Des groupes armés palestiniens ont commis de probables crimes de guerre à Gaza durant trois jours d’affrontements avec l’armée israélienne au mois d’août, en utilisant des roquettes non guidées dans des zones civiles densément peuplées et en tuant au moins sept civils palestiniens. Les autorités palestiniennes ont continué d’appliquer des restrictions sévères de la liberté d’expression, d’association et de réunion en Cisjordanie et à Gaza. Elles ont en outre placé des dizaines de personnes en détention arbitraire et en ont soumis beaucoup à la torture et à d’autres mauvais traitements. La justice tardait toujours à être rendue pour de graves violations des droits humains. Les autorités de facto du Hamas à Gaza ont procédé à leurs premières exécutions depuis cinq ans.
Contexte
Les Palestinien·ne·s de Cisjordanie et de la bande de Gaza continuaient de subir l’oppression, la domination, la fragmentation et la ségrégation imposées par Israël dans le cadre de l’occupation brutale et du système d’apartheid en place (voir Israël et territoires palestiniens occupés).
Les autorités palestiniennes n’ont pas organisé les élections législatives et présidentielle qui avaient été une nouvelle fois reportées par le président Mahmoud Abbas en 2021. Les dernières élections au Conseil législatif palestinien remontaient à 2006. Mahmoud Abbas a continué de gouverner par décret, dans un contexte de mécontentement général.
Exactions perpétrées par des groupes armés
En août, Israël a lancé une offensive militaire de trois jours dans la bande de Gaza occupée, visant le Djihad islamique palestinien et son bras armé. Khaled Mansour et Taysir al Jaabari, deux commandants de haut rang de cette organisation, ainsi que 10 autres de ses combattants, ont été tués par des frappes israéliennes. Au total, 31 civil·e·s palestiniens ont trouvé la mort dans cette offensive, dont 17 lors d’attaques israéliennes relevant parfois de crimes de guerre.
Des groupes armés palestiniens ont commis de probables crimes de guerre dans la bande de Gaza durant ces trois jours d’affrontements, en utilisant des roquettes non guidées dans des zones civiles densément peuplées. Le 6 août, une roquette vraisemblablement tirée par le Djihad islamique palestinien vers Israël a manqué sa cible et frappé une rue du camp de personnes réfugiées de Jabalia, tuant sept civils, dont quatre enfants, et en blessant au moins 15 autres. Sept autres civil·e·s palestiniens, dont cinq enfants, ont été tués dans quatre autres attaques dans les camps de réfugié·e·s d’Izbat Beit Hanoun, d’Al Bureij et de Jabalia ainsi qu’à Beit Hanoun, après lesquelles les débris d’armes ont été immédiatement enlevés. Le retrait de tous les débris d’armes utilisées lors d’attaques est une pratique récurrente à la suite des tirs manqués de roquettes palestiniennes. Les autorités du Hamas ont déclaré qu’elles enquêteraient sur toutes les attaques meurtrières, mais elles n’ont publié aucune conclusion.
En mars et en avril, des attaques menées individuellement par des Palestiniens armés ont fait 18 morts dans diverses villes d’Israël. Les assaillants ne semblaient avoir aucun lien direct avec les groupes armés palestiniens, mais leurs actions ont été saluées par les autorités de facto à Gaza, ce qui pourrait s’apparenter à une incitation à la violence. Les propos du chef du Hamas à Gaza, Yahya Sinwar, appelant les Palestinien·ne·s à employer tous les moyens à leur disposition pour attaquer des Israélien·ne·s auraient contribué aux attaques menées ensuite.
Liberté d’expression, d’association et de réunion
Les autorités de la Cisjordanie et de la bande de Gaza continuaient d’appliquer des restrictions injustifiées de la liberté d’expression, d’association et de réunion, et avaient parfois recours à une force excessive pour disperser des rassemblements pacifiques. À Gaza, le climat général de répression qui régnait depuis la réponse brutale des autorités aux manifestations pacifiques contre la hausse du coût de la vie en 2019 dissuadait de fait la dissidence, en conduisant souvent à l’autocensure.
En Cisjordanie, les autorités palestiniennes contrôlées par le Fatah réprimaient toujours les événements publics mettant à l’honneur des figures de l’opposition ou arborant des drapeaux de l’opposition. En juin, les forces de sécurité ont dispersé une manifestation pacifique contre la hausse du coût de la vie qui se tenait dans la ville d’Hébron et ont arrêté les personnes qui l’avaient organisée. Le 4 août, les forces de sécurité ont utilisé du gaz lacrymogène pour disperser des personnes rassemblées à Tubas, dans le nord de la Cisjordanie, qui célébraient pacifiquement la libération d’un membre d’une faction dissidente du Fatah après 20 ans de détention par les autorités israéliennes.
Le 23 octobre, le président Mahmoud Abbas a dissous par décret le Syndicat des médecins palestiniens, dominé par des représentant·e·s liés à des factions d’opposition, et a désigné un « conseil constitutif ». Il est revenu sur sa décision lorsque des médecins se sont mis en grève dans toute la Cisjordanie.
Le 4 novembre, les forces de sécurité ont interdit au Congrès populaire palestinien, organisation regroupant des militant·e·s et des personnalités politiques favorables à des réformes au sein de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), de se réunir à Ramallah, en Cisjordanie. Le 8 novembre, des policiers qui n’étaient pas mandatés par la justice sont intervenus par la force lors d’une conférence de presse de cette organisation dans ses locaux à Ramallah, en menaçant les participant·e·s et les journalistes présents avec des matraques.
Détention arbitraire
Selon la Commission indépendante des droits humains (ICHR), plus de 200 Palestinien·ne·s étaient détenus arbitrairement en Cisjordanie et quelque 105 autres dans la bande de Gaza.
Torture et autres mauvais traitements
Les actes de torture et autres mauvais traitements restaient une pratique courante dans les centres de détention et d’interrogatoire en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Les plaintes en la matière ont été particulièrement fréquentes pour le centre de détention du ministère de l’Intérieur à Jéricho (Cisjordanie). Des détenus ont déclaré avoir été frappés à coups de matraque et de gourdin, fouettés sur la plante des pieds et maintenus dans des positions douloureuses pendant plusieurs heures. L’ICHR a reçu au moins 130 plaintes pour torture et autres mauvais traitements contre les autorités responsables de la détention en Cisjordanie et au moins 160 autres contre la police et les services de la sécurité intérieure de la bande de Gaza.
D’après l’ICHR et l’ONG palestinienne de défense des droits humains Lawyers for Justice, les autorités n’a pas pris de mesures efficaces pour enquêter sur les allégations de torture. En juin, les forces de sécurité de Cisjordanie ont arrêté sans mandat six hommes à la suite d’une explosion dans un atelier de menuiserie à Ramallah, puis les ont torturés et maltraités, selon des témoignages recueillis par l’ICHR. Cinq d’entre eux ont été placés à l’isolement, privés de visites de leurs proches et de nouveau soumis à des mauvais traitements lorsqu’ils ont entamé une grève de la faim en septembre.
Nasser Abu Obeid, ancien commandant des forces de sécurité nationales, est mort à l’hôpital le 16 octobre après avoir été transféré depuis un centre de détention de la police militaire dirigé par le Hamas à Gaza, où il était placé à des fins d’interrogatoire. L’ICHR a appelé les autorités de Gaza à enquêter sur les allégations de torture et de négligence médicale au cours de sa détention. Les autorités n’ont semble-t-il pas donné suite à cette demande.
Disparitions forcées
Vingt ans après la disparition forcée de six hommes qui étaient aux mains des autorités palestiniennes dans un centre de détention à Salfit, en Cisjordanie, on ignorait toujours ce qu’il était advenu d’eux. Parallèlement, afin de faire pression pour qu’Israël accepte un échange de prisonniers, les autorités de facto à Gaza ont publié une nouvelle vidéo de Hisham al Sayed, citoyen palestinien d’Israël atteint de troubles mentaux, porté disparu depuis son entrée dans ce territoire occupé en 2015. Le sort d’Avera Mengistu, citoyen israélien également atteint de troubles mentaux qui est entré à Gaza sans autorisation en 2014, demeurait inconnu.
Droits des femmes et des filles
Selon le Centre d’aide juridique et de conseil pour les femmes (WCLAC), 29 femmes ont été tuées en Cisjordanie et dans la bande de Gaza par des membres de leur famille, selon toute apparence dans un contexte de violences domestiques. En septembre, les autorités de Gaza ont empêché deux sœurs, Wissam et Fatimah al Assi, de porter plainte devant la justice pour violence domestique. Les deux jeunes femmes, âgées respectivement de 24 et 20 ans, n’ont pas été autorisées à rencontrer un·e représentant·e du parquet pour faire une déposition.
Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes
Les autorités n’ont pas fait le nécessaire pour prévenir les menaces et les attaques à caractère homophobe ou transphobe ni pour enquêter sur ces actes.
Le 9 juillet, les forces de sécurité ont regardé sans intervenir un groupe de personnes frapper des jeunes et des enfants qui participaient à une parade organisée par le Théâtre Ashtar à Ramallah, dans laquelle des drapeaux arc-en-ciel étaient arborés. Cette agression faisait suite à une vague d’incitation à la violence et de discours haineux à l’encontre des personnes LGBTI et des féministes, qui n’a donné lieu à aucune enquête des autorités.
Droit à la vérité, à la justice et à des réparations
En Cisjordanie, le procès en cours devant un tribunal militaire de 14 membres subalternes des forces de sécurité mis en cause dans la mort de Nizar Banat, un dissident de premier plan tué en juin 2021 peu après son arrestation violente, était entaché par de multiples retards et des déclarations calomnieuses à l’encontre de témoins. Aucun responsable de haut rang n’avait été interrogé ni visé par des investigations dans le cadre de cette procédure judiciaire.
Les autorités de la Cisjordanie et de la bande de Gaza n’ont pas enquêté sur des homicides illégaux et des attaques, notamment contre des civil·e·s israéliens, ni sur d’autres graves atteintes aux droits humains. Elles s’étaient pourtant réengagées publiquement à coopérer avec les enquêtes indépendantes, y compris celle de la CPI, menées sur les possibles crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis depuis 2014, ainsi qu’avec la procédure de la Cour internationale de justice concernant l’illégalité de l’occupation israélienne dans ces deux territoires.
Le 28 octobre, Mahmoud Abbas a créé par décret le Conseil suprême des organes et autorités judiciaires et s’est désigné lui-même à sa tête. Contrôlant entièrement l’appareil judiciaire, ce Conseil venait renforcer la mainmise du président sur la justice, dont l’indépendance était entravée et la subordination au pouvoir exécutif accrue.
Peine de mort
Selon le Centre palestinien de défense des droits humains, les tribunaux de Gaza ont prononcé 27 nouvelles condamnations à mort en 2022, soit 11 de plus qu’en 2021. Les cours d’appel de la bande de Gaza ont alourdi cinq peines de réclusion à perpétuité prononcées en première instance, infligeant la peine capitale à la place. Cette nouvelle tendance est apparue depuis que le ministère de la Justice de Gaza a créé le Comité pénal suprême, qui a encouragé un durcissement des condamnations afin, selon le discours officiel, d’empêcher les crimes violents.
Le 4 septembre, les autorités de facto du Hamas à Gaza ont procédé à leurs premières exécutions depuis cinq ans. L’un des prisonniers exécutés avait été condamné pour meurtre à l’issue d’un procès manifestement inique.