Chili - Rapport annuel 2020

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République du Chili
Chef de l’État et du gouvernement : Sebastián Piñera Echenique

En raison de la pandémie de COVID-19, les manifestations de masse contre les inégalités persistantes ont été moins nombreuses ; les rassemblements qui ont toutefois pu avoir lieu ont généralement été marqués par l’intervention d’agents de l’État qui ont eu recours à une force excessive ayant souvent occasionné des blessures graves. Le gouvernement a fait un usage abusif de la législation pour incriminer des manifestant·e·s, invoquant la Loi sur la sécurité nationale et faisant adopter de nouvelles lois en matière pénale. La pandémie a eu des conséquences disproportionnées sur les personnes vivant dans la pauvreté et celles tributaires des services publics de santé, ainsi que sur le personnel soignant du secteur public.

Contexte de la situation des droits humains au Chili

Les manifestations de masse se sont poursuivies au cours des premiers mois de l’année, puis ont en grande partie été stoppées par l’application des mesures destinées à freiner la propagation du COVID-19. En raison de la pandémie, le gouvernement a déclaré en mars l’« état de catastrophe », qui a été prolongé jusqu’en décembre. Des restrictions de la liberté de circulation et un couvre-feu nocturne ont été imposés dans ce cadre. Le Chili figurait parmi les 10 pays au monde ayant enregistré le plus grand nombre de décès dus au COVID-19 par million d’habitants. Les personnes les plus pauvres et les populations les plus vulnérables étaient les plus touchées.

Le Chili n’a pas adhéré à l’Accord régional sur l’accès à l’information, la participation publique et l’accès à la justice à propos des questions environnementales en Amérique latine et dans les Caraïbes (Accord d’Escazú).

Par référendum organisé en octobre, la population s’est prononcée en faveur de la rédaction d’une nouvelle Constitution.

Recours excessif à la force

Des manifestations de masse ont continué d’avoir lieu de janvier à mi-mars ; elles ont été marquées par de multiples cas de recours excessif à la force. Au moins deux nouvelles procédures pour crimes contre l’humanité ont été engagées contre le président Sebastián Piñera et d’autres responsables publics. L’instruction de ces affaires et d’autres plaintes déposées dans le courant de l’année 2019, qui a été confiée au procureur régional de Valparaíso, était en cours à la fin de l’année.

L’Institut national des droits humains s’est dit préoccupé par la lenteur des investigations sur les violations des droits humains qui se sont produites pendant les manifestations de grande ampleur de 2019. En août, presque un an après les faits, le Bureau du procureur général a inculpé formellement des policiers mis en cause dans certaines affaires, telles que les cas de Gustavo Gatica et de Fabiola Campillai, qui ont perdu la vue en raison des agissements des forces de l’ordre. Les enquêtes administratives des carabineros (la police nationale chilienne) étaient lentes et inefficaces, et ces investigations ainsi que les sanctions portaient bien souvent sur des infractions administratives de peu de gravité plutôt que sur des violations des droits humains.

Des personnes qui avaient mis en place des « soupes populaires » pour répondre au problème de la faim, qui touchait un grand nombre de gens, ont signalé que la police avait tenté de mettre un terme à leurs activités en utilisant une force excessive.

Jonathan Reyes a été tué par la police d’une balle dans la poitrine en mars, pendant le couvre-feu. Les policiers ont déclaré avoir tiré en état de légitime défense, mais des images vidéo montrent qu’il n’y avait aucune menace manifeste au moment où le coup de feu a été tiré.

Les manifestations se sont multipliées avec l’assouplissement des mesures destinées à freiner la propagation du COVID-19. En octobre, à Santiago, un manifestant de 16 ans qui a été poussé du haut d’un pont par un policier a été grièvement blessé du fait de sa chute dans le lit bétonné de la rivière Mapocho. Un policier a été inculpé, et le ministère public a fourni des éléments montrant que les membres des forces de l’ordre présents n’avaient rien fait pour venir en aide au jeune homme blessé.

Les recommandations de commissions sur la réforme de la police créées depuis novembre 2019 par le gouvernement et le Congrès n’avaient toujours pas été mises en œuvre. Un projet de loi de « modernisation » de la police, qui mettait l’accent sur des procédures de contrôle plus strictes, était en cours d’examen au Congrès à la fin de l’année.

Répression de la dissidence

Le gouvernement a engagé des poursuites contre plus de 1 000 manifestant·e·s en invoquant des dispositions de la Loi sur la sécurité nationale, ce qui n’était pas conforme au droit international relatif aux droits humains et pourrait constituer un harcèlement à caractère politique.

Une loi « anti-barricades » est entrée en vigueur en janvier. Le texte prévoyait une augmentation des sanctions pour les personnes qui entravent la libre circulation en plaçant des objets dans les rues. La définition large et vague utilisée dans la loi risquait d’aboutir à la sanction pénale d’actes de protestation légitimes.

Droit à la santé

Des membres du personnel soignant ont déclaré à Amnesty International que, pendant le pic de la pandémie, ils avaient travaillé dans des conditions dangereuses, sans disposer d’équipements de protection individuelle suffisants et en étant soumis à un niveau de stress élevé, ce qui avait mis en danger leur santé physique et mentale. Ils ont également signalé qu’ils risquaient des sanctions s’ils témoignaient publiquement. Ces problèmes ont principalement touché les hôpitaux publics, qui prennent en charge les populations démunies. Les cliniques privées n’ont pas signalé de problèmes de ce type et elles ont affiché des taux de mortalité nettement moindres.

Afin de réduire la surpopulation carcérale, le Congrès a adopté une loi qui a permis la sortie de prison de 1 700 détenu·e·s très vulnérables au COVID-19, qui ont été placés en résidence surveillée.

Droits des peuples autochtones

En juin, des femmes mapuches qui vendaient des légumes dans les rues de la ville de Temuco, dans le sud du pays, ont déposé une plainte contre la police nationale chilienne pour des actes de torture subis en détention, dont la nudité forcée. La ville ayant interdit la vente de produits dans la rue, ces femmes faisaient l’objet d’actes de harcèlement depuis plusieurs années.

En août, des protestataires mapuches ont occupé la mairie de Curacautín, dans le sud du pays. Des particuliers se sont rendus sur place pour « prêter main-forte à la police » qui était en train d’évacuer les Mapuches. Ils ont proféré des injures racistes et auraient incendié le véhicule d’une personne qui manifestait. Tous les Mapuches ont été arrêtés, mais ni le gouvernement ni la police n’ont pris de mesures contre les particuliers qui étaient intervenus contre les protestataires.

Le procès du policier accusé du meurtre, en novembre 2018, de Camilo Catrillanca, un Mapuche, a débuté en mars, mais il a été suspendu en raison de la pandémie. Il a repris en mode hybride (présentiel et virtuel) le 27 octobre.

Droits sexuels et reproductifs

Le gouvernement n’a pas placé les soins de santé sexuelle et reproductive parmi les services essentiels pendant la pandémie, ni publié de protocoles en vue de la fourniture de services d’avortement dans le cadre très restreint prévu par la loi.

Le Congrès a rejeté en octobre une proposition de loi établissant un cadre pour une éducation complète à la sexualité pour les jeunes.

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes

Un projet de modification de la loi relative à la lutte contre la discrimination visant à étendre la portée de ce texte et à y intégrer des mesures de prévention et de réparation pour les victimes était à la fin de l’année en instance d’examen au Congrès.

Dans une décision sans précédent rendue en juin, un tribunal a reconnu à deux femmes le statut de mères d’un enfant, et ordonné l’inscription de cette famille à l’état civil. Les services de l’état civil avaient précédemment refusé d’enregistrer ces personnes en tant que famille. L’enfant, un garçon âgé de deux ans, a été inscrit en juillet comme ayant deux mères.

Droits des personnes migrantes

Le Congrès a adopté en décembre un projet de loi sur l’immigration qui pourrait réduire les possibilités qu’ont les migrant·e·s de régulariser leur situation juridique une fois arrivés au Chili, et porter atteinte au principe de « non-refoulement ». Un groupe de parlementaires a saisi le Tribunal constitutionnel d’une requête en inconstitutionnalité portant sur plusieurs parties de ce texte. Aucune décision n’avait été rendue à la fin de l’année.

En raison de la pandémie, le gouvernement a lancé un « plan humanitaire de retour ordonné » pour les étrangères et étrangers souhaitant rentrer dans leur pays. Les personnes qui souscrivaient à ce dispositif devaient accepter l’interdiction de revenir au Chili pendant neuf ans. La Cour suprême a jugé en juillet que cette exigence n’était pas conforme à la législation.

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