Malgré un certain nombre d’avancées sur la voie des réformes préconisées par la Commission européenne, la situation restait préoccupante dans plusieurs domaines : la corruption, le droit d’asile et la discrimination à l’égard des femmes et des Roms, ainsi que des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI).
CONTEXTE politique en Macédoine
Le pays a changé de nom en février, une issue ayant été trouvée en 2018 au différend qui l’opposait depuis des années à la Grèce.
Le gouvernement constitué en mai 2017 a continué de prendre les mesures exigées par la Commission européenne au lendemain de la crise politique de 2015, provoquée par la publication par l’opposition de l’époque d’enregistrements sonores révélant un vaste système de surveillance illégale et une corruption généralisée au sein des pouvoirs publics. Le respect de l’état de droit, des droits à la vie privée et à la liberté d’expression, et de l’indépendance du pouvoir judiciaire, ainsi que la lutte contre la corruption dans l’appareil de l’État, figuraient parmi les priorités.
Le Bureau du procureur spécial (SJO) a poursuivi son action à l’encontre d’anciens membres du gouvernement, de hauts responsables et de fonctionnaires.
En mars, l’ancien directeur des services de sécurité et de contre-espionnage a été condamné à trois ans d’emprisonnement pour corruption électorale. Au mois d’avril, 16 membres de la police et des services de la sécurité intérieure, dont l’ancien chef de la police, ont été reconnus coupables de « mise en danger de l’ordre constitutionnel à caractère terroriste », pour leur complicité dans les violences dont avaient été victimes en avril 2017 plusieurs parlementaires d’opposition.
Des poursuites ont été engagées au mois de décembre contre Katica Janeva, qui était jusqu’au mois d’août à la tête du Bureau du procureur spécial ; elle était accusée d’abus de pouvoir et de corruption. Il a été proposé de transférer au parquet les affaires gérées par le SJO.
La liberté de la presse a progressé et le nombre d’agressions contre des journalistes a diminué.
Le Parlement a adopté en mai une clarification du sens exact et une modification préliminaire de plusieurs lois financières qui avaient été délibérément mal interprétées par le gouvernement précédent pour incriminer les ONG recevant des fonds de l’étranger.
TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS
Des mesures ont été prises pour mettre un terme à l’impunité qui régnait depuis longtemps en matière de mauvais traitements policiers. Un mécanisme externe de surveillance a notamment été mis en place. Le parquet avait ouvert en mars une instruction sur 50 affaires d’abus présumés impliquant des policiers, ainsi que plusieurs cas mettant en cause des surveillants de prison.
Signée en 2007, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées n’avait toujours pas été ratifiée.
DISCRIMINATION
La nouvelle Loi sur la prévention et la protection en matière de discrimination, adoptée en mai, mentionnait bien l’orientation sexuelle et l’identité de genre parmi les motifs de discrimination prohibés, mais elle ne reconnaissait pas les couples de même sexe. La commission chargée de recevoir les plaintes n’était toujours pas en place à la fin de l’année.
Le Premier ministre et le chef de la communauté musulmane se sont tous deux vu reprocher des commentaires homophobes. Les discours de haine visant les personnes LGBTI se sont intensifiés à l’approche de la première marche des fiertés de Skopje, qui s’est tenue au mois de juin.
Les discours et les crimes motivés par la haine fondée sur l’origine ethnique (dont une affaire de meurtre jugée en avril) étaient toujours aussi fréquents.
Les Roms continuaient de faire face à des discriminations institutionnelles dans le domaine de l’éducation, de la santé, du logement et de l’emploi. Ils se heurtaient également à l’attitude de certains gérant·e·s de bars, de cafés ou de magasins, qui refusaient de les laisser entrer dans leurs établissements. Des avocat·e·s ont dénoncé des atteintes répétées aux droits humains dans plusieurs affaires portant sur les droits à la propriété, les relations avec la police et l’emploi. Quelque 440 Roms étaient toujours apatrides.
DROITS SEXUELS ET REPRODUCTIFS
Les modifications apportées en juillet à Loi sur l’interruption de grossesse facilitaient l’accès à l’avortement en supprimant l’obligation de respecter un délai d’attente, de passer devant un conseiller ou une conseillère et d’obtenir le consentement du conjoint. Les centres de soins de santé primaires ne délivraient pas de moyens de contraception.
PERSONNES RÉFUGIÉES OU DEMANDEUSES D’ASILE
Au 31 décembre, 40 887 personnes réfugiées ou migrantes entrées illégalement en Macédoine du Nord avaient été officiellement enregistrées par le ministère de l’Intérieur. Sur les 490 demandes d’asile déposées, 407 ont été abandonnées. Parmi les 18 qui ont été examinées, une seule a abouti à l’attribution d’une protection subsidiaire ; les 17 autres ont été rejetées. Environ 47 % des demandes émanaient de personnes réfugiées et migrantes retenues pour témoigner contre des passeurs et détenues illégalement à Gazi Baba, dans des conditions déplorables. Une femme originaire des Émirats arabes unies placée en détention dans ce centre alors qu’elle fuyait des violences conjugales a finalement été libérée après avoir obtenu des mesures provisoires de la part de la Cour européenne des droits de l’homme.
Le ministère de l’Intérieur a cette année encore procédé à des expulsions collectives vers la Grèce, renvoyant ainsi de force 10 017 personnes qui essayaient de pénétrer sur le territoire de la Macédoine du Nord. Aux termes d’un accord conclu avec la Commission européenne, des agents de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) ont été déployés aux côtés de la police nationale des frontières. Un certain nombre de personnes en quête de protection internationale se sont plaintes d’avoir été illégalement renvoyées en Grèce par Frontex après avoir dû donner leurs empreintes digitales et passer 24 heures en détention. Des agents de Frontex ont explicitement dit à quatre d’entre elles qu’elles ne pouvaient pas solliciter l’asile.
Les tribunaux administratifs ont rejeté les demandes de la plupart des réfugié·e·s roms du Kosovo qui les avaient saisis après avoir été déboutés du droit d’asile en 2017-2018. Ces personnes contestaient la suppression de leur protection subsidiaire, qui les privait de statut juridique et les exposait à l’expulsion.
LUTTE CONTRE LE TERRORISME ET SÉCURITÉ
En septembre, la Cour suprême a rejeté l’appel interjeté par le groupe dit « de Koumanovo », composé de 33 Albanais de souche, dont 16 du Kosovo, condamnés en 2017 pour terrorisme. Les charges retenues contre ces personnes étaient liées à des événements survenus en mai 2015 à Divo Naselje, un quartier de Koumanovo, au cours desquels huit policiers avaient été tués et 40 autres blessés. La police avait quant à elle tué 10 membres de la communauté albanaise. Les accusés affirmaient que la confrontation avait été orchestrée par l’ancien gouvernement et exigeaient l’ouverture d’une enquête internationale.
En décembre, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a clos l’affaire Khaled el Masri, bien que les autorités de Macédoine du Nord n’aient pas mené une enquête pénale approfondie et effective sur les faits concernés, comme le demandait dans un arrêt la Cour européenne des droits de l’homme. Ce ressortissant allemand avait été victime en 2003 de détention illégale et de disparition forcée, ainsi que d’actes de torture et d’autres mauvais traitements, avant d’être remis aux autorités américaines, qui lui avaient fait subir d’autres violations de ses droits fondamentaux hors des frontières de Macédoine du Nord.