Moldavie - Rapport annuel 2020

carte Moldavie rapport annuel amnesty

République de Moldova
Cheffe de l’État : Maia Sandu (a remplacé Igor Dodon en décembre)
Chef du gouvernement : Aureliu Ciocoi (a remplacé Ion Chicu en décembre)

L’action engagée par le gouvernement face à la pandémie de COVID-19 a suscité des inquiétudes en matière de respect des droits humains, et notamment du droit à la santé, du droit de circuler librement et des libertés d’expression et de réunion pacifique. Rien n’a été fait pour lutter contre la pratique endémique de la torture et d’autres mauvais traitements. Une nouvelle loi relative aux ONG a été adoptée après consultation de la société civile. Des préoccupations subsistaient en matière d’équité des procès.

Contexte de la situation des droits humains en Moldavie

À la différence des années précédentes, la Moldavie n’a pas été le théâtre de troubles politiques, même si le mécontentement populaire a lentement progressé et si des manifestations pacifiques ont été régulièrement organisées tout au long de l’année.

Au titre d’un état d’urgence de trois mois, décrété à partir de mars pour lutter contre la pandémie de COVID-19, certains droits ont été restreints. Il s’agissait notamment des droits de circuler librement et de se réunir pacifiquement, ainsi que du droit à l’éducation (toutes les familles, par exemple, ne disposaient pas des moyens financiers nécessaires pour que les enfants puissent suivre un enseignement à distance). Pendant cette période, la Moldavie a enfreint ses obligations au regard de la Convention européenne des droits de l’homme. Les mesures qui ont été adoptées ont également eu une incidence négative sur l’économie et sur le niveau de vie.

En juillet, le président Igor Dodon a rencontré Vadim Krasnoselski, dirigeant de facto de la région séparatiste de la Transnistrie, mais aucune avancée vers la résolution de ce conflit gelé depuis 30 ans n’en est semble-t-il ressortie.

Droit à la santé

Les mesures prises pour lutter contre la pandémie de COVID-19 se sont traduites par une offre réduite de certains autres soins médicaux et par la suspension temporaire de services non urgents. En dépit de l’action engagée, le système de santé s’est retrouvé sous pression, provoquant une situation de vulnérabilité parmi les professionnel·le·s de la santé. D’après les informations recueillies, ceux-ci manquaient d’équipements de protection individuelle efficaces et affichaient un taux d’infection élevé. Cependant, aucun d’entre eux, à de rares exceptions près, n’acceptait d’évoquer ces problèmes, de façon officielle ou non, par crainte de représailles.

Transnistrie

Du fait de la pandémie de COVID-19, les autorités de facto de la Transnistrie ont imposé des restrictions de déplacement depuis le territoire contrôlé par le gouvernement moldave pour les personnes ne disposant pas de « passeport » transnistrien. Même si de très nombreuses exceptions ont été mises en place, ces restrictions visaient expressément les professionnel·le·s de la santé habitant en Transnistrie et travaillant sur l’autre rive du fleuve Dniestr, qui ont, de fait, été contraints de choisir de quel côté de la ligne de conflit vivre et travailler. Ces restrictions, conjuguées à la pénurie générale de personnel soignant, ont réduit l’offre de soins médicaux proposée à la population locale.

Torture et autres mauvais traitements

Rien n’a été fait par rapport aux années précédentes pour remédier aux problèmes structurels sous-tendant le recours à la torture et aux autres mauvais traitements, et l’impunité restait la norme pour les auteurs de tels actes. Les victimes de la torture et leurs familles ne pouvaient toujours pas bénéficier de réparations pleines et effectives. Le nombre de signalements, recensés de façon indépendante et enregistrés officiellement, demeurait globalement stable d’une année sur l’autre.

Les conditions carcérales, notamment la surpopulation et le manque d’accès aux soins de santé, ont fait l’objet de critiques constantes. Le manque de services et d’équipements efficaces nécessaires pour établir des diagnostics lorsque des détenu·e·s étaient malades, et le refus de transférer ces personnes dans des établissements de santé civils pour qu’elles y soient soignées, constituaient toujours un problème chronique qui est devenu particulièrement visible dans le contexte de la pandémie de COVID-19, avec plusieurs centaines de cas confirmés parmi les détenu·e·s et le personnel pénitentiaire.

Liberté d’expression

L’environnement médiatique demeurait globalement pluraliste mais était lourdement tributaire du parrainage privé, généralement associé à des tendances politiques marquées. Les actions en diffamation intentées devant des juridictions civiles étaient toujours un instrument de pression sur les médias indépendants en raison des frais élevés de justice.

En mars, l’autorité de régulation des médias a enjoint aux présentateurs·trices et commentateurs·trices de ne pas exprimer leur avis personnel au sujet du COVID-19 et de s’appuyer exclusivement sur les données officielles et celles de l’OMS. Cette décision, avec effet immédiat et valable pendant toute la durée de l’état d’urgence, a été très mal accueillie par l’opinion publique, ce qui a contraint l’autorité de régulation à très vite l’annuler.

Liberté de réunion

Des manifestations ont régulièrement été organisées tout au long de l’année, et le droit à la liberté de réunion pacifique a globalement été respecté. Cependant, le 16 juillet, la police a utilisé du gaz lacrymogène pour disperser plusieurs dizaines de personnes qui s’étaient rassemblées pacifiquement à Chișinău, la capitale moldave. Neuf d’entre elles ont été arrêtées, puis libérées sans inculpation.

En août, le maire de Chișinău a interdit l’utilisation de véhicules agricoles dans les mouvements de contestation après que des participants ont rejoint une manifestation à bord de ces véhicules. Les organisateurs de la manifestation ont formé un recours en justice contre cet arrêté ; aucune décision n’avait été rendue à la fin de l’année.

Liberté d’association

Une loi relative aux ONG a été adoptée en juin par le Parlement. Ce texte, attendu de longue date, était conforme à la proposition de loi qui, ces dernières années, avait été largement débattue et approuvée en concertation avec des représentant·e·s de la société civile. Il clarifiait et simplifiait les règles encadrant le financement des ONG et leur reddition de comptes. Une proposition visant à interdire la surveillance des élections par des ONG financées par des fonds étrangers, et une autre visant à obliger les membres de la direction et du personnel des ONG à remplir une déclaration annuelle de revenus, n’ont pas été incluses dans le texte adopté.

Procès inéquitables

Des questions perduraient en matière d’équité des procès. En février, le procureur général a admis que des considérations politiques avaient motivé une procédure engagée par son prédécesseur, et a annoncé le réexamen de 38 affaires pénales. En décembre, aucune des condamnations prononcées dans ces affaires n’avait été annulée et les poursuites engagées n’avaient pas été abandonnées. L’affaire la plus médiatisée a été celle de Veaceslav Platon, condamné en 2017 à 18 années de réclusion pour fraude. Le procureur général a annoncé en mai que les éléments à charge contre cet homme avaient été fabriqués de toutes pièces, et Veaceslav Platon a été remis en liberté le mois suivant, dans l’attente d’un complément d’enquête et d’un nouveau procès. On craignait toutefois que le réexamen de ces 38 affaires ne s’apparente à une justice sélective, du fait notamment de l’absence de critères clairement définis pour justifier le choix des affaires retenues.

L’information ouverte contre des représentant·e·s de l’État accusés d’avoir détenu illégalement sept personnes originaires de Turquie et de les avoir renvoyées contre leur gré dans leur pays en 2018 était classée secrète. Cependant, sous la pression de l’opinion publique, le procureur général a révélé en septembre que l’un des accusé·e·s avait été déclaré coupable et condamné à une amende au mois de juillet. La décision de justice n’a pas été rendue publique officiellement mais a été divulguée à la presse.

Droit de circuler librement

En mars, les citoyen·ne·s moldaves ayant voyagé à l’étranger ont dû souscrire, dans les 72 heures suivant leur retour, une police d’assurance santé obligatoire. Cette mesure est restée en vigueur jusqu’à la levée de l’état d’urgence, alors que le Conseil pour l’égalité avait estimé en avril qu’elle était discriminatoire, car elle conditionnait le retour sur le sol moldave à la capacité de payer et que, dans la pratique, elle était appliquée différemment selon que les personnes rentraient par voie terrestre ou aérienne. Aucune information sur la mise en œuvre de cette mesure n’a été rendue publique.

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