouveaux outils permettant de pérenniser de vieilles pratiques de répression, en particulier par l’adoption de lois draconiennes réprimant l’expression en ligne d’opinions dissidentes.

Attaquer, réprimer avec l’aide des réseaux sociaux : certaines pays asiatiques sont prêts à tout

Pour tenter de légitimer cette répression, dans toute l’Asie des gouvernements ont invariablement diabolisé leurs opposants, les accusant d’être les pions, au mieux « naïfs » et au pire « perfides », de « forces étrangères ». Cette diffamation toxique étant amplifiée au moyen d’une utilisation sophistiquée des réseaux sociaux. Ces gouvernements s’opposaient aussi à ce que les entreprises répondent de leurs agissements, affirmant que cela ferait obstacle à la rapide croissance économique qu’ils convoitaient. Et ils restaient souvent de marbre face aux ravages causés par le changement climatique.

Toutefois, aussi difficile qu’il soit de résister, des jeunes gens dans toute l’Asie ont continué de prendre des risques considérables en défiant l’ordre établi. Au Pakistan, le Mouvement de protection pachtoune (PTM), un mouvement non violent, a continué de rassembler des dizaines de milliers de personnes qui dénonçaient les disparitions forcées et les exécutions extrajudiciaires, malgré les inculpations et les placements en détention dont certains de ses sympathisant·e·s ont fait l’objet, et alors même que ses manifestations ont été interdites. Dans le cadre des grèves pour le climat, des milliers de gens sont descendus dans la rue dans plusieurs pays, notamment en Afghanistan, où des personnes ont aussi manifesté pour la paix malgré les risques, réclamant la fin d’un conflit qui a débuté avant même leur naissance. Au Viêt-Nam, des personnes ont protesté contre la politique de la Chine. Au Laos, des manifestations ont été organisées pour dénoncer la construction bâclée d’un barrage.

La résistance aux gouvernements répressifs asiatiques se construit et obtient ses premières victoires

Les manifestations et autres initiatives de la société civile ont aussi permis à cette dernière de remporter des succès. Au Sri Lanka, des avocats et des militant·e·s de la société civile ont ainsi réussi à empêcher une reprise des exécutions. À Taiwan, le combat de la société civile en faveur de l’égalité des droits pour les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes (LGBTI) a abouti, en mai, à la légalisation du mariage entre personnes de même sexe. Le gouvernement pakistanais a annoncé de nouvelles mesures visant à lutter contre le changement climatique et la pollution de l’air. À Hong Kong, la mobilisation de la population a contraint les autorités à retirer leur projet de loi sur l’extradition. La Cour suprême des Maldives a pour la première fois nommé deux femmes à des postes de juges de cette institution, malgré les pressions exercées par des intégristes religieux.

La justice a lentement commencé à se mettre en marche pour les Rohingyas, la Cour pénale internationale (CPI) ayant autorisé une enquête sur des crimes commis par l’armée du Myanmar en 2017. Cela a fait suite à la décision prise par la Gambie d’engager une action judiciaire contre le Myanmar devant la Cour internationale de justice pour crime de génocide. Il y a également lieu d’espérer que la CPI va revenir sur sa décision de ne pas autoriser une enquête sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis par toutes les parties au conflit en Afghanistan, décision qui représentait une capitulation face aux pressions exercées par le gouvernement des États-Unis.

L’année à venir s’annonce aussi difficile que celle qui vient de s’écouler. Mais comme l’ont montré à maintes et maintes reprises les jeunes militantes et militants à travers l’Asie, lorsqu’il n’y a plus d’espoir, il faut alors en créer.

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