Résumé régional Europe et Asie centrale - Rapport annuel 2022

L’année 2022 entrera dans l’histoire de l’Europe et de l’Asie centrale comme celle où la Russie a lancé une invasion militaire à grande échelle de l’Ukraine, commettant des crimes de guerre et de possibles crimes contre l’humanité et déclenchant le plus grand exode de réfugié·e·s qu’ait connu l’Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Les tactiques illégales d’assiègement mises en œuvre par la Russie et ses attaques contre des infrastructures énergétiques et des bâtiments civils ont fait des milliers de morts et de blessé·e·s parmi la population non combattante et entraîné pour celle-ci de cruelles privations.

Près de sept millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur même de l’Ukraine, 2,8 millions sont parties pour la Russie et le Bélarus et cinq millions ont fui vers d’autres pays d’Europe. L’accueil réservé aux personnes venues se réfugier dans les pays de l’UE a été remarquable, quoique parfois discriminatoire, dans la mesure où il excluait certaines catégories d’individus fuyant l’Ukraine, comme les Noir·e·s, les non-Ukrainien·ne·s détenteurs d’un permis de séjour temporaire et certains Roms, qui ont rencontré des difficultés particulières pour obtenir une protection. La générosité avec laquelle la plupart des Ukrainien·ne·s ont été accueillis contrastait fortement avec le rejet souvent violent des autres réfugié·e·s et des migrant·e·s qui se présentaient aux frontières extérieures de l’Europe et étaient fréquemment victimes d’atteintes à leurs droits fondamentaux. Cette attitude du « deux poids, deux mesures » a mis en évidence la dimension raciste de la politique et des pratiques de l’UE à ses frontières. De nombreux pays européens ont par ailleurs imposé de strictes restrictions de déplacement aux citoyen·ne·s russes, alors que beaucoup cherchaient à échapper à la mobilisation dans leur pays.

Les conséquences socioéconomiques de la guerre se sont fait sentir dans le monde entier. De nombreux pays du sud ont été durement touchés par les perturbations des exportations de céréales et d’engrais qu’elle a engendrées. Les prix de l’énergie ont fortement augmenté dans les pays européens. Nombre de ceux-ci étaient confrontés à la fin de l’année à une nette hausse du coût de la vie et à des taux d’inflation record, dont souffraient plus particulièrement les plus vulnérables. L’inflation a dépassé 30 % en Moldavie et 64 % en Turquie. Les initiatives destinées à faire face à la crise climatique ont marqué le pas, face à la volonté des États de ne pas dépendre du pétrole et du gaz russes.

La guerre a entraîné une reconfiguration de la scène politique à l’échelle de toute la région. Le Bélarus, qui a globalement aligné sa politique étrangère et militaire sur celle de Moscou, avait également sa part de responsabilité dans l’acte d’agression perpétré par la Russie. Dans ces deux pays, la guerre a été synonyme de répression accrue, de souffrances supplémentaires et d’un isolement international croissant, dont témoignent notamment l’exclusion de la Russie du Conseil de l’Europe et sa suspension du Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Le rôle de maintien de la paix joué par la Russie dans le cadre du conflit du Haut-Karabakh n’étant plus une priorité pour Moscou, on a assisté à une recrudescence des tensions dans cette région.

La guerre et la politique de la Russie ont également déstabilisé l’ouest des Balkans, avec un risque de nouvelle escalade dans le conflit entre la Serbie et le Kosovo. Cette évolution a eu pour conséquence indirecte une modification de la politique d’élargissement de l’UE, cette dernière ayant accordé, sous conditions, le statut de candidate à la Bosnie-Herzégovine bien que celle-ci ne satisfasse pas tous les critères d’adhésion. L’UE a également donné le feu vert à l’Ukraine et à la Moldavie pour l’ouverture de négociations en vue d’une éventuelle adhésion, mais pas à la Géorgie, où les réformes étaient au point mort, voire en régression.

Concernant les mécanismes internationaux et régionaux de défense des droits humains, les pouvoirs de veto de la Russie ont souvent paralysé l’OSCE, ainsi que le Conseil de sécurité des Nations unies, reléguant ces organisations à un simple rôle d’observateurs impuissants du conflit en cours. La CPI a en revanche réagi avec une rapidité sans précédent, annonçant dès le 2 mars l’ouverture d’une enquête sur la situation en Ukraine.

Globalement, la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine a accentué les tendances délétères pour les droits humains de ces dernières années, en générant davantage d’insécurité et d’inégalités. Disposant d’un nouveau prétexte pour renforcer la répression des libertés fondamentales, les pouvoirs autoritaires en sont sortis confortés, n’hésitant pas à formuler, et souvent à mettre en œuvre, des programmes racistes, xénophobes, misogynes et homophobes. La brutalité avec laquelle a été menée la répression des manifestations qui ont éclaté au Kazakhstan et au Tadjikistan illustre bien la volonté de certains États de continuer de recourir à une force excessive.

Violations du droit international humanitaire

L’invasion de l’Ukraine a déclenché une crise majeure en matière de droits humains, de droit humanitaire et de déplacement de populations.

Les enquêtes qui ont été menées ont relevé des milliers de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité susceptibles d’avoir été perpétrés par les forces russes (exécutions extrajudiciaires et autres homicides illégaux, actes de torture et autres mauvais traitements, transferts forcés de population, utilisation d’armes interdites, violences sexuelles et attaques contre des établissements scolaires et hospitaliers). Le recours par la Russie à des tactiques d’assiègement contre des civil·e·s, à des attaques aveugles et à des frappes visant tout particulièrement les infrastructures énergétiques de l’Ukraine en plein hiver semblait destiné à faire souffrir le plus possible la population civile. Des prisonnières et prisonniers de guerre détenus par les deux camps ont été soumis à des mauvais traitements, voire auraient été exécutés de façon extrajudiciaire.

Aucun progrès n’a été réalisé en matière d’enquête sur les violations du droit international humanitaire commises pendant le conflit de 2020 entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, et les responsables présumés n’ont pas été traduits en justice. Les mines posées par les forces arméniennes dans des territoires cédés par la suite à l’Azerbaïdjan ont continué de tuer et les tensions se sont ravivées à la fin de l’année, lorsque des manifestant·e·s azerbaïdjanais ont bloqué la route reliant le Haut-Karabakh à l’Arménie, interrompant l’acheminement de produits et de services essentiels. En Abkhazie et en Ossétie du Sud/région de Tskhinvali, deux territoires sécessionnistes de Géorgie, rien n’a été fait pour mettre un terme à l’impunité dont jouissaient les auteur·e·s d’atteintes aux droits humains perpétrées dans le passé.

Toutes les allégations de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité devraient faire l’objet d’enquêtes impartiales et indépendantes, en vertu notamment du principe de la compétence universelle.

Droits des personnes réfugiées ou migrantes

La région a connu un nombre record de personnes en situation de déplacement. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a donné lieu au plus important déplacement de population qu’ait connu l’Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Les pays ayant accueilli le plus grand nombre de réfugié·e·s étaient la Pologne (1,53 million), l’Allemagne (1,02 million) et la République tchèque (468 000). L’UE a pour la première fois activé la directive relative à la protection temporaire, permettant aux personnes qui fuyaient le conflit en Ukraine d’obtenir rapidement un logement et d’accéder sans attendre au marché du travail et à l’éducation. L’accueil réservé aux personnes en quête de protection originaires d’une Ukraine en guerre a valeur d’exemple. Il a montré que les États membres de l’UE étaient capables d’accorder une protection dans la dignité à des millions de femmes, d’hommes et d’enfants, dès lors qu’ils en avaient la volonté politique. Une loi sur l’état d’urgence a ainsi été adoptée aux Pays-Bas, pour que les municipalités fassent en sorte que 60 000 Ukrainien·ne·s aient accès au logement et à un certain nombre d’autres services. En Suisse, les réfugié·e·s d’Ukraine ont rapidement bénéficié d’un soutien, alors même que les projets d’amélioration des conditions de vie dans les centres d’asile étaient différés.

Les pays de l’UE ont également reçu un nombre de demandes d’asile émanant de personnes originaires d’autres pays et en quête de sécurité qu’ils n’avaient pas connu depuis 2016. Le nombre de personnes passant par l’ouest des Balkans ou par le centre ou l’est du bassin Méditerranéen pour se rendre dans l’UE était en augmentation. Les frontières de l’Europe sont restées toute l’année des lieux d’exclusion, de danger et d’atteintes aux droits fondamentaux fondées sur l’origine pour de nombreuses personnes en quête de protection en provenance d’autres régions du monde, notamment d’Afghanistan, de Syrie et d’Afrique subsaharienne. Des États, à leurs frontières aussi bien terrestres que maritimes, ont soumis des personnes réfugiées ou migrantes à des retours forcés et sommaires, souvent violents, sans le moindre examen de la situation particulière de chacune. Bon nombre de personnes réfugiées ou migrantes ont été confrontées aux conséquences de politiques des frontières racistes lorsqu’elles étaient aux mains des fonctionnaires chargés de les appliquer. Les autorités espagnoles ont continué de nier toute responsabilité dans les graves violations des droits humains commises dans le cadre des opérations menées en 2021 à Melilla par leur police des frontières, qui se sont soldées par la mort de 37 personnes originaires d’Afrique subsaharienne, plusieurs dizaines de blessé·e·s et le renvoi sommaire d’au moins 470 personnes vers le Maroc.

Des acteurs étatiques surveillant les frontières maritimes ont empêché le débarquement de personnes réfugiées ou migrantes arrivant par bateau. Des fonctionnaires des frontières et de la police ont placé en détention de manière arbitraire, souvent pour une durée prolongée, d’autres personnes qui avaient réussi à atteindre le territoire de l’UE. Des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants ont été renvoyés, souvent violemment, depuis la Bulgarie et la Grèce vers la Turquie, depuis la Turquie vers l’Iran ou la Syrie, depuis Chypre vers le Liban, depuis l’Espagne vers le Maroc, depuis la France vers l’Italie, depuis la Croatie vers la Bosnie-Herzégovine, depuis la Hongrie vers la Serbie, et depuis la Lettonie, la Lituanie et la Pologne vers le Bélarus.

Les pays de la région ont réagi de diverses manières à l’arrivée au pouvoir des talibans en Afghanistan, en 2021. Le Danemark a entrepris de réexaminer les dossiers des demandeurs et demandeuses d’asile afghans déboutés, tandis que la Belgique continuait de refuser toute protection internationale aux ressortissant·e·s de ce pays. Si l’Allemagne a effectivement réinstallé un nombre considérable d’Afghan·e·s en danger, l’adoption d’un nouveau programme destiné à permettre l’accueil de 1 000 personnes par mois suscitait certaines inquiétudes quant à l’équité et à la transparence de la procédure.

Dans l’est de la région, le Tadjikistan a placé en détention et expulsé des réfugié·e·s afghans. La guerre menée par la Russie contre l’Ukraine a entraîné une vague d’émigration de Russes vers l’Arménie, la Géorgie, le Kirghizistan et le Kazakhstan. Dans ce dernier pays, plusieurs propositions visant à modifier la législation pourraient, si elles étaient adoptées, contraindre de nombreuses personnes à repartir en Russie. Le Bélarus a continué d’obliger par la violence des réfugié·e·s et des migrant·e·s à franchir ses frontières avec des pays membres de l’UE, en leur faisant subir des actes de torture et d’autres mauvais traitements.

Les États doivent faire en sorte que le droit de tout individu de solliciter une protection internationale soit respecté, protégé et assuré, sans discrimination et sans risque de renvoi dans un lieu où la personne risque d’être persécutée ou de subir d’autres atteintes à ses droits fondamentaux.

Droits des femmes et des filles

Les droits des femmes ont enregistré certains progrès, mais également des régressions. En Pologne, un regrettable arrêt de la Cour constitutionnelle de 2021 limitait toujours l’accès à l’interruption de grossesse. Dans ce pays où l’assistance en matière d’IVG était réprimée par la loi, plusieurs ONG ont pris des risques considérables pour aider quelque 44 000 personnes à bénéficier de services d’avortement (essentiellement à l’étranger). La Hongrie a adopté une nouvelle réglementation exigeant des personnes qui voulaient avorter de produire un certificat médical attestant qu’elles avaient écouté « les battements de cœur du fœtus ». En Slovaquie, des formations politiques ont proposé des dispositions législatives visant à limiter l’accès à l’avortement.

Plusieurs pays ont en revanche commencé à lever les restrictions qui pesaient sur l’accès à l’interruption volontaire de grossesse. Les Pays-Bas ont supprimé le délai d’attente obligatoire de cinq jours avant tout avortement, tandis que l’Allemagne abrogeait une disposition qui permettait de poursuivre en justice un médecin qui en aurait fait la « promotion ». En Espagne, le Parlement a adopté un projet de loi qui visait à supprimer l’obligation d’une autorisation parentale pour toute adolescente de 16 ou 17 ans souhaitant subir un avortement, ainsi que l’obligation d’observer une période de réflexion et de rencontrer un conseiller ou une conseillère. Malte a commencé à envisager la possibilité d’une interruption de grossesse lorsque la vie ou la santé de la personne enceinte était en danger.

Les violences faites aux femmes et les violences domestiques restaient très répandues dans toute la région. C’était notamment le cas au Kirghizistan, où les violences fondées sur le genre constituaient toujours un problème systémique et largement passé sous silence, ou encore en Géorgie, où la multiplication des féminicides était de plus en plus inquiétante. Plusieurs pays ont entrepris de modifier leur législation sur le viol, en y faisant figurer le principe du consentement. De nouvelles lois sont entrées en vigueur en Belgique, en Finlande et en Espagne, tandis que des projets de modification en ce sens étaient toujours en débat aux Pays-Bas.

L’Ukraine et le Royaume-Uni ont ratifié la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul). Si l’UE n’a pas progressé sur la voie de la ratification de cet instrument fondamental, la Commission européenne a proposé une nouvelle directive sur la lutte contre les violences faites aux femmes et la violence domestique.
Selon ONU Femmes, plus d’un tiers des foyers ayant une femme à leur tête dans les zones d’Ukraine touchées par le conflit avaient beaucoup de mal à se nourrir. Les frappes russes sur des établissements de santé contribuaient en outre à réduire considérablement l’offre de services de santé maternelle. Au Turkménistan, la police a commencé en avril à interdire aux femmes de s’asseoir sur le siège du passager avant d’une voiture, en application d’une nouvelle réglementation juridiquement peu claire, manifestement adoptée dans le cadre de la politique des autorités visant à imposer les « valeurs traditionnelles ».

Les pouvoirs publics doivent de toute urgence combattre toutes les formes de violences fondées sur le genre touchant plus particulièrement les femmes et les filles, en s’attaquant à leurs causes profondes.

Droit au respect de la vie privée

Après les révélations concernant le logiciel espion Pegasus, il est apparu en 2022 que les autorités espagnoles avaient mis sous surveillance des journalistes et des personnalités d’opposition. On a par ailleurs appris en cours d’année, selon des informations confirmées par des sources indépendantes, que des journalistes et des responsables politiques avaient été visés par des logiciels espions en Pologne et en Grèce.

Un certain nombre d’États ont poursuivi une dangereuse politique visant à élargir toujours davantage les pouvoirs des services répressifs et de ceux chargés du renseignement. En Serbie, le gouvernement a cherché à faire adopter une loi facilitant la surveillance biométrique et le traitement des données. Ailleurs, des ONG se sont inquiétées de projets de loi étendant les pouvoirs des services du renseignement (Suisse) ou introduisant la technologie de la reconnaissance faciale dans les activités de maintien de l’ordre (Irlande). En Géorgie, plusieurs modifications de la législation ont donné aux services répressifs une plus grande latitude pour mener des activités de surveillance secrète. Des militant·e·s turkmènes ont été agressés à l’étranger, comme à Istanbul, où des membres du personnel du consulat du Turkménistan s’en sont pris à des personnes pacifiques qui entendaient simplement déposer une pétition en faveur des droits humains.

Érosion de l’indépendance de la justice et droit à un procès équitable

En juin, la Commission de Venise du Conseil de l’Europe a souligné que la soudaineté et l’ampleur des modifications apportées en 2021 par la Géorgie à la Loi organique sur les tribunaux de droit commun risquait de « créer un effet paralysant sur la liberté d’expression des juges et l’indépendance judiciaire interne », avec une volonté perçue « de contrôler et de réduire au silence les juges ». Au Bélarus, le recours aux enquêtes et aux procès en l’absence des accusé·e·s a été juridiquement étendu et l’appareil judiciaire continuait de persécuter les personnes critiques à l’égard du gouvernement. Les gouvernements hongrois et polonais ont cette année encore engagé des procédures disciplinaires et de suspension abusives contre certains juges ou procureur·e·s, en choisissant d’ignorer les critiques qui leur étaient adressées à ce sujet au niveau international. En Turquie, où la mainmise du gouvernement sur le pouvoir judiciaire a, au fil des ans, vidé de toute substance le principe de l’indépendance de la justice, les défenseur·e·s des droits humains, les militant·e·s et les opposant·e·s faisaient l’objet d’investigations, de poursuites et de condamnations dénuées de tout fondement.

Les États doivent arrêter le glissement actuel vers une société de la surveillance, respecter le droit à un procès équitable et mettre un terme à l’érosion de l’indépendance de la justice.

Torture et autres mauvais traitements

La guerre menée par la Russie en Ukraine s’est accompagnée d’actes de torture et d’autres mauvais traitements systématiques. Des prisonnières et prisonniers de guerre ont été soumis à des mauvais traitements, et certain·e·s auraient même été exécutés de façon extrajudiciaire. Dans le cadre de la procédure de « filtrage » appliquée par les Russes en Ukraine, certains civil·e·s ont été torturés à l’électricité, menacés d’exécution ou privés de nourriture et d’eau. Des enfants ont également été séparés de leurs parents. Ailleurs dans l’est de la région, les mauvais traitements étaient courants dans les centres de détention. Au Kazakhstan, des cas de torture à l’électricité ou à l’aide de fers à vapeur ont été signalés. Selon les chiffres officiels, six personnes seraient mortes des suites de « méthodes d’interrogatoire non autorisées ». Le recours à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements pour faire pression sur les victimes ou leur extorquer des « aveux » était très fréquent au Tadjikistan. Au Bélarus, les personnes reconnues coupables à l’issue de procès politiques étaient détenues à l’isolement cellulaire, dans des conditions inhumaines. Le Kazakhstan a totalement aboli la peine capitale en droit. Le Bélarus a en revanche exécuté au moins une personne.

Les garde-frontières et les forces de police déployés aux frontières extérieures de l’UE ont cette année encore soumis des réfugié·e·s et des migrant·e·s à des mauvais traitements, constituant souvent, de fait, des actes de torture. Plusieurs procès concernant des actes de torture présumés en détention étaient toujours en cours en Italie.

Les États doivent agir de toute urgence pour mettre fin à la torture et aux autres mauvais traitements, en traduisant en justice les auteur·e·s présumés de tels actes.

Ingérence de l’État et liberté d’expression

Certains gouvernements ont pris prétexte de diverses « crises » pour s’arroger de nouveaux pouvoirs. Les autorités hongroises ont profité de la guerre en Ukraine pour se doter de nouvelles compétences leur permettant de déclarer plus facilement l’état d’urgence. La Lettonie, la Lituanie et la Pologne ont maintenu l’état d’urgence à leurs frontières avec le Bélarus, restreignant sans aucune justification l’accès des journalistes, des ONG et des acteurs humanitaires aux zones concernées.

La Turquie a cette année encore placé en détention des dizaines de journalistes, de militant·e·s et d’opposant·e·s, accusés sans aucun fondement d’infractions à la législation antiterroriste. Le Parlement turc a adopté une nouvelle loi sur la désinformation qui renforçait les pouvoirs de contrôle du gouvernement sur les réseaux sociaux.

Dans l’ouest des Balkans, les autorités ont fait pression sur des journalistes, en particulier lorsqu’ils ou elles travaillaient sur la criminalité organisée, la corruption ou les crimes de guerre, n’hésitant pas à les harceler et à les menacer. Des observateurs et observatrices ont constaté que des journalistes avaient été victimes d’agressions au Kosovo, au Monténégro et en Serbie. Procès abusifs intentés à des journalistes et à des militant·e·s écologistes, les poursuites judiciaires stratégiques contre la mobilisation du public étaient de plus en plus fréquentes. Le recours à ces procédures-bâillons constituait une pratique inquiétante en Autriche, en Bosnie-Herzégovine, en Bulgarie et en Grèce, voire d’une banalité effrayante en Croatie, en Serbie et en Slovénie. La Commission européenne a proposé l’adoption d’une directive destinée à lutter contre ce phénomène et dont le texte était en cours de négociation.

Dans l’est de la région, la liberté d’expression était toujours gravement menacée. Les restrictions imposées par leur gouvernement ont drastiquement réduit les sources d’information indépendantes dont disposaient les Russes. Une nouvelle loi adoptée en mars, sanctionnant le « dénigrement » des forces armées russes et la « diffusion d’informations délibérément fausses » à leur propos, interdisait de fait toute allusion critique à la guerre en Ukraine. Des milliers de personnes ont déjà fait l’objet de poursuites administratives ou pénales au titre de cette loi. Beaucoup ont été arrêtées et condamnées à de lourdes amendes ou à des peines de détention ou d’emprisonnement. Nombre de personnalités qui dénonçaient la guerre ont été déclarées « agents de l’étranger ». Des dizaines d’organes de presse indépendants ont été fermés et des milliers de sites Internet ont été bloqués. Meta a été déclarée « organisation extrémiste ». Le Bélarus a lui aussi engagé des poursuites contre des centaines de personnes qui exprimaient leur soutien à l’Ukraine ou critiquaient le gouvernement. Quarante journalistes indépendants supplémentaires ont été arrêtés et de nouvelles charges ont été retenues contre celles et ceux qui étaient déjà en prison. Des centaines de personnes ont été poursuivies pour avoir consulté ou diffusé des contenus « extrémistes ».

Confrontées à une nouvelle vague de manifestations dans la région autonome du Haut-Badakhchan, les autorités du Tadjikistan s’en sont prises aux médias indépendants et aux défenseur·e·s des droits humains. Elles ont complètement fermé l’accès à Internet dans cette zone pendant les premiers mois de l’année. Le Turkménistan aurait bloqué 1,2 milliard d’adresses IP pour interdire l’accès aux informations venant de l’étranger. L’Azerbaïdjan a pour sa part adopté une nouvelle loi sur la presse mettant en place un organisme officiel unique référençant les journalistes. Les médias ont été priés de ne diffuser que des informations « objectives ».

Liberté de réunion

Dans l’ouest de la région, plusieurs gouvernements ont pris des mesures arbitraires ou excessives visant à interdire les manifestations pacifiques. En Republika Srpska (Bosnie-Herzégovine), les autorités ont interdit les manifestations destinées à marquer le trentième anniversaire des persécutions commises pendant la guerre. La Turquie a interdit plusieurs marches des fiertés, ainsi que des manifestations à la mémoire de victimes de disparitions forcées. D’autres mesures répressives, plus fréquentes, ont été mises en œuvre par les autorités dans différents pays : détention préventive en Suède, recours excessif à la force contre des manifestant·e·s en Serbie, lourdes amendes en Slovénie, arrestations arbitraires en Grèce ou licenciements injustes de personnes ayant participé à des manifestations en Hongrie.

De nombreux gouvernements ont cette année encore cherché à empêcher ou à sanctionner les actes de désobéissance civile, en particulier de la part de manifestant·e·s écologistes. Ils ont eu recours à divers moyens de répression, dispersant les protestataires de manière illégale en Finlande ou inculpant de graves infractions (sabotage, par exemple) certains participant·e·s en Suède. Le Royaume-Uni a adopté une loi dotant la police de nouveaux pouvoirs lui permettant de mettre en place des restrictions en cas de nuisances, notamment sonores. En Allemagne, le Tribunal administratif fédéral a en revanche estimé, dans un jugement appelé à faire jurisprudence, que les camps de protestation étaient protégés par la Constitution, qui garantissait la liberté de réunion.
À l’est, des manifestant·e·s pacifiques se sont heurtés dans plusieurs pays à une répression brutale qui a fait des morts et des blessés et a donné lieu à des actes de torture. D’importantes manifestations en faveur de réformes ont éclaté au Kazakhstan au mois de janvier. En réaction, les forces de sécurité ont procédé à plus de 10 000 arrestations et ont utilisé des balles réelles et en caoutchouc. Les manifestant·e·s ont été traités de « terroristes », maltraités et placés en détention dans des conditions inhumaines. Ces événements ont entraîné la mort d’au moins 219 manifestant·e·s et de 19 membres des forces de l’ordre. La plupart de ces actes n’avaient donné lieu à aucune enquête à la fin de l’année.

Les manifestations qui se sont tenues dans la région autonome du Haut-Badakhchan, au Tadjikistan, ont été brutalement réprimées. Des dizaines de manifestant·e·s pamiris ont été tués et plus de 200 personnes, dont des manifestant·e·s, des poètes et des journalistes, ont été arrêtées de façon arbitraire dans le cadre d’une « opération antiterroriste ».

En Ouzbékistan, dans la République autonome de Karakalpakie, des manifestations ont éclaté en juillet en réaction à une série de propositions de modification de la Constitution concernant le statut de cette région. L’intervention des forces de sécurité a fait au moins 21 morts et plus de 250 blessés. Des centaines de personnes ont été arrêtées arbitrairement. Beaucoup ont subi des actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements.

Au Bélarus, la police a brutalement dispersé des manifestations pacifiques contre l’agression russe en Ukraine. Nombre de manifestant·e·s ont été condamnés à des amendes ou à des peines de détention à l’issue de procès à huis clos. Au Kirghizistan, les autorités de Bichkek ont limité les lieux où pouvaient se tenir des rassemblements publics. En Russie, les pouvoirs publics se sont acharnés non seulement sur les personnes participant à des manifestations, mais également sur celles et ceux qui entendaient assurer une mission d’observation de leur déroulement.

Liberté d’association

La Turquie et la France se sont distinguées par leur volonté de restreindre la liberté d’association, en cherchant à dissoudre un certain nombre d’organisations. La première a appliqué certaines dispositions de sa législation antiterroriste de façon abusivement large pour s’attaquer à une plateforme de mobilisation contre le féminicide, un groupe de citoyen·ne·s et l’un des principaux partis d’opposition, le Parti démocratique des peuples (HDP). La seconde a fait un usage illégitime de sa nouvelle loi relative aux « principes de la République », en s’en prenant à un groupe antifasciste, à deux groupes propalestiniens et à un collectif de défense des droits environnementaux.

Le gouvernement ouzbek a parachevé le contrôle qu’il exerçait sur la société civile en prenant un décret imposant aux ONG de s’allier à un « partenaire local » – choisi par les autorités – pour pouvoir débloquer tout financement provenant de l’étranger. Le Kirghizistan a mis en place de nouvelles conditions concernant la déclaration par les ONG des fonds reçus de l’étranger. Le Bélarus a quant à lui dissous plus de 200 organisations accusées d’« extrémisme » et de « terrorisme ».
L’espace au sein duquel chacun et chacune peut exercer ses droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique doit être protégé des mesures abusives prises par les États, quel qu’en soit le prétexte.

Défenseur·e·s des droits humains

La Turquie a continué de s’en prendre aux défenseur·e·s des droits humains. Öztürk Türkdoğan faisait l’objet à la fin de l’année de trois procès distincts, tous intentés sur la foi d’éléments fallacieux, respectivement pour « appartenance à une organisation terroriste », « insulte à un responsable public » et « dénigrement de la nation turque ». De même, l’avocate défenseure des droits fondamentaux Eren Keskin et l’experte de premier plan en médecine légale Şebnem Korur Fincancı étaient l’une comme l’autre accusées sans le moindre fondement d’atteintes à la législation antiterroriste. Les autorités turques ont refusé d’appliquer une décision contraignante prise par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire du défenseur des droits humains Osman Kavala, en dépit de la procédure d’infraction ouverte contre elles. La Cour de cassation a en revanche annulé les poursuites engagées contre l’ancien président d’Amnesty International Turquie, Taner Kılıç.

La Grèce, l’Italie et la Turquie ont persécuté les défenseur·e·s des droits humains militant pour les droits des migrant·e·s et des réfugié·e·s. Les défenseur·e·s des droits des femmes ont fait l’objet de persécutions dans plusieurs pays. En Andorre, Vanessa Mendoza Cortés risquait d’être condamnée à une très lourde amende pour diffamation parce qu’elle avait critiqué les conséquences néfastes de l’interdiction de l’avortement dans le pays. En Pologne, Justyna Wydrzyńska faisait l’objet de poursuites pour avoir aidé une femme enceinte à accéder à des services d’interruption de grossesse.

Dans l’est de la région, des défenseur-e-s des droits des femmes ont été arbitrairement placés en détention ou ont été la cible de violences et de manœuvres d’intimidation. Au Bélarus, l’organisation de défense des droits fondamentaux Viasna a été tout particulièrement visée. Le prix Nobel de la paix Alès Bialiatski et plusieurs de ses camarades ont été emprisonnés et inculpés sur la foi d’éléments fallacieux. Marfa Rabkova et Andrey Chapyuk ont été condamnés respectivement à 15 ans et six ans d’emprisonnement, à l’issue d’un procès qui s’est tenu à huis clos. Inculpée de façon mensongère de « houliganisme simple », Nasta Loika a été privée de médicaments, de vêtements chauds et d’eau potable alors qu’elle se trouvait en détention administrative. Des poursuites pénales ont ensuite été ouvertes contre elle. En Russie, les défenseur·e·s des droits humains étaient constamment dans le collimateur des autorités, en vertu de la législation sur les « agents de l’étranger » et les « organisations indésirables ». Beaucoup ont été contraints de quitter le pays. En avril, le ministère de la Justice a annulé l’agrément d’une douzaine de fondations et d’ONG étrangères, dont Amnesty International, les contraignant à fermer leurs bureaux en Russie. En Crimée occupée, les personnes qui militaient pour la défense des droits des Tatar·e·s de Crimée et les avocat·e·s qui représentaient ces derniers ont cette année encore fait l’objet de sévères représailles.

Les États doivent protéger les défenseur·e·s des droits humains et reconnaître le rôle crucial qu’ils et elles jouent, plutôt que de chercher à les stigmatiser et à sanctionner pénalement leurs activités.

Discrimination

Un nombre record d’actes d’antisémitisme ont été signalés dans plusieurs pays. En Allemagne comme au Royaume-Uni, les observateurs et observatrices ont relevé une forte augmentation des crimes de haine à connotation antisémite. En Slovaquie, un individu soupçonné du meurtre de deux personnes LGBTI s’est également avéré être l’auteur de textes de propagande antisémite particulièrement virulents. Le Parlement letton a adopté une loi sur la restitution prévoyant une indemnisation de la communauté juive pour les biens saisis à l’époque des occupations nazie et soviétique.

Plusieurs pays ont continué d’adopter de nouvelles mesures (ou d’en renforcer d’anciennes) visant les femmes musulmanes. L’Andorre a adopté une loi interdisant le port de symboles religieux ostentatoires, et donc le foulard arboré par certaines musulmanes. En France, les autorités locales ont interdit une manifestation de joueuses de football qui entendaient protester contre un projet d’inscription dans la loi d’une disposition discriminatoire interdisant aux femmes musulmanes portant un foulard de participer à des sports de compétition. Le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative française, a confirmé l’interdiction du port du « burkini » dans les piscines publiques de la ville de Grenoble. En Suisse, le Parlement s’est penché, à l’issue d’un référendum organisé en 2021, sur un projet de loi visant à interdire les accessoires voilant la face des individus. Les débats à ce propos ont été abondamment marqués par l’expression de stéréotypes négatifs et pollués par des discours hostiles aux personnes de confession musulmane.

En Belgique comme en Suisse, les observateurs et observatrices ont relevé des éléments convaincants tendant à prouver qu’il existait dans ces deux pays un racisme structurel à l’égard des personnes d’origine africaine. Au Royaume-Uni, la police continuait de procéder à des contrôles et à des fouilles en ciblant de façon disproportionnée les personnes noires. Une enquête a permis d’établir que, sur une période de deux ans, 650 mineur·e·s avaient été soumis à une fouille à nu et que 58 % d’entre eux étaient noirs. Au Danemark, un bailleur a expulsé de nombreux locataires pour éviter que ses logements ne soient considérés comme constituant un « ghetto » aux termes de lois qui interdisaient la concentration de personnes ayant « des origines non occidentales ». En Allemagne, l’Observatoire national de la discrimination et du racisme a conclu que le racisme faisait partie de la vie quotidienne du pays.

Les Roms faisaient l’objet de discours méprisants et de discriminations systémiques dans divers domaines, et notamment en matière de logement, d’éducation et de traitement par la police. Ils et elles étaient toujours victimes de ségrégation dans l’éducation, entre autres en Albanie, en Croatie, au Kosovo, en Macédoine du Nord et en Slovaquie. L’autonomisation des Roms se heurtait toujours à des pratiques de police racistes, à la situation d’apatride de nombre d’entre eux et à l’absence pour beaucoup de documents personnels d’identité. La répression féroce des droits fondamentaux menée au Bélarus n’épargnait pas les minorités nationales, et notamment les Polonais·e·s et les Lituanien·ne·s, ainsi que les défenseur·e·s de la langue et de la culture bélarussiennes. Le gouvernement a ainsi interdit l’enseignement du polonais dans deux établissements scolaires situés dans l’ouest du pays, où vivait une importante communauté polonaise, et a fermé une école lituanienne dans la région de Hrodna, ainsi que deux librairies bélarussiennes.

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes

Les discriminations et les violences à l’égard des personnes LGBTI dans certains pays contrastaient avec les avancées judiciaires et juridiques accomplies dans d’autres. Parmi les faits les plus graves survenus en 2022, on retiendra notamment la fusillade qui a eu lieu en Slovaquie devant un bar gay, au cours de laquelle deux personnes sont mortes et une autre a été blessée. Des dirigeant·e·s d’associations LGBTI ont été agressés ou menacés en Macédoine du Nord, au Monténégro et en Pologne.

Les tribunaux de certains pays ont cependant pris des décisions en faveur des droits des personnes LGBTI. En Croatie, ils ont confirmé que les couples de même sexe devaient pouvoir adopter un enfant dans les mêmes conditions que les autres. La Cour constitutionnelle de Slovénie a déclaré inconstitutionnelle l’interdiction du mariage gay et de l’adoption par des couples de même sexe. À la suite d’un arrêt de la Cour suprême lettone, les tribunaux administratifs du pays ont commencé à reconnaître les couples de même sexe. En Suisse, une nouvelle réglementation légalisant le mariage civil et l’adoption pour les couples de même sexe est entrée en vigueur. Le Parlement espagnol a adopté un projet de loi qui fera date reconnaissant le droit des personnes trans de déterminer elles-mêmes leur genre. Les gouvernements finlandais et allemand ont soumis des projets de loi progressistes en matière de reconnaissance légale du genre.

En Hongrie, en revanche, le gouvernement a organisé un référendum s’inspirant d’une loi anti-LGBTI adoptée en 2021. En Pologne, de nombreuses municipalités continuaient de se proclamer « zones sans LGBT » et des militant·e·s ont fait l’objet de procédures-bâillons et de mesures arbitraires de détention.

Plus à l’est, des progrès ont été enregistrés cette année. En Ukraine, le président Volodymyr Zelensky a promis un projet de loi sur l’union civile. La Moldavie a connu la plus grande marche des fiertés de son histoire, malgré l’opposition du maire de la capitale, Chisinau, qui avait menacé de l’interdire. Ailleurs, les droits des personnes LGBTI restaient fortement réprimés. La Russie a élargi l’interdiction de la « propagande en faveur de relations sexuelles non traditionnelles, de la pédophilie et du changement de sexe », désormais illégale auprès de toutes les catégories de la population (et non plus seulement des mineur·e·s). Le Turkménistan et l’Ouzbékistan sanctionnaient toujours les relations sexuelles entre hommes consentants, et un projet de loi discriminatoire autorisant la police à procéder à des tests de dépistage obligatoires sur les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes a été déposé en Ouzbékistan.

Les États doivent redoubler d’efforts pour empêcher toute discrimination, notamment à l’égard des personnes juives, musulmanes, noires, roms ou LGBTI.

Droits économiques, sociaux et culturels

Les pays entretenant des relations économiques étroites avec la Russie ont durement subi l’onde de choc de la guerre en Ukraine. En Russie même, la pauvreté a généralement progressé. En Ukraine, 500 000 enfants au moins ont basculé dans la pauvreté, qui a globalement été multipliée par 10 selon la Banque mondiale.

La plupart des pays de la région étaient confrontés à la fin de l’année à une forte hausse du coût de la vie et à des taux d’inflation record. Dix-sept États membres de l’UE affichaient un taux d’inflation supérieur à 10 %. Comme d’habitude, les plus pauvres et les plus vulnérables (personnes handicapées, retraité·e·s, enfants, etc.) étaient les plus durement touchés et souffraient le plus du manque de protection sociale.

Les États doivent agir sans délai pour répondre aux difficultés socioéconomiques actuelles, en y consacrant les moyens nécessaires, notamment via une protection sociale complète, pour que toute personne puisse jouir de ses droits économiques, sociaux et culturels.

Lutte contre la crise climatique

Nombreux sont ceux et celles qui ont vraiment pris conscience de la crise climatique lors des vagues de chaleur sans précédent qui ont frappé la région en été, le thermomètre dépassant par endroits les 40 °C. Quelque 25 000 décès excédentaires dus à la chaleur ont été enregistrés. Les températures ont également asséché les cours d’eau, provoqué l’effondrement d’un glacier en Italie et entraîné une grave sécheresse dans la majeure partie du Portugal, ainsi que des incendies qui ont détruit des milliers d’hectares en Espagne. L’urgence de l’action climatique s’est heurtée aux effets de la guerre menée par la Russie en Ukraine, où les opérations militaires ont engendré une pollution de l’air, de l’eau et des sols et où la façon dont la Russie menait les hostilités faisait courir un risque d’accident nucléaire autour de la centrale de Zaporijjia. La nécessité de réduire la dépendance à l’égard du pétrole et du gaz russes a entraîné une ruée vers d’autres sources de carburants fossiles, l’extension de la durée de vie des centrales nucléaires et à charbon, et une baisse provisoire des taxes sur les combustibles. Le Turkménistan restait l’un des plus gros émetteurs de méthane de la planète. Dans ce pays, les femmes des zones rurales étaient touchées de manière disproportionnée par le changement climatique.

Après avoir entretenu une certaine ambiguïté à la veille de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP27), l’UE a finalement soutenu la mise en place d’un fonds de compensation des pertes et préjudices, faisant naître l’espoir de voir s’instaurer une véritable solidarité climatique. Les pays européens n’ont cependant pas mis leurs objectifs nationaux de réduction des émissions à l’horizon 2030 en adéquation avec le but, affiché au niveau mondial, de ne pas dépasser une augmentation des températures de 1,5 °C.

Les États doivent augmenter leurs objectifs de réduction des émissions dans des proportions reflétant leur responsabilité dans la crise climatique. Ils devraient mettre en œuvre des politiques appropriées et respectueuses des droits fondamentaux, notamment en renonçant progressivement à l’usage et à la production de carburants fossiles, dans le cadre d’une transition juste. Ils devraient en outre augmenter de toute urgence le financement climatique à destination des pays à faibles revenus et s’engager à fournir des fonds dédiés supplémentaires destinés à compenser les pertes et dommages.

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