Serbie - Rapport annuel 2020

carte Serbie rapport annuel amnesty

République de Serbie
Chef de l’État : Aleksandar Vučić
Cheffe du gouvernement : Ana Brnabić

La Serbie n’a mis en examen pour crimes de guerre aucun des anciens hauts responsables de la police et de l’armée, et les mesures visant à élucider le sort des personnes disparues étaient au point mort. Des manifestant·e·s et des journalistes ont été grièvement blessés à Belgrade, la capitale du pays, en raison de l’utilisation par la police d’une force excessive. Un faible nombre de personnes réfugiées ont pu obtenir l’asile. La protection contre la violence domestique demeurait insuffisante.

Contexte de la situation des droits humains en Serbie

La politique du chef de l’État étant de plus en plus répressive, et faute d’opposition solide, le gouvernement serbe contrôlait la police et le pouvoir judiciaire, ce qui a généré un affaiblissement de l’état de droit et une érosion des droits politiques et civils, en plus de favoriser une corruption généralisée.

En mars, l’état d’urgence a été proclamé en raison de la pandémie de COVID-19 et les autorités ont instauré un couvre-feu entre 17 heures et cinq heures du matin, ainsi que d’autres mesures restrictives ; les forces armées ont patrouillé dans Belgrade et dans d’autres villes pour faire respecter les mesures sanitaires1. Des personnes ayant violé la réglementation peu claire sur l’auto-isolement ont été condamnées à des peines allant jusqu’à trois ans d’emprisonnement. Ces mesures ont été levées en mai pour la campagne électorale, et rétablies en juin, ce qui a déclenché des manifestations de grande ampleur.

Les pourparlers pour une normalisation des relations entre la Serbie et le Kosovo, engagés sous l’égide de l’UE, n’ont que peu progressé.

Droit à la vérité, à la justice et à des réparations

Aucune mesure n’a été prise en vue d’appliquer la stratégie nationale relative aux crimes de guerre, d’ouvrir des enquêtes sur les plus de 2 500 affaires de crimes de guerre en souffrance, ou encore afin d’engager des poursuites contre de hauts responsables de la police ou de l’armée en raison de leur responsabilité en tant que supérieurs hiérarchiques. Sept actes d’inculpation ont été émis, et cinq jugements ont été prononcés en première instance. Les poursuites visant des responsables de second plan dans les affaires transmises par la Bosnie-Herzégovine ont avancé à un rythme extrêmement lent. La procédure engagée contre 10 hommes impliqués dans le génocide de Srebrenica a continué d’être retardée en raison de l’absence des accusés. En janvier, une action en justice a été ouverte contre un policier bosno-serbe accusé d’avoir violé une femme bosniaque en août 1992.

Le nouveau procès de Jovica Stanišić et de Franko Simatović, anciens membres des services de sûreté de l’État de Serbie accusés de s’être livrés à un « nettoyage ethnique » en Croatie et en Bosnie-Herzégovine, s’est poursuivi devant le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux.

Une nouvelle loi accordant des réparations aux victimes de la guerre était discriminatoire à l’égard des victimes civiles. Elle prévoyait une série de conditions cumulatives et exigeait un degré élevé de lésions corporelles, ne s’appliquait qu’aux personnes ayant été blessées en Serbie, et établissait une distinction entre les préjudices physiques et psychologiques. Quelque 15 000 personnes, d’après les estimations, parmi lesquelles se trouvaient des proches de personnes disparues et des victimes de violences sexuelles, n’avaient toujours pas droit à réparation.

Disparitions forcées

Les responsables présumés du transfert en Serbie, depuis le Kosovo, des corps de plus de 900 Albanais·e·s du Kosovo en 1999 sont restés impunis. La rapporteuse spéciale des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires a demandé à la Serbie d’engager des poursuites contre d’anciens cadres de la police soupçonnés d’avoir tué les trois frères Bytici, des Américains d’origine albanaise dont les corps ont été retrouvés sur un terrain d’entraînement de la police en 2001. Des restes humains qui pourraient être ceux de personnes albanaises du Kosovo ont été découverts dans une carrière à Kizevak.

Recours excessif à la force

Plus de 70 personnes ont été grièvement blessées et 223 ont été arrêtées au cours des manifestations qui ont eu lieu pendant plusieurs jours, en juillet, à la suite de l’instauration par le président d’une interdiction des rassemblements publics et d’un projet de couvre-feu le week-end. Bien que des militants d’extrême droite aient envahi le Parlement, la plupart des manifestant·e·s étaient pacifiques. La police a pourtant utilisé sans discernement des gaz lacrymogènes et des grenades incapacitantes, et des manifestant·e·s et des passant·e·s ont été chargés par la police montée ou frappés. Quatre journalistes ont été grièvement blessés par la police lors de faits distincts qui se sont produits en divers endroits du pays. Le journaliste Žikica Stevanović, qui a été attaqué alors qu’il avait montré sa carte de presse, a ainsi dû être hospitalisé pour des blessures à la tête. Un rapport établi conjointement par des ONG exposant 13 cas présumés de mauvais traitements a été adressé en juillet au rapporteur spécial des Nations unies sur la torture. Aucun policier n’avait été poursuivi en justice à la fin de l’année.

Discrimination

Les minorités ethniques faisaient toujours l’objet de discriminations, et les manifestations ainsi que les agressions contre les personnes migrantes se sont multipliées. La commissaire chargée de l’Égalité a fait état d’une augmentation des discours de haine pendant la période d’état d’urgence ; son mandat a expiré en mai, et cette institution n’a donc plus été en mesure de fonctionner de façon effective jusqu’à la réélection de la commissaire en novembre.

Liberté d’expression

Des professionnel·le·s des médias continuaient d’être la cible d’attaques, de manœuvres d’intimidation et d’insultes à caractère politique sur les réseaux sociaux. En avril, la journaliste Ana Lalić a été arrêtée pour avoir « semé la panique » en raison de son enquête sur les conditions de travail dans les hôpitaux ; le personnel s’est vu interdire de fournir des informations « non autorisées ». Les journalistes ont été brièvement exclus des conférences de presse du gouvernement, officiellement pour des raisons de santé.

En juillet, le ministère des Finances a demandé à des particuliers, des journalistes d’investigation et 37 ONG de défense des droits humains des informations détaillées sur leurs comptes bancaires au titre d’une loi utilisée pour enquêter sur le financement du terrorisme et le blanchiment d’argent.

Droits en matière de logement et expulsions forcées

En juin, la cour d’appel de Belgrade a accordé 2 600 euros de dédommagement à chacune des deux familles roms qui avaient été illégalement expulsées de leur logement dans le quartier de Belvil, à Belgrade, en 2012, et conduites en bus dans un entrepôt désaffecté à Niš. Au mépris des dispositions légales de protection contre les expulsions, les autorités de Belgrade ont versé à des habitant·e·s roms de Resnik une « indemnisation » de 19 000 € pour qu’ils quittent leur quartier en décembre.

Personnes réfugiées, demandeuses d’asile ou migrantes

Entre les mois de janvier et de novembre, 24 180 réfugié·e·s et migrant·e·s sont arrivés en Serbie. Les demandes d’asile ont été suspendues jusqu’en mai, les personnes réfugiées ou migrantes se trouvant dans des centres d’accueil surpeuplés ayant été placées en quarantaine obligatoire sous le contrôle de l’armée. Les autorités ont interdit au personnel d’assistance et aux ONG d’entrer dans ces centres, où des mesures de prévention sanitaire n’ont toutefois pas été appliquées. En mai, la décision du gouvernement limitant les possibilités de sortir de ces centres a été contestée avec succès par des ONG, mais en octobre, le droit de circuler librement des personnes réfugiées a de nouveau été restreint.

La procédure d’asile est demeurée insatisfaisante : sur les 2 639 personnes ayant fait enregistrer leur intention de solliciter l’asile, seules 118 ont effectivement déposé une demande. Le 30 novembre, 16 d’entre elles avaient obtenu l’asile et 18 s’étaient vu accorder le bénéfice de la protection temporaire.

Les renvois forcés illégaux (push-backs) depuis des États membres de l’UE vers la Serbie et depuis la Serbie vers des pays voisins se sont poursuivis. En avril, 16 hommes, qui pensaient être emmenés dans un autre centre d’accueil temporaire en raison de la pandémie de COVID-19, ont été conduits à la frontière sud du pays par des policiers qui les ont contraints, en pointant leur arme sur eux, à marcher jusqu’en Macédoine du Nord.

Violences faites aux femmes et aux filles

En avril, l’ONG Autonomous Women’s Center a fait état d’une multiplication par trois du nombre de femmes l’ayant contactée pendant la période de confinement. De nombreuses femmes ont expliqué être confrontées à une intensification des violences psychologiques, économiques et physiques, et craindre d’aller dénoncer ces violences aux autorités faute d’accès à une protection. Le 25 novembre, au moins 22 femmes avaient été tuées par leur partenaire ou par un membre de leur famille.

1Police et pandémie : les mesures prises en Europe pour faire face à la pandémie de COVID-19 ont donné lieu à des violations des droits humains (EUR 01/2511/2020)

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