Serbie - rapport annuel 2021

carte serbie rapport annuel amnesty 2021

République de Serbie
Chef de l’État : Aleksandar Vučić
Cheffe du gouvernement : Ana Brnabić

Rien ou presque n’a été fait pour traduire en justice les personnes soupçonnées d’être pénalement responsables de crimes de droit international commis par le passé. La police se livrait toujours à des mauvais traitements en toute impunité. Des professionnel·le·s des médias et des membres d’ONG ont été pris pour cibles par les autorités et par la presse progouvernementale. La discrimination à l’égard des femmes, des Roms et des autres minorités ethniques, des personnes LGBTI et des groupes en situation socialement précaire était très fréquente.

Contexte

Le Parti progressiste serbe (SNS) a renforcé sa présence au Parlement, où sa domination ne se heurtait à aucune opposition réelle. Parrainé par l’Union européenne et les États-Unis, le dialogue sur la normalisation des relations entre la Serbie et le Kosovo, qui avait repris en juin, était au point mort à la fin de l’année. Les tensions se sont intensifiées en septembre, lorsque le Kosovo a appliqué sa décision d’interdire les plaques d’immatriculation serbes.

Droit à la vérité, à la justice et à des réparations

En octobre, la Commission européenne a dénoncé le contraste entre le maigre bilan de la Serbie en matière de lutte contre l’impunité et le soutien et les privilèges que l’État accordait aux criminels de guerre condamnés. Plusieurs Bosno-Serbes jugés par la haute cour de Belgrade pour des crimes de guerre, notamment des actes de torture, des meurtres, des viols et des faits d’exploitation sexuelle, ont été amenés à rendre des comptes. La plupart avaient été inculpés par le parquet général de Bosnie-Herzégovine, qui avait transféré les dossiers à la justice serbe. Les procès relatifs à Srebrenica et à Štrpci ont pris plus d’un an de retard.

La cour d’appel de Belgrade a acquitté en janvier deux personnes accusées d’avoir traité de façon inhumaine, torturé et tué 69 civil·e·s et d’en avoir blessé 12 autres à Lovas, en Croatie. Elle a par ailleurs réduit les peines prononcées contre six autres accusés, les ramenant à un niveau inférieur à celui requis par la loi.

La même cour a confirmé en septembre les jugements prononcés en première instance accordant une indemnisation aux familles des 193 prisonniers de guerre et civil·e·s assassinés en 1991 par l’Armée yougoslave à Ovčara, en Croatie. Le montant de cette indemnisation était cependant inférieur à celui fixé par la Cour européenne des droits de l’homme.

Au mois d’août, le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux a condamné deux responsables de la sûreté de l’État, Jovica Stanišić et Franko Simatović, à 12 années d’emprisonnement après les avoir rejugés pour complicité de meurtre constituant un crime de guerre, ainsi que pour des meurtres, des expulsions, des transferts forcés et des persécutions constituant des crimes contre l’humanité, pour des faits commis en Bosnie-Herzégovine en avril 1992.

Disparitions forcées

En avril, le président croate a mis en garde la Serbie, insistant sur le fait qu’avant toute adhésion à l’UE, elle devait apporter des explications quant au sort des Croates portés disparus. Seules sept dépouilles de personnes disparues au Kosovo ont été restituées, et aucune des deux parties n’a ouvert ses archives militaires, comme l’avaient demandé les familles en 2020.

Torture et autres mauvais traitements

Le Centre pour les droits humains de Belgrade a indiqué en juillet qu’aucune suite n’avait encore été donnée aux plaintes déposées par 40 personnes blessées par la police lors des manifestations de juillet 2020, les autorités policières n’ayant pas identifié les agents responsables.

En décembre, le Comité contre la torture [ONU] a appelé les autorités à appliquer les garanties juridiques protégeant les droits des personnes détenues et à mettre un terme à l’impunité pour les actes de torture et les autres mauvais traitements en veillant à ce que toutes les plaintes donnent lieu à une enquête indépendante.

Liberté de réunion

Un projet de loi sur les affaires intérieures a été retiré en septembre, en raison des inquiétudes qu’il suscitait quant à ses éventuelles conséquences pour le droit de manifester et le droit au respect de la vie privée. Le délai pour déposer une déclaration avant tout rassemblement a été porté à 20 jours en octobre, aux termes d’une nouvelle loi environnementale réglementant le niveau sonore. En novembre, la police a fait usage d’une force excessive contre des manifestant·e·s écologistes.

Liberté d’expression

Des ONG et des médias indépendants ont été dénigrés par des personnalités politiques et des médias proches du pouvoir. En mars, Aleksandar Martinović, parlementaire de premier plan du SNS, a accusé le Centre pour la recherche, la transparence et l’obligation de rendre des comptes, une ONG qui se consacrait à la surveillance des activités du Parlement, d’avoir été impliqué dans une tentative de coup d’État et d’assassinat visant le président de la République, Aleksandar Vučić. En août, alors que le gouvernement intensifiait sa campagne contre les ONG et les médias indépendants, plus de 70 organisations ont sollicité la protection du ministère des Droits humains. Les locaux de l’ONG Women in Black ont été couverts de graffitis misogynes et nationalistes à deux reprises, en octobre et en novembre.

Journalistes et professionnel·le·s des médias

En mars, cinq organisations du secteur des médias ont quitté le Groupe de travail sur la sécurité et la protection des journalistes à la suite de campagnes orchestrées par le gouvernement contre la presse indépendante, qui accusaient notamment le Réseau de reportage sur la criminalité et la corruption (KRIK) de complicité avec le crime organisé. Quatre anciens responsables de la sûreté de l’État ont été condamnés en décembre pour leur implication dans le meurtre du journaliste Slavko Čuruvija en 1999.

Violences faites aux femmes et aux filles

Trente femmes ont été tuées durant l’année ; 20 d’entre elles sont mortes à la suite de violences commises par leur partenaire ou par d’autres membres de leur famille. Cinq cas devaient encore faire l’objet d’une enquête. Des ONG se sont dites préoccupées par le fait que la nouvelle Loi relative à l’égalité entre les genres repoussait à 2024 le financement des services de soutien aux victimes de violences.
Plusieurs jeunes filles et femmes ont accusé d’atteintes ou de harcèlement sexuels des hommes occupant des postes haut placés dans la politique, l’enseignement ou le secteur professionnel. Des enquêtes pénales ont été ouvertes, mais aucune condamnation n’a été prononcée.

Droits des personnes réfugiées ou migrantes

Plus de 39 675 personnes réfugiées ou migrantes (en majorité originaires d’Afghanistan et de Syrie) sont arrivées en Serbie ; 2 306 d’entre elles ont exprimé leur intention d’y demander l’asile. Quelque 158 dossiers ont été déposés mais, sur les 65 ayant fait l’objet d’une décision sur le fond à la fin novembre, seules six personnes se sont vu accorder le statut de réfugié·e et six autres une protection subsidiaire, dont deux personnalités relativement connues.

Des journalistes d’investigation ont accusé certains fonctionnaires de complicité d’immigration clandestine.

La Cour constitutionnelle a estimé en janvier que la police avait, en 2017, traité de façon inhumaine 17 ressortissant·e·s afghans, qui avaient déjà manifesté officiellement leur intention de demander l’asile lorsqu’ils avaient été renvoyés de force en Bulgarie.

À la mi-décembre, le HCR a indiqué avoir recensé 210 renvois forcés illégaux (pushbacks) de la Serbie vers la Macédoine du Nord (un chiffre probablement en deçà de la réalité) et 27 892 expulsions collectives de pays de l’UE (Hongrie, Croatie et Roumanie) et de Bosnie-Herzégovine vers la Serbie.

Droits en matière de logement

À la suite d’une plainte déposée par l’ONG Initiative A11 et six personnes roms expulsées de force en 2019 d’un campement informel de Vinca, un quartier de Belgrade, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement a accepté de jouer un rôle de médiatrice dans des négociations avec les autorités municipales, afin que les droits de ces personnes soient respectés, et notamment leur droit d’être relogées à prix abordable.

En mars, un couple de sans-abris a contesté avec succès une amende qui lui avait été infligée pour non-respect du couvre-feu décrété dans le cadre de la lutte contre le COVID-19. Pendant la pandémie, les centres d’accueil ont été fermés et un certain nombre de personnes sans abri ont été condamnées à des peines de 50 jours d’emprisonnement.

Droit à la santé

Le nombre de cas de COVID-19 a très fortement augmenté au mois d’octobre. Des organisations de défense des droits humains ont continué d’appeler le gouvernement à agir pour la protection du droit à la santé physique et mentale. Un grand nombre de salarié·e·s non vaccinés ont été contraints de travailler sans masque dans des locaux fermés.

Des militant·e·s écologistes ont dénoncé les répercussions néfastes pour la santé des centrales électriques au charbon et d’une mine de cuivre exploitée par une entreprise chinoise. Ils ont également fait part de leur opposition à l’ouverture d’une mine de lithium par le groupe Rio Tinto.

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes

La proposition de loi sur l’union entre personnes de même sexe, à laquelle le président était opposé, n’a pas été adoptée. Ce texte prévoyait la reconnaissance officielle des couples de même sexe et leur accordait un certain nombre de droits, tout en leur en refusant d’autres, comme le droit à l’adoption. Les participant·e·s à la marche des fiertés du mois de septembre ont appelé à l’adoption de cette loi, ainsi qu’à des mesures pour lutter contre les crimes et les discours de haine et à des progrès dans la reconnaissance du genre à l’état civil. En octobre, la commissaire à la protection de l’égalité a appelé les autorités locales à appliquer la réglementation en matière de reconnaissance du genre.

Transferts d’armes irresponsables

Au mois d’août, des groupes armés opérant au Sahel ont été vus équipés d’armes légères et de petit calibre de fabrication serbe, mettant en évidence le très fort risque de détournement des armes transférées par la Serbie au Burkina Faso1.

« Sahel. Des fusils serbes identifiés parmi les armes utilisées par des groupes armés violents », 24 août

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