Allemagne - Rapport annuel 2023

L’obligation de rendre des comptes pour les pratiques discriminatoires au sein de la police continuait d’être mise à mal par l’absence de mécanisme de plainte indépendant et efficace. Plusieurs manifestations de soutien aux droits des Palestiniennes et Palestiniens ont été interdites à titre préventif. Les placements en détention administrative de militant·e·s pour le climat ont suscité de multiples inquiétudes quant au respect des droits humains. Le nombre d’intrusions à caractère politique et d’attaques physiques visant des centres d’accueil pour personnes réfugiées a fortement augmenté. Une juridiction a estimé que le gouvernement ne respectait pas la Loi fédérale sur la protection du climat.

Discrimination

En mai, le ministère fédéral de l’Intérieur a annoncé que le nombre de crimes de haine enregistré en 2022 avait atteint un niveau record. En moyenne, sept actes antisémites par jour ont été commis. Les augmentations concernaient également les crimes de haine contre des personnes roms (+ 33 %), et ceux liés à l’orientation sexuelle (+ 15 %), au racisme (+ 14 %), à la xénophobie (+ 13 %) et à l’« hostilité envers les personnes étrangères » (+ 9 %), les trois dernières catégories étant les plus courantes en termes absolus. Selon le rapport présenté en juin par le Groupe indépendant d’experts sur l’hostilité à l’égard des musulmans, le racisme contre les musulmans était répandu dans la société allemande. Après les attaques du Hamas en Israël le 7 octobre et les bombardements et l’invasion terrestre de Gaza par Israël qui s’en sont suivis, des organisations de la société civile ont signalé une hausse des attaques visant les personnes et les institutions juives et de celles visant des musulman·e·s.

En octobre, une étude de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne a conclu que l’Allemagne était l’un des deux pays de l’UE où les personnes d’ascendance africaine subissaient le plus de discrimination raciale. Une étude financée par la Fondation allemande pour la recherche a établi que 33 % des personnes interrogées considéraient avoir été victimes de discrimination lors d’interactions avec la police. Les catégories marginalisées, telles que les personnes racisées, LGBTI+ ou sans abri, étaient particulièrement exposées à la discrimination et moins susceptibles de porter plainte que le reste de la population.

Le Conseil de l’Europe a décidé d’appliquer une « surveillance soutenue » de l’exécution de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Basu c. Allemagne, concernant le caractère peu satisfaisant des enquêtes menées en Allemagne sur les allégations de profilage racial. Au niveau fédéral et dans les différents États (Länder), l’absence de mécanisme de plainte indépendant et efficace et le fait que les policières et policiers ne soient pas obligés de porter un badge d’identification continuaient de mettre à mal l’efficacité des enquêtes sur les allégations de violations des droits humains commises par la police.

Personnes LGBTI

En mars, une modification de la Loi relative aux transfusions a aboli l’interdiction discriminatoire faite aux hommes gays ou bisexuels et aux personnes transgenres de donner leur sang. Le Parlement a examiné une nouvelle loi sur le libre choix permettant aux personnes transgenres, non binaires et intersexes d’obtenir la reconnaissance juridique de leur genre par simple déclaration auprès d’un bureau de l’état civil.

Violences fondées sur le genre

D’après les statistiques présentées par l’Office fédéral de la police criminelle en juillet, le nombre annuel de cas de violences fondées sur le genre a été plus élevé en 2022 que celui des cinq années précédentes. Toutes les heures, plus de 14 femmes étaient victimes de violence conjugale. Une tentative de féminicide par un partenaire ou ex-partenaire avait lieu presque chaque jour.
Le 1er octobre, les mobiles liés au genre ou à l’orientation sexuelle ont été ajoutés explicitement dans le Code pénal comme circonstances aggravantes pour toutes les infractions.

Liberté de réunion

En mai, l’autorité berlinoise en matière de rassemblement a imposé de manière préventive une interdiction de toutes les manifestations de soutien aux droits des Palestinien·ne·s autour de la Journée de la Nakba, en violation du droit de réunion pacifique. Les motifs de cette interdiction portaient également atteinte au droit de ne pas subir de discrimination, car ils étaient fondés sur des stéréotypes racistes et stigmatisants à l’encontre des personnes perçues comme arabes ou musulmanes. En outre, après le 7 octobre, de nombreuses manifestations de solidarité avec la population palestinienne ont été interdites à titre préventif. Des médias ont fait état de cas de recours injustifié et excessif à la force par la police, de centaines d’arrestations et d’une augmentation du profilage racial visant les personnes supposées arabes ou musulmanes dans le contexte de ces manifestations.
À l’approche du salon de l’automobile de Munich, en septembre, au moins 27 militant·e·s pour le climat ont été placés en détention préventive pour des durées allant jusqu’à 30 jours, au titre de l’article 17 de la Loi sur les tâches et les pouvoirs de la police bavaroise, qui autorisait la police à demander la détention d’une personne sans soupçon réel d’infraction et sans qu’une procédure judiciaire n’ait été ouverte.
Plusieurs articles de presse ont signalé un recours excessif à la force dans les opérations de maintien de l’ordre lors de manifestations pacifiques, notamment l’utilisation de techniques de contrainte physique douloureuses pour disperser des militant·e·s écologistes bloquant des rues.
Dans deux Länder, le parquet a enquêté, au titre de l’article 129 du Code pénal, sur des groupes militant pour le climat, les accusant d’avoir formé une organisation criminelle. Ces enquêtes ont donné lieu à de vastes mesures de fouille et de surveillance, parmi lesquelles l’interception d’un téléphone utilisé par des journalistes et la saisie de données personnelles de groupes de soutien, ce qui a eu un effet dissuasif sur les manifestations pacifiques.

Liberté d’expression

Après le 7 octobre, un certain nombre de restrictions de la liberté d’expression ont été imposées, notamment contre les personnes exprimant leur solidarité avec les Palestiniennes et Palestiniens. En novembre, le ministère fédéral de l’Intérieur a interdit le slogan « Du fleuve jusqu’à la mer », le considérant comme un symbole du Hamas, alors que celui-ci avait été utilisé au fil de l’histoire par de multiples acteurs et avec des connotations diverses.

Droit à la vérité, à la justice et à des réparations

En février, sept rapporteuses et rapporteurs spéciaux de l’ONU se sont déclarés très préoccupés par l’absence apparente de mesures de réparation effectives prises en faveur des peuples nama et ovaherero dans l’ancienne colonie allemande du « Sud-Ouest africain » (un territoire correspondant à la Namibie), et notamment par le manque de « reconnaissance inconditionnelle du génocide commis » à leur encontre lors de la colonisation entre 1904 et 1908.

Droits des personnes réfugiées ou migrantes

Environ 1,1 million de personnes originaires d’Ukraine résidaient en Allemagne, dont quelque 900 000 possédaient un permis de séjour au titre de la Directive européenne sur la protection temporaire. L’Allemagne a lancé un programme d’admission à titre humanitaire pour les Afghan·e·s en danger en octobre 2022, conçu pour accueillir 1 000 personnes par mois, mais seulement 94 ressortissant·e·s d’Afghanistan avaient été transférés en Allemagne à la fin de l’année.
Le nombre d’intrusions à caractère politique, d’agressions, d’actes de vandalisme et d’attaques physiques visant des centres d’accueil pour personnes réfugiées a fortement augmenté par rapport à 2022. La majorité de ces actes auraient été commis par des personnes de droite. Les procédures de regroupement familial pour les personnes réfugiées en Allemagne étaient toujours lentes, si bien que de nombreuses familles restaient séparées après plusieurs années.
Le regroupement familial pour les bénéficiaires de la protection subsidiaire était soumis à des quotas et accordé à la discrétion de l’administration.

Droit au respect de la vie privée

En février, la Cour constitutionnelle fédérale a fixé des critères exigeants pour l’utilisation de l’analyse automatique des données dans le cadre des opérations policières, estimant que celle-ci entravait l’exercice du droit de prendre des décisions en connaissance de cause quant à la communication des données personnelles à autrui.

Responsabilité des entreprises

Le 1er janvier, la Loi sur le devoir de diligence en matière de chaînes d’approvisionnement est entrée en vigueur, obligeant légalement les entreprises à respecter les droits humains. Elle ne s’appliquait qu’aux entreprises de plus de 3 000 salarié·e·s (seuil abaissé à 1 000 salarié·e·s à partir de 2024). En revanche, elle ne créait aucune responsabilité civile pour les atteintes commises.

Droits sexuels et reproductifs

Une commission a été instaurée en mars pour travailler sur « la médecine reproductive et l’autodétermination en matière de procréation ». Cependant, malgré les demandes émises par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes [ONU] en mai, aucun changement n’a été proposé pour dépénaliser totalement l’avortement afin de respecter les normes internationales relatives aux droits humains et les nouvelles lignes directrices de l’OMS.

Droit à un environnement sain

En juin, le gouvernement a approuvé une proposition de modification de la Loi fédérale sur la protection du climat qui supprimerait les objectifs de réduction des émissions juridiquement contraignants pour chaque secteur économique et l’obligation d’adopter des programmes d’urgence s’ils n’étaient pas atteints. Dans une décision rendue en novembre, le tribunal administratif régional supérieur des Länder de Berlin et du Brandebourg a confirmé que les quotas d’émissions dans les transports et le bâtiment n’avaient pas été respectés en 2021 et 2022.
Bien que l’Allemagne ait pris la résolution de mettre fin au soutien financier international de projets d’exploitation d’énergies fossiles avant la fin de l’année 2022, des banques publiques de développement allemandes ont accordé des financements internationaux à trois projets de ce type au moins en 2023.

Droits économiques, sociaux et culturels

En avril, l’Allemagne a ratifié le Protocole facultatif se rapportant au PIDESC. Par conséquent, à partir du 20 juillet, des plaintes émanant de particuliers pouvaient être soumises au Comité des droits économiques, sociaux et culturels.

Transferts d’armes irresponsables

Le gouvernement a mis en place des « autorisations générales » pour l’exportation de certains équipements militaires et biens à double usage. Ce dispositif remplaçant la prise de décisions au cas par cas réduisait encore la transparence et risquait de faciliter les exportations irresponsables.
Malgré les éléments de plus en plus nombreux attestant que des crimes de guerre étaient commis par l’armée israélienne dans la bande de Gaza occupée, l’Allemagne a continué d’accorder des autorisations pour l’exportation d’équipements militaires à destination d’Israël. Elle a également autorisé des transferts d’armes à destination de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis qui présentaient un risque élevé pour les droits humains et le droit international humanitaire.

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