Les autorités ont réprimé les droits à la liberté d’expression, de réunion et d’association. Des journalistes, d’autres personnes travaillant dans les médias et des avocat·e·s ont été harcelés. La police a eu recours à des manœuvres d’intimidation pour faire appliquer les restrictions de déplacement liées au COVID-19. Les enfants étaient privés de leur droit à l’information sur la santé et les droits sexuels et reproductifs.
Contexte de la situation des droits humains en Zambie
La dette du pays atteignait plus de 228 milliards de kwachas (11 milliards de dollars des États-Unis) et allait probablement continuer de s’accroître en raison de la pandémie de COVID-19. La Zambie a fait défaut sur sa dette, n’ayant pas été en mesure de payer un coupon de 42,5 millions de dollars des États-Unis sur l’une de ses euro-obligations en novembre.
Le ministre de la santé a été acquitté en août des charges de corruption qui pesaient sur lui pour l’utilisation abusive de fonds publics alloués aux soins de santé liés au COVID-19.
Les tensions entre le Front patriotique, au pouvoir, et le Parti uni pour le développement national (UPND), dans l’opposition, se sont accrues à l’approche des élections générales de 2021.
Les autorités ont tenté de modifier la Constitution de 2016 au moyen du projet de loi no 10, qui n’a pas obtenu la majorité des deux tiers (111 voix) requise à l’Assemblée nationale. Des organisations de la société civile aussi bien que des citoyen·ne·s avaient contesté les modifications proposées au motif qu’elles affaibliraient le processus démocratique.
Liberté d’expression
La police a cette année encore utilisé la Loi relative à l’ordre public, entre autres dispositions juridiques, ainsi que des menaces et des manœuvres d’intimidation, pour restreindre la liberté d’expression.
En mars, des policiers de la province du Centre ont arrêté un adolescent de 15 ans et l’ont inculpé de diffamation envers la personne du président en vertu du Code pénal, au motif qu’il aurait tourné le chef de l’État en dérision sur les réseaux sociaux.
Chella Tukuta, photographe, a été arrêté par la police en juin après avoir dénoncé publiquement la corruption des autorités. Il a été inculpé de diffamation parce qu’il aurait fait des remarques désobligeantes à propos de la ministre de l’Information et d’autres responsables gouvernementaux, et est resté 10 jours en garde à vue dans différents postes de police de Lusaka, la capitale, et de Ndola.
Défenseures et défenseurs des droits humains
En septembre, le tribunal de première instance de Livingstone a acquitté Fumba Chama, Laura Miti et Bornwell Mwewa des charges qui pesaient sur eux au titre de la Loi relative à l’ordre public. Fumba Chama avait été inculpé de rassemblement illégal après avoir organisé un forum des jeunes sur la bonne gouvernance. Laura Miti et Bornwell Mwewa étaient sous le coup d’accusations de troubles à l’ordre public et d’agression d’un policier en lien avec le même événement. Tous trois avaient été arrêtés en décembre 2019 et placés en détention au poste de police central de Livingstone, avant d’être libérés sous caution.
Journalistes
Les autorités ont continué d’entraver le travail des journalistes et de réprimer les médias indépendants.
Jubilee Malambo, journaliste de Prime Television, a été empêché de faire son travail le 21 mars à Samfya par des militants du Front patriotique, qui ont menacé de casser son appareil s’il prenait des photos de personnes dont les maisons avaient été détruites par de fortes pluies.
Le 9 avril, l’Autorité indépendante de régulation des médias (IBA) a annulé la licence de Prime Television « dans l’intérêt de la sûreté publique, de la sécurité, de la paix, du bien public ou de l’ordre public ». Le même jour, des policiers se sont rendus au siège de Prime Television à Lusaka et en ont chassé le personnel. Ces mesures sont intervenues après la diffusion par la chaîne de télévision de sujets sur le COVID-19 et sur le projet de loi no 10.
Les autorités ont aussi tenté de contrôler les médias en ligne. Après avoir affirmé publiquement que son mandat de régulation ne s’appliquait pas aux contenus en ligne, l’IBA a contraint en juillet Spring TV à demander une licence pour pouvoir diffuser des contenus sur Internet.
Des membres du Front patriotique ont eu recours à la violence pour empêcher les médias de diffuser des programmes dans lesquels s’exprimaient des dirigeant·e·s de l’opposition. En mai, ils ont tiré du gaz lacrymogène dans les studios d’ISO FM, radio communautaire du district d’Isoka, et dans ceux de Muchinga Radio Station pour les empêcher de diffuser des interviews de Hakainde Hichilema, dirigeant de l’UPND.
Avocates et avocats
Cette année encore, des avocat·e·s ont été la cible d’actes d’intimidation et de violentes attaques de la part des autorités. En mars, le greffier en chef par intérim a interdit à l’avocat constitutionnel John Sangwa d’exercer après que celui-ci eut critiqué le projet de loi no 10, qui risquait, entre autres, de donner des pouvoirs excessifs au chef de l’État, et eut dénoncé le refus opposé par la Cour constitutionnelle de faire droit à une requête contre ce projet de loi.
En février, des personnes qui assistaient à une réunion publique sur le projet de loi no 10 organisée à l’Hôtel Intercontinental de Lusaka par l’Association des avocats de Zambie (LAZ) ont été agressées et se sont fait voler leurs affaires par une foule composée, semble-t-il, de militant·e·s du Front patriotique.
Liberté de réunion
Les autorités ont eu recours à la législation, à l’intimidation et au harcèlement pour réprimer le droit à la liberté de réunion. En juin, le président a formulé des menaces à l’encontre de toutes les personnes, notamment les membres d’organisations de la société civile, qui auraient l’intention de manifester contre les restrictions de leur droit à la liberté d’expression. Il a appelé le ministre de l’Intérieur à « s’occuper de ces gens » qui, selon lui, encourageaient l’« anarchie ». Le 30 septembre, l’inspecteur général de la police a accusé les membres de la société civile et les chefs traditionnels d’« inciter à l’anarchie ».
Parallèlement, le parti au pouvoir a déployé des groupes de militant·e·s, issus de ses sympathisant·e·s, chargés de mener des actions violentes et d’autres manœuvres d’intimidation contre les personnes soutenant l’UPND, entre autres. L’objectif était d’empêcher et d’interrompre les rassemblements pacifiques en frappant les participant·e·s et en les dépouillant de leurs biens.
En juillet, ces groupes s’en sont pris à des personnes qui assistaient aux obsèques d’un sympathisant de l’UPND dans le cimetière de Mutumbi, à Lusaka.
Alors qu’en règle générale ces attaques demeuraient impunies, un militant a été condamné en août à deux ans d’emprisonnement pour avoir agressé le ministre de la Justice sur le marché de Kabwata en 2019.
Recours excessif à la force
La police a eu recours à des manœuvres d’intimidation et de harcèlement, ainsi qu’à des arrestations arbitraires, pour faire appliquer les restrictions imposées en réponse à la pandémie de COVID-19 et, dans certains cas, pour empêcher des manifestations pacifiques. En avril, une porte-parole de la police a annoncé à la télévision nationale que la police avait adopté une stratégie consistant à « neutraliser » et « arrêter » toute personne trouvée dans la rue.
En décembre, deux manifestants ont été tués lorsque la police a ouvert le feu sur des militant·e·s de l’UPND qui s’étaient rassemblés dans le centre de Lusaka afin de soutenir Hakainde Hichilema, qui avait été convoqué dans locaux de la police.
Droit à la santé
Les pouvoirs publics n’ont pas correctement protégé la santé publique face au COVID-19. Des équipements de protection individuelle étaient disponibles dans le pays, mais ils n’ont pas été distribués aux endroits qui en avaient le plus besoin. Des professionnel·le·s de la santé travaillant dans des régions à haut risque n’ont pas reçu d’équipements de protection individuelle et ont contracté le virus.
En mai, un technicien de laboratoire a été chargé de transporter des prélèvements provenant de tests de dépistage en prenant les transports publics. Le bus emprunté par ce technicien a eu un accident, mais le ministre de la Santé a par la suite déclaré que ce mode de transport ne menaçait pas la sécurité des autres passagers et qu’il s’agissait d’une méthode couramment utilisée pour transporter des prélèvements. Les accidents de la route étaient la troisième cause de mortalité en Zambie et faisaient chaque année quelque 2 000 morts ; les risques d’accident étaient particulièrement élevés dans les transports en commun.
Droits sexuels et reproductifs
En octobre, à la suite d’une évaluation réalisée par un groupe de travail sous l’égide de la ministre de l’Orientation nationale et des Affaires religieuses, l’Assemblée nationale a suspendu le programme d’éducation complète à la sexualité (ECS) au motif qu’il « contenait des représentations choquantes, était inadapté et portait atteinte aux valeurs culturelles, religieuses et familiales ». L’ECS avait été intégrée au programme scolaire officiel en 2013 pour les élèves du primaire et du secondaire. L’article 11 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant reconnaît le droit des enfants à l’éducation et à l’information et son article 27 les protège de l’exploitation. La suspension de l’ECS constituerait un retour en arrière quant à la mise en œuvre de ces deux articles.
Discrimination – les personnes atteintes d’albinisme
Cette année encore, des personnes atteintes d’albinisme ont été la cible de violentes attaques. Le 24 mars, le corps démembré d’Emmanuel Phiri a été découvert dans un champ à quelques kilomètres de chez lui, à Chipata, dans la province de l’Est. Ses yeux, sa langue et ses bras avaient été prélevés, faisant penser à un assassinat rituel. En avril, le cadavre de Josephat Mutenda a été exhumé sur le lieu de sépulture de Likolwa, dans la région de Kankomba ; des parties de son corps ont été volées.
Expulsions forcées
Le 30 avril, la Haute Cour de Zambie a jugé que l’expulsion forcée de populations rurales de leurs terres ancestrales dans le district de Serenje (province du Centre) constituait une violation de leurs droits à la vie, à la liberté de mouvement et d’association, à la dignité et à l’égalité de protection devant la loi, et que l’accaparement de leurs terres coutumières était illégal. Ces populations avaient été expulsées de force en 2013 pour laisser la place à des projets d’agriculture commerciale, et vivaient depuis dans des abris de fortune sur une réserve forestière. Elles n’ont pas été consultées à propos de la saisie de leurs terres traditionnelles, ni n’ont été indemnisées pour la destruction de leurs biens immobiliers et mobiliers.