Croatie |Rapport annuel 2019

Croatie droits humains

République de Croatie
Cheffe de l’Etat : Kolinda Grabar-Kitarović
Chef du gouvernement : Andrej Plenković

Des personnes réfugiées et migrantes ont fait l’objet de renvois forcés illégaux (push-backs) et ont subi des violences de la part de la police croate. Les sanctions dans les cas de violence domestique restaient légères et les mesures de protection étaient rarement appliquées. Les femmes rencontraient de nombreux obstacles lorsqu’elles souhaitaient avorter. Des journalistes ont été la cible de menaces et de poursuites judiciaires en raison de leurs activités professionnelles.

PERSONNES RÉFUGIÉES OU DEMANDEUSES D’ASILE

La Croatie ne permettait pas aux personnes réfugiées de bénéficier d’un accès effectif à la protection internationale. Elle a eu recours à des renvois forcés illégaux et à des expulsions collectives, souvent accompagnés de violences, pour empêcher les gens de pénétrer ou de rester sur son territoire. Les ONG et la presse ont recueilli des informations sur de nombreux cas de personnes réfugiées ou migrantes arrêtées à l’intérieur du territoire croate, loin des frontières, maintenues en garde à vue pendant des heures et renvoyées de force et en groupe en Bosnie-Herzégovine, sans avoir eu la possibilité de déposer une demande d’asile. Ces renvois ont eu lieu en dehors de toute procédure légale et loin des points de passage officiels situés sur la frontière. Plusieurs personnes ont affirmé que des policiers les avaient arrêtées en leur criant dessus et en les frappant à coups de matraque, les avaient déshabillées et les avaient contraintes à marcher pieds nus, parfois dans une épaisse couche de neige et dans des cours d’eau glacés.

Les autorités ont persisté à rejeter les accusations de violence. La présidente de la République a toutefois admis en juillet que les renvois illégaux, réalisés avec « une certaine brutalité », étaient selon elle nécessaires pour empêcher l’immigration clandestine.

Le Tribunal administratif fédéral suisse a suspendu en juillet le renvoi en Croatie d’un demandeur d’asile, au motif qu’il risquait d’être de nouveau victime d’une expulsion illégale et de brutalités, actes qu’il avait déjà subis par le passé et qui lui avaient laissé d’importantes séquelles physiques et psychologiques.

Les pouvoirs publics s’en sont pris à deux ONG, Are You Syrious et le Centre for Peace Studies, qui avaient critiqué l’attitude de la police aux frontières. Ces deux organisations ont été accusées de « faciliter l’immigration illégale » et plusieurs militant·e·s et bénévoles ont été placés en détention sans inculpation. Un appel interjeté contre le jugement prononcé à l’égard d’un bénévole de l’ONG Are You Syrious, condamné pour « négligence involontaire » parce qu’il avait aidé une famille afghane à passer la frontière, était en instance à la fin de l’année.

Moins de 150 demandeurs et demandeuses d’asile ont obtenu une protection internationale en Croatie en 2019.

VIOLENCES FAITES AUX FEMMES ET AUX FILLES

À la fin de l’année, la Croatie n’avait toujours pas mis son cadre législatif et ses politiques publiques sur les violences liées au genre en accord avec la Convention d’Istanbul. Dans l’immense majorité des cas, la violence domestique continuait d’être traitée comme un délit mineur, passible de sanctions légères. Il était rare que des mesures de protection soient mises en œuvre pour les victimes. La pratique de la double arrestation persistait – la femme qui portait plainte étant alors arrêtée en tant que co-auteur des faits, interrogée en présence de son agresseur et, dans certains cas, sanctionnée pour propos offensants ou pour avoir tenté de se défendre.

Malgré d’importantes améliorations, la Loi relative à la protection contre la violence domestique excluait toujours de son champ d’application les victimes qui ne vivaient pas au même domicile que leur partenaire, celles qui vivaient en couple depuis moins de trois ans ou celles qui n’avaient pas d’enfants avec ledit partenaire, contraignant certaines femmes à recourir à une procédure de citation directe contre leur agresseur. Six régions étaient dépourvues de foyer d’accueil pour les victimes de violence domestique. Ailleurs, les structures et les services de soutien souffraient toujours d’un manque de moyens financiers.
Dans l’immense majorité des cas, les personnes reconnues coupables de viol ont été condamnées à des peines ne dépassant pas un an d’emprisonnement. Le Code pénal faisait toujours une distinction entre le viol et la « violence sexuelle commise en l’absence de consentement », une infraction moins grave passible d’une peine plus légère. Le gouvernement a annoncé en septembre que la législation allait être modifiée afin de mettre la définition du viol en conformité avec les normes internationales et de renforcer les peines sanctionnant les faits relevant des violences liées au genre.

DROIT À LA SANTÉ

Les femmes se heurtaient toujours à de sérieuses restrictions dans l’exercice de leurs droits sexuels et reproductifs. Des médecins, et parfois des établissements de santé, continuaient de refuser de pratiquer des avortements pour des raisons de conscience. Dans plusieurs régions, aucune clinique habilitée ne proposait de services d’IVG et les femmes étaient souvent obligées de se rendre à leurs propres frais dans d’autres villes. Le système national d’assurance maladie ne couvrait pas l’interruption de grossesse, dont le coût atteignait des niveaux prohibitifs dans certains établissements habilités. Ces facteurs conjugués constituaient un obstacle insurmontable pour les femmes appartenant à des milieux modestes, dont certaines se voyaient contraintes à avoir recours à des avortements clandestins dangereux.

L’Assemblée nationale n’a pas adopté de nouvelle loi sur l’interruption de grossesse dans les délais définis par un arrêt rendu en 2017 par la Cour constitutionnelle. Une commission d’experts mise en place par le ministère de la Santé a été largement critiquée, parce qu’elle était constituée de professionnels de la santé conservateurs et ne comprenait aucun représentant d’organisations de défense des droits sexuels et reproductifs.

CRIMES DE DROIT INTERNATIONAL

On ignorait toujours ce qu’étaient devenues 1 500 des 6 000 personnes disparues lors du conflit armé de 1991-1995. Les pouvoirs publics ont indiqué que les progrès à venir dans les enquêtes concernant ces disparitions dépendaient essentiellement d’une meilleure coopération avec les autorités serbes, qui ne fournissaient pas les informations nécessaires sur les emplacements d’éventuels charniers ou tombes.

L’Assemblée nationale a adopté en juillet la Loi sur les personnes disparues, qui accordait aux victimes et à leurs familles des droits particuliers à la vérité et à la justice.

LIBERTÉ D’EXPRESSION

Des journalistes qui menaient des investigations sur des affaires de corruption, de criminalité organisée ou de crimes de guerre ont cette année encore été la cible de menaces, de manœuvres d’intimidation, voire d’agressions. Les autorités n’ont pas condamné ces attaques.

Le journaliste Gordan Duhaček a été arbitrairement détenu pendant 24 heures en septembre, pour avoir « discrédité les pouvoirs publics » dans un tweet satirique. Son arrestation a été dénoncée par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et le Conseil de l’Europe.

DISCRIMINATION

Les discriminations contre les membres de minorités ethniques, ainsi que contre les personnes réfugiées ou migrantes, restaient monnaie courante. Les Roms se heurtaient toujours à de nombreux obstacles en matière d’accès à l’enseignement, aux services de santé, au logement et à l’emploi.

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