Les droits à la liberté d’expression et à la liberté de réunion pacifique ont fait l’objet de restrictions. La police a eu recours à une force excessive, notamment dans l’application des mesures liées à la pandémie de COVID-19. Le personnel soignant a manifesté contre le manque d’équipements de protection individuelle et les mauvaises conditions de travail. Les personnes détenues, quant à elles, risquaient particulièrement de contracter la maladie. Les violences contre les femmes perduraient.
Contexte de la situation des droits humains au Togo
En février, le président de la République a été réélu pour un quatrième mandat, mais l’opposition a dénoncé une fraude et des irrégularités présumées dans le processus électoral. L’un des candidats, Agbéyomé Kodjo, s’est autoproclamé président. Il a été inculpé de « troubles aggravés à l’ordre public » et d’« atteinte à la sécurité intérieure de l’État » après avoir appelé l’armée à se soulever contre le gouvernement. Son immunité parlementaire a été levée et, en avril, il a été détenu pendant trois jours. À sa libération, il a été placé sous contrôle judiciaire. Plusieurs de ses sympathisants ont aussi été arrêtés et ont fait l’objet de poursuites.
Face à la pandémie de COVID-19, les pouvoirs publics ont pris des mesures restreignant le droit de circuler librement et le droit à la liberté de réunion pacifique, et ont libéré 1 048 détenu·e·s.
Arrestations et détentions arbitraires
Brigitte Kafui Adjamagbo et Gérard Yaovi Djossou, membres d’une coalition de partis d’opposition et d’organisations de la société civile, ont été arrêtés en novembre et inculpés de « groupement de malfaiteurs » et d’« atteinte à la sécurité intérieure de l’État » en lien avec des manifestations contre les résultats de l’élection présidentielle et contre le harcèlement dont étaient victimes les opposant·e·s. Ils ont été libérés et placés sous contrôle judiciaire après environ trois semaines de détention.
Torture et autres mauvais traitements
La police a continué d’avoir recours à la torture. Le 23 avril, Kokou Langueh a été arrêté par la police. Il a indiqué que, pendant sa détention au siège de la Direction centrale de la police judiciaire, à Lomé, des policiers l’avaient roué de coups dans le dos et sur les fesses pendant plusieurs heures afin de lui extorquer des « aveux » au sujet de ses liens avec Agbéyomé Kodjo. Il a été remis en liberté sans inculpation le 30 avril.
Liberté d’expression
Les autorités ont continué de restreindre le droit à la liberté d’expression. La Loi relative au Code de la presse et de la communication, adoptée en janvier, permettait d’infliger de lourdes amendes aux journalistes pour outrage au président de la République, aux parlementaires et aux membres du gouvernement.
L’accès à Internet a été bloqué le jour du scrutin présidentiel, en février. Dans le même temps, les communications électroniques de défenseur·e·s des droits humains, de militant·e·s et d’autres personnes ont été placées sous surveillance.
En mars, la Haute Autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC) a ordonné la suspension des quotidiens Liberté et L’Alternative, respectivement pour 15 jours et pour deux mois, parce qu’ils avaient selon elle publié des « accusations graves, infondées et calomnieuses » contre l’ambassadeur de France. Après avoir publié un article critiquant ces mesures, le journal Fraternité a également été suspendu pour deux mois.
En avril, François Doudji et Béni Okouto, du Collectif des associations contre l’impunité au Togo (CACIT), et le journaliste Teko-Ahatefou Aristo, ont été arrêtés alors qu’ils assistaient en tant qu’observateurs à une intervention policière au domicile d’Agbéyomé Kodjo. Ils ont été interrogés au Service central de recherches et d’investigations criminelles, puis relâchés le jour même.
En novembre, L’Alternative et son directeur de publication ont écopé chacun d’une amende de deux millions de francs CFA (3 702 dollars des États-Unis) et ont été condamnés à indemniser financièrement la personne qui avait porté plainte contre le journal pour diffamation, à la suite d’un article faisant état de détournements de fonds.
Liberté de réunion
Sans fournir de motif, la police a empêché le lancement officiel du Mouvement Conscience Mandela, en juillet.
Les autorités ont interdit des manifestations et des réunions pacifiques, notamment en lien avec les résultats contestés de l’élection, en particulier entre août et octobre.
Recours excessif à la force
Les forces de sécurité ont eu recours à une force excessive dans l’application des mesures liées à la pandémie de COVID-19 et lors de la dispersion de manifestations pacifiques.
En mars, Émile Bousse a été abattu par un militaire à Agoègan, à la frontière entre le Togo et le Bénin. Arrêté pour avoir franchi la frontière alors que celle-ci était fermée en raison de la pandémie de COVID-19, il avait refusé d’obtempérer. Selon le ministère de la Sécurité et de la Protection civile, le militaire en question a été arrêté.
En avril, Gueli Kodjossé est mort des suites de ses blessures à Avédji, en périphérie de la capitale, Lomé. Le ministre de la Sécurité et de la Protection civile a déclaré qu’il avait succombé à une crise d’épilepsie. Or, la famille de cet homme a affirmé qu’il n’était pas épileptique mais que les forces de sécurité l’avaient battu à mort pendant le couvre-feu. En avril, Dodji Koutouatsi a lui aussi été battu à mort par les forces de sécurité parce qu’il était sorti lors du couvre-feu.
Le même mois, les autorités ont ouvert des enquêtes sur des homicides perpétrés par des agents des forces de l’ordre chargés de l’application du couvre-feu lié à la pandémie de COVID-19.
En mai, Agbendé Kpessou a été abattu par un policier à Avédji pour avoir désobéi à un ordre au cours d’une altercation avec deux militaires. Les autorités ont ouvert une enquête mais aucune information n’était disponible quant à l’état d’avancement des investigations à la fin de l’année.
Les forces de sécurité ont tué un homme et en ont blessé plusieurs autres en utilisant des grenades de gaz lacrymogène pour disperser une cérémonie traditionnelle dans la préfecture de Doufelgou, en septembre.
Droit à la santé
Personnel soignant
Les soignant·e·s n’avaient pas suffisamment d’équipements de protection individuelle et ont dénoncé l’absence de prime. En août, le personnel du centre hospitalier universitaire de Lomé a menacé de se mettre en grève et a manifesté dans les locaux pour réclamer des équipements de protection individuelle et de meilleures conditions sanitaires. En septembre, les autorités ont fourni une assurance-maladie à l’ensemble du personnel médical. Le gouvernement a annoncé en novembre que tous les soignant·e·s toucheraient une prime exceptionnelle de 50 000 francs CFA (92 dollars des États-Unis).
Personnes détenues
Après avoir appris que 6 % des 283 personnes détenues à la prison de Lomé avaient été testées positives au coronavirus, des détenu·e·s se sont révoltés pour réclamer leur libération ou leur réinstallation dans des établissements plus sûrs. Le personnel pénitentiaire a réprimé la manifestation au moyen de gaz lacrymogène.
Violences faites aux femmes et aux filles
Le Fonds des Nations unies pour la population a recensé 839 cas de violences liées au genre, dont 13 viols, entre janvier et juin. Les femmes et les filles risquaient d’autant plus d’être victimes de violences que les mesures liées à la pandémie de COVID-19 les empêchaient de circuler librement.