Environ 4,5 millions de Haïtiennes et Haïtiens n’avaient pas accès à une alimentation suffisante, sur fond de montée des prix du carburant. Les violences commises par des gangs ont entraîné le déplacement de milliers de personnes. L’impunité est restée bien ancrée pour les auteurs de massacres, d’enlèvements et de violences sexuelles. Cette année encore, des Haïtien·ne·s en quête de sécurité ont fui le pays en direction de l’Amérique latine ou des États-Unis, mais ils n’ont obtenu qu’un accès limité à une protection internationale et ont été confrontés à la discrimination envers les personnes noires, qui représentait dans certains cas une torture fondée sur l’appartenance raciale.
Contexte
Les violences commises par des gangs ont engendré une insécurité généralisée, avec une importante vague d’enlèvements, et entraîné le déplacement de milliers de personnes à l’intérieur du pays.
En septembre, les Nations unies ont ordonné l’évacuation de leur personnel non essentiel présent dans le pays.
En octobre, à la suite notamment d’informations signalant que des bandes armées bloquaient l’accès au carburant, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté des sanctions contre des chefs de gangs, notamment le gel d’avoirs, des interdictions de voyager et un embargo sur les armes visant les personnes soupçonnées de prendre part à des activités criminelles ou à la violence, ou de les soutenir.
Droits économiques, sociaux et culturels
Tout au long de l’année, des milliers de personnes ont manifesté contre le manque de denrées alimentaires et les pénuries de carburant ; ces manifestations se sont intensifiées en septembre, après l’annonce par le Premier ministre d’une hausse des prix des produits pétroliers.
Selon le Programme alimentaire mondial, en septembre, 4,5 millions de personnes, soit plus de 40 % de la population, étaient en situation de crise ou d’urgence alimentaires.
Fin octobre, 1 700 cas suspects de choléra avaient été enregistrés dans le pays, dont la moitié chez des enfants, d’après l’UNICEF. Cette maladie avait fait des milliers de morts après le séisme de 2010, mais plus aucun cas n’avait été signalé depuis plusieurs années.
Impunité et violence
L’impunité pour les massacres, les enlèvements et les violences sexuelles restait chronique.
Entre début janvier et fin juin, le HCDH a recensé 934 meurtres, 684 cas de personnes blessées et 680 enlèvements dans la capitale, Port-au-Prince. En juillet, au moins 234 personnes ont été blessées ou tuées en l’espace de cinq jours, lors d’un épisode de violence liée aux gangs à Cité Soleil, un quartier de la capitale, toujours selon le HCDH.
Fin avril, un conflit territorial entre bandes armées a coûté la vie à 188 personnes à Port-au-Prince. Selon le HCDH, les affrontements ont donné lieu à des formes extrêmes de violence, notamment « des décapitations, des mutilations et des corps incendiés, ainsi que l’assassinat de mineurs accusés d’être informateurs d’un gang rival ». La violence sexuelle a également été utilisée pour « terroriser et punir les personnes vivant dans des zones contrôlées par des gangs rivaux », y compris avec le viol collectif d’enfants parfois âgés d’à peine 10 ans.
La situation restait dangereuse pour les défenseur·e·s des droits humains et les journalistes. En septembre, deux journalistes qui effectuaient un reportage à Cité Soleil ont été tués et leurs corps brûlés, selon le Comité pour la protection des journalistes.
Le HCDH a publié en octobre un rapport faisant état de l’utilisation par les gangs du viol et d’autres formes de violence sexuelle comme arme pour instaurer la peur et étendre leur zone d’influence. Il a souligné que « des femmes, des filles et des garçons [...] ainsi que [...] des hommes » ont subi des crimes sexuels, et que « des personnes LGBTI+, traditionnellement marginalisées et rejetées au sein de la société haïtienne, ont également été particulièrement ciblées ».
Droits des personnes réfugiées ou migrantes
Avec la dégradation rapide de la situation humanitaire et des droits humains, des demandeurs et demandeuses d’asile haïtiens en sont venus à fuir le pays par bateau, ce qui a eu pour conséquence des noyades en mer.
Entre septembre 2021 et mai 2022, les États-Unis ont expulsé plus de 25 000 Haïtien·ne·s en appliquant à de nombreuses reprises le « Titre 42 », une disposition qui permettait aux autorités de procéder à l’expulsion sommaire de personnes migrantes ou demandeuses d’asile vers leur pays d’origine ou vers le dernier pays par lequel elles étaient passées, ce qui allait à l’encontre de la législation des États-Unis et du droit international.
Aux États-Unis, les autorités ont soumis des demandeurs et demandeuses d’asile haïtiens à une détention arbitraire et à des mauvais traitements discriminatoires et humiliants représentant des actes de torture fondés sur l’appartenance raciale.
Les mauvais traitements subis par les personnes haïtiennes dans les centres de détention aux États-Unis consistaient notamment en un accès insuffisant à la nourriture, aux soins médicaux, à l’information et aux services d’interprètes et d’avocat·e·s. Des demandeurs et demandeuses d’asile haïtiens ont également indiqué avoir été renvoyés en Haïti par avion avec des menottes aux poignets et des entraves aux pieds, ce qui a provoqué chez ces personnes de graves souffrances psychologiques en raison du fait que ce type de traitement était associé à l’esclavage et à la délinquance. De tels agissements allaient à l’encontre du droit international relatif aux droits humains, qui interdisait de façon absolue la torture et les autres formes de mauvais traitements.