Géorgie - Rapport annuel 2020

carte Géorgie rapport annuel amnesty

Géorgie
Cheffe de l’État : Salomé Zourabichvili
Chef du gouvernement : Giorgi Gakharia

Les normes de sécurité au travail n’étaient pas sérieusement appliquées, d’où de nombreux accidents, parfois mortels, dans le cadre des activités professionnelles, qui ont motivé un renforcement de la législation relative aux droits des travailleuses et travailleurs. La réglementation électorale a changé, afin que les femmes soient davantage représentées au sein du Parlement. Les autorités ont continué de faire usage d’une force disproportionnée et aveugle contre des manifestant·e·s généralement pacifiques. Le recours aux poursuites judiciaires pour des raisons politiques restait préoccupant. La liberté de circulation entre les territoires séparatistes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud (région de Tskhinvali) et le reste de la Géorgie était toujours limitée par la Russie et les autorités de facto de ces deux territoires. De nouvelles allégations de torture et un décès apparemment dû à de mauvais traitements ont suscité un vaste mouvement de protestation en Ossétie du Sud (région de Tskhinvali).

Contexte de la situation des droits humains en Géorgie

L’état d’urgence a été décrété en mars pour faire face à la pandémie de COVID-19. Un confinement partiel a été imposé, ainsi que diverses restrictions, touchant entre autres les déplacements à travers le pays et à l’étranger. Les rassemblements publics ont été interdits dans tout le pays jusqu’à la fin du mois d’avril. Ces mesures restrictives ont été levées en juin, mais les règles de distanciation physique ont continué de s’appliquer.

Des milliers de personnes ont été touchées par les mesures restrictives liées au COVID-19, qui ont eu des conséquences néfastes pour l’économie, entraînant une hausse du chômage et la fermeture de nombreuses entreprises. Annoncé en avril, le plan gouvernemental de lutte contre la crise provoquée par la pandémie prévoyait un accompagnement des groupes économiquement les plus vulnérables (les personnes sans emploi, les familles modestes, les personnes en situation de handicap, les retraité·e·s, etc.). Il proposait également la prise en charge des factures d’eau, de gaz et d’électricité de certains foyers. La pandémie a malgré tout eu des effets dévastateurs, et un nombre croissant de Géorgien·ne·s risquaient de basculer dans la pauvreté.

Après l’agitation politique et le mouvement de contestation de 2019, un compromis portant sur la réforme du système électoral a été trouvé en mars. Celui-ci prévoyait une modification de la part de représentation proportionnelle dans le mode de scrutin mixte, ainsi qu’un abaissement du seuil d’éligibilité des partis politiques. Les élections législatives du mois d’octobre ont redonné au Rêve géorgien, le parti au pouvoir, la majorité nécessaire pour former un nouveau gouvernement. L’opposition a refusé de reconnaître les résultats de ces élections, criant à la fraude et refusant, pour la plupart de ses membres élus, de siéger au Parlement.

Les territoires séparatistes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud (région de Tskhinvali) demeuraient sous occupation et administration russes, pour l’essentiel. Les autorités de facto de ces deux régions refusaient toujours d’autoriser la venue d’observateurs et observatrices internationaux.

Responsabilité des entreprises

La surveillance et l’application des normes relatives à la santé et la sécurité au travail laissaient fortement à désirer. Dans ce contexte, des dizaines d’accidents mortels ont été déplorés cette année, touchant en particulier les secteurs de l’extraction minière et du bâtiment.

Malgré la ferme opposition d’un certain nombre d’acteurs économiques, le Parlement a adopté en octobre plusieurs modifications du Code du travail, qui renforçaient les droits des travailleuses et travailleurs et rendaient la législation nationale davantage conforme au droit international relatif aux droits humains et aux normes associées. Ces modifications allaient dans le sens d’une plus grande indépendance institutionnelle du ministère du Travail et élargissaient ses compétences, en lui permettant de procéder à des vérifications du respect des normes du travail ne se limitant pas à la sécurité dans le cadre de l’activité professionnelle. Les nouvelles dispositions réglementaient en outre les horaires de travail, les heures supplémentaires, le travail de nuit, le repos hebdomadaire obligatoire, les stages et les pauses pendant les services.

Discrimination

La discrimination fondée sur le genre persistait. L’indice mondial de l’écart entre les genres 2020 du Forum économique mondial classait la Géorgie à la 74e place (sur 153 pays). Il était précisé que, si la parité était presque atteinte s’agissant du niveau d’instruction, de la santé et de l’espérance de vie, l’écart entre les femmes et les hommes restait important en termes de participation à la vie économique et de perspectives dans ce domaine, et très important dans la sphère politique.
En juillet, après des années de mobilisation des groupes de défense des droits des femmes, le Parlement a établi des quotas de genre destinés à accroître la représentation des femmes au sein du corps législatif. Les partis politiques étaient désormais tenus de veiller à ce qu’au moins un quart des député·e·s issus de leurs rangs et élus au scrutin proportionnel soient des femmes. De fait, lors des élections législatives d’octobre, au moins 30 sièges ont été obtenus par des femmes sur un total de 150.

Liberté de réunion

Le 8 novembre, la police a fait un usage disproportionné et aveugle de canons à eau à l’encontre de manifestant·e·s favorables à l’opposition, en grande partie pacifiques, après que plusieurs personnes eurent tenté de pénétrer dans le bâtiment abritant la Commission électorale centrale. Les protestataires entendaient dénoncer les fraudes qui, selon eux, avaient entaché les élections législatives.

Procès inéquitables

Cette année encore, des organisations de la société civile se sont inquiétées de l’engagement de poursuites judiciaires pour des motifs politiques.

En octobre, deux cartographes qui avaient travaillé sur le tracé de la frontière entre la Géorgie et l’Azerbaïdjan ont été arrêtés et inculpés d’atteinte à l’intégrité du territoire national. Selon le ministère public, ils n’auraient pas utilisé la bonne carte, exposant ainsi la Géorgie à la perte éventuelle de portions de son territoire au profit de l’Azerbaïdjan. Des groupes locaux de la société civile ont déclaré que cette affaire avait été montée de toutes pièces et avait pour objectif de porter préjudice à l’opposition, qui était au pouvoir au moment des négociations sur le tracé de la frontière.

Droit de circuler librement

En novembre, les autorités de facto d’Abkhazie ont ouvert un point de passage permettant aux retraité·e·s détenant la nationalité géorgienne d’aller percevoir leur pension en territoire contrôlé par Tbilissi. Les forces russes et les autorités de facto en Abkhazie et en Ossétie du Sud (région de Tskhinvali) ont cependant continué de mettre en place des barrières matérielles et d’empêcher le passage des lignes de démarcation séparant ces territoires du reste de la Géorgie, procédant à des arrestations et imposant des amendes en cas de « franchissement illégal de la frontière ».

Zaza Gakheldze, un habitant du secteur, a ainsi été arrêté en juillet près d’une portion non balisée de la ligne de démarcation qui sépare l’Ossétie du Sud (région de Tskhinvali) du reste de la Géorgie. Il a été accusé d’avoir « franchi illégalement la frontière » et ouvert le feu sur des « gardes-frontières », infractions pour lesquelles il risquait jusqu’à 20 ans d’emprisonnement. Il était toujours incarcéré au centre de détention de Tskhinvali à la fin de l’année, dans l’attente de son procès.

Droit à la santé

Les points de passage de la ligne de démarcation avec l’Ossétie du Sud (région de Tskhinvali) qui avaient été fermés en 2019 n’ont pas été rouverts. Selon les autorités géorgiennes et des sources indépendantes de la région, au moins 10 habitant·e·s d’Akhalgori seraient décédés après s’être vu refuser le droit d’aller se faire soigner ailleurs en Géorgie.

Torture et autres mauvais traitements

La torture et les autres mauvais traitements demeuraient monnaie courante dans le territoire séparatiste d’Ossétie du Sud (région de Tskhinvali). Trois cas, dont un dans lequel les sévices ont entraîné la mort de la victime, ont été recensés en août. Inal Dzhabiev et Nikolai Tskhovrebov auraient été roués de coups après leur arrestation le 23 août. Inal Dzhabiev a succombé à ses blessures, tandis que Nikolai Tskhovrebov, touché à la colonne vertébrale, est resté paralysé. Des photos des blessures infligées aux deux hommes, ainsi que d’autres, concernant un troisième homme, Gennady Kulaev, arrêté le 24 août, ont circulé sur les réseaux sociaux. Ces violences ont suscité un véritable tollé dans l’opinion publique, qui a entraîné le départ de l’ensemble du gouvernement de facto et l’arrestation de huit policiers. Ces derniers attendaient d’être jugés à la fin de l’année.

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