Corée du Sud - Rapport annuel 2020

carte Corée du Sud rapport annuel amnesty

République de Corée
Chef de l’État et du gouvernement : Moon Jae-in

Des femmes ont subi des violences et d’autres sévices sur Internet et aux mains de représentants des pouvoirs publics. Des personnes LGBTI ont fait l’objet de discrimination dans les informations publiées par les médias au sujet de la pandémie de COVID-19, ainsi qu’au sein de l’armée et dans le milieu éducatif. Des entreprises de logistique n’ont pas fourni de matériel de protection adéquat aux personnes effectuant les livraisons, qui ont été fortement exposées à un risque de contamination pendant la pandémie.

Contexte de la situation des droits humains en Corée du Sud

Les élections législatives ont eu lieu comme prévu le 15 avril, malgré la première vague de COVID-19, et le Parti démocrate a remporté la majorité des sièges. Les relations entre les deux Corée se sont dégradées, la Corée du Nord reprochant au gouvernement sud-coréen de n’avoir pas empêché des organisations de la société civile créées par des Nord-Coréen·ne·s s’étant installés en Corée du Sud d’envoyer des tracts à caractère politique en Corée du Nord au moyen de ballons et de drones.

Violences faites aux femmes et aux filles

Des informations sur de très nombreuses violences et d’autres sévices infligés à des femmes et des filles sur Internet ont été révélées à la suite de l’arrestation des principaux administrateurs du réseau « Nth Room », responsable de la diffusion de vidéos d’exploitation sexuelle sur des groupes de discussion de la messagerie Telegram. Les administrateurs de ce réseau et d’autres auteurs de « cyberinfractions à caractère sexuel » ont exercé un chantage sur un millier de femmes et de filles, principalement après les avoir incitées par la tromperie à leur fournir des photos ou des vidéos à caractère sexuel.

Des lois visant à mieux protéger les femmes et les enfants contre les violences et l’exploitation sexuelles ont été adoptées. En avril, l’Assemblée nationale s’est prononcée en faveur de modifications législatives alourdissant les peines pour les cyberinfractions à caractère sexuel. L’âge du consentement à un rapport sexuel a été porté à 16 ans, contre 13 auparavant, sans discrimination. Un vaste ensemble de pratiques en lien avec la possession ou l’utilisation de contenus produits illégalement et mettant en scène des personnes exploitées sexuellement ont été érigées en infractions pénales. Parmi les modifications législatives adoptées figurait également la suppression des délais de prescription dans les affaires d’exploitation sexuelle d’enfants.

Un grand nombre de représentants élus des pouvoirs publics ont été mis en cause dans des affaires d’abus d’autorité et de violences sexuelles présumés. Le maire de la ville de Pusan, Oh Keo-don, a démissionné en avril après avoir admis qu’il avait harcelé sexuellement une femme travaillant à la mairie. En juillet, Park Won-soon, maire de Séoul, la capitale du pays, a été accusé d’avoir agressé sexuellement une ancienne secrétaire, mais l’enquête de la police a pris fin avec la mort de cet élu. La Commission nationale des droits humains (NHRCK) a alors ouvert une enquête indépendante sur cette affaire. En septembre, deux fonctionnaires ont été inculpés d’agression sexuelle sur une femme originaire de Corée du Nord.

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes

En mai, l’identification d’un foyer d’infection par le COVID-19 dans un club d’Itaewon, un quartier de Séoul connu pour sa vie nocturne, a donné lieu dans les médias à de nombreuses informations incitant à penser, de manière infondée, qu’il existait un lien entre la contamination par ce virus et l’orientation sexuelle. Certains articles comportaient des renseignements personnels tels que l’âge, l’adresse, le lieu de travail, l’activité professionnelle et les déplacements habituels de certaines personnes, au mépris de leur droit au respect de la vie privée. Ces informations discriminatoires ont jeté le discrédit sur les personnes LGBTI, et un grand nombre d’entre elles ont en conséquence évité de se faire dépister par crainte de voir publiquement révélée leur orientation sexuelle. La société civile a engagé le gouvernement à mettre en place un système de dépistage anonyme, et ces tests ont par la suite été disponibles dans l’ensemble du pays. Les autorités ont par ailleurs modifié leurs pratiques de divulgation de données personnelles de sorte que certaines, telles que l’historique des déplacements, ne puissent pas être utilisées par des tiers pour établir l’identité des personnes.

En juin, le Parti de la justice et cinq membres de l’Assemblée nationale appartenant à d’autres partis ont présenté conjointement une proposition de loi visant à combattre de manière exhaustive la discrimination ; ce texte comprenait notamment des dispositions interdisant la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre1. À la fin de l’année, il était en instance d’examen devant la commission ad hoc de l’Assemblée nationale. La NHRCK a également soumis à l’Assemblée nationale une demande d’adoption d’une loi complète contre la discrimination, recommandée de longue date par la communauté internationale.

Les personnes transgenres étaient toujours en butte à une discrimination institutionnalisée et à d’autres formes de discrimination. En janvier, les autorités militaires ont démobilisé une soldate transgenre qui avait subi une opération chirurgicale de changement de sexe. La soldate a saisi la justice administrative en août, après le rejet de son recours auprès des autorités militaires. Une autre femme transgenre a quitté une université réservée exclusivement aux femmes après y avoir été admise, en raison des pressions exercées par des étudiantes opposées à son inscription.

La Cour constitutionnelle ne s’était toujours pas prononcée à la fin de l’année sur la constitutionnalité de l’article 92-6 du Code pénal militaire, qui réprimait pénalement les relations sexuelles consenties entre personnes de même sexe au sein de l’armée.

Droit à la santé

En raison des mesures de distanciation physique mises en place pendant la pandémie de COVID-19, la demande de services de livraison a augmenté de façon considérable. Selon une coalition d’organisations de la société civile, au moins 16 livreurs sont morts en raison d’une surcharge de travail au cours de l’année, et l’absence de dispositions prises en temps utile pour protéger la santé et la sécurité des travailleuses et travailleurs de ce secteur demeurait préoccupante. Plus de 150 personnes ont été infectées par le COVID-19 dans des foyers épidémiques liés à une importante plateforme logistique située près de Séoul. Selon les médias, cette entreprise n’a pas donné au personnel les directives nécessaires en matière d’hygiène, ni ne leur a fourni d’uniformes propres et d’équipements de protection individuelle adéquats.

Dans les établissements pénitentiaires, les personnes détenues et le personnel étaient particulièrement exposés au risque d’infection par le COVID-19 en raison de la persistance du problème préexistant de la surpopulation carcérale. En décembre, un centre de détention situé dans l’est de Séoul comptait au moins 772 détenu·e·s touchés, soit plus du tiers de la population carcérale de cette prison. Il n’a pas été tenu compte non plus des besoins médicaux spécifiques de certains détenu·e·s. En mai, un homme souffrant de troubles psychosociaux est mort dans le centre de détention de Pusan ; des moyens de contrainte avaient été utilisés contre lui et il avait été placé en détention à l’isolement pendant la nuit en attendant d’être soumis à un test de dépistage du COVID-19. Sa famille a par la suite porté plainte pour mauvais traitements auprès de la NHRCK.

En application d’une décision de la Cour constitutionnelle datant de 2019, l’avortement a cessé d’être considéré comme une infraction à la fin de l’année 2020. Toutefois, la réglementation devant permettre un accès à des services d’avortement médicalisé n’avait pas encore été élaborée.

Personnes réfugiées, demandeuses d’asile ou migrantes

L’arrivée de près de 500 personnes demandeuses d’asile sur l’île de Jeju en 2018 avait été à l’origine d’un durcissement de plus en plus marqué de la politique du pays relative à l’immigration et aux personnes réfugiées. Le ministère de la Justice avait alors modifié l’interprétation de la procédure prévue par la Loi relative aux réfugié·e·s, empêchant ainsi les passagères et passagers en transit de solliciter l’asile à l’aéroport international d’Incheon. Le tribunal de district d’Incheon a jugé en juin que cette clause d’exclusion était illégale, mais le ministère a fait appel, et les personnes demandeuses d’asile ont alors été susceptibles d’être détenues à l’aéroport jusqu’à ce qu’une décision finale soit rendue par la justice.

Les informations selon lesquelles des personnes ont été détenues dans la zone de transit de l’aéroport pendant plusieurs mois lors de la pandémie de COVID-19 ont suscité l’inquiétude de juristes dans le pays. Ils ont souligné qu’un placement en rétention à ce point prolongé n’était souvent fondé sur aucun motif valable et qu’il pouvait constituer une détention arbitraire, car sa durée dépassait de façon flagrante celle qui était considérée comme nécessaire pour l’examen de l’admissibilité d’une demande d’asile (jusqu’à sept jours aux termes de la Loi relative aux réfugié·e·s).

Liberté de réunion

L’Assemblée nationale a adopté en mai une modification de la loi sur les rassemblements et les manifestations. Celle-ci n’a pas totalement supprimé les interdictions automatiques prévues à l’article 11, qui avaient été déclarées contraires à la Constitution par la Cour constitutionnelle, et la loi continuait de fournir un cadre propice à des décisions arbitraires de la police. Dans de nombreuses circonstances, les rassemblements en plein air ayant lieu à portée de vue ou de voix de lieux stratégiques, comme le bâtiment de l’Assemblée nationale, la résidence officielle du Premier ministre et tous les tribunaux indépendamment de leur degré de juridiction, restaient illégaux.

Objecteurs et objectrices de conscience

À compter du 30 juin, les personnes s’opposant au service militaire obligatoire ont pu pour la première fois faire une demande de service de remplacement. La Commission d’examen du service de remplacement, nouvellement créée et placée sous l’autorité du ministère de la Défense nationale, a reçu 1 959 demandes. À la fin de l’année, elle n’avait examiné que les demandes fondées sur des motifs religieux et en avait accepté 730. En octobre, un premier groupe d’appelé·e·s a entamé un service de remplacement obligatoire de 36 mois, soit beaucoup plus que la durée moyenne du service militaire. Ce service consistait uniquement à travailler dans des prisons ou d’autres lieux de détention.

Peine de mort

Le 16 décembre, la Corée du Sud a voté en faveur de la résolution relative à l’établissement d’un moratoire sur l’application de la peine de mort adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU. Le pays s’était abstenu lors des sept votes précédents sur des résolutions de ce type.

1« Corée du Sud. Le nouveau projet de loi antidiscrimination est source d’espoir et de sécurité pour beaucoup » (nouvelle, 16 juillet)

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