Hongrie - Rapport annuel 2023

Une nouvelle loi controversée visant à restreindre encore davantage les droits des enseignant·e·s et à faire taire toute dissidence de leur part a été adoptée. Des librairies ont reçu des amendes pour avoir enfreint la loi homophobe et transphobe relative à la « propagande ». Des personnes demandeuses d’asile se sont vu refuser l’accès à une protection dans le pays. Le Parlement a adopté des réformes judiciaires afin d’avoir à nouveau accès aux fonds suspendus par l’UE, alors que la liberté d’expression des juges est restée entravée par des déficiences systémiques. L’engagement du gouvernement à réduire les émissions de gaz à effet de serre était loin des objectifs fixés par l’UE.

Contexte

Pour avoir à nouveau accès aux fonds de l’UE suspendus par la Commission européenne et le Conseil européen, la Hongrie s’est engagée à adopter et à mettre en œuvre des mesures anticorruption, à modifier sa législation relative aux droits des personnes LGBTI, des demandeurs·euses d’asile et des réfugié·e·s, à rétablir la liberté académique et à adopter une réforme visant à renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire. En réponse, les institutions européennes ont décidé de débloquer l’accès de la Hongrie à une partie du fonds de cohésion.
Le gouvernement a prolongé l’état d’urgence, prenant comme prétexte l’agression russe en cours contre l’Ukraine pour contourner le processus de décision parlementaire et maintenir sa réglementation anti-immigration.
La Hongrie est arrivée à la dernière place du classement des pays européens au regard de leur application des arrêts de principe rendus par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui a été établi par l’European Implementation Network. En effet, 76 % des arrêts rendus au cours des 10 dernières années n’avaient pas été appliqués.

Liberté de réunion et d’association

La police a fait usage de gaz lacrymogène à de multiples reprises en avril et mai pour disperser des étudiant·e·s qui protestaient contre une loi controversée visant à centraliser davantage le système éducatif public et à réduire au silence les enseignant·e·s qui exprimaient des opinions dissidentes. Pendant une manifestation en mai, la police a arrêté et placé en détention cinq manifestant·e·s, dont quatre mineur·e·s, car ces personnes auraient attaqué des policiers. En juillet, le Parlement a adopté un texte surnommé « loi de la vengeance », qui restreignait encore davantage l’autonomie des enseignant·e·s et faisait taire toute critique de leur part à l’égard des politiques éducatives.
Les enseignant·e·s qui avaient été renvoyés pour avoir participé à des actes de désobéissance civile en 2022 ont traduit l’État devant les tribunaux pour obtenir l’annulation de leur licenciement et une indemnisation.
La police a interdit sept manifestations de solidarité avec les personnes vivant dans les territoires palestiniens occupés, au prétexte de protéger la sécurité publique, mais sans respecter les critères juridiques de l’interdiction.
Malgré la vive réprobation du Conseil de l’Europe et de plusieurs ONG, une nouvelle loi a été adoptée en décembre dans le but de réduire encore davantage au silence les voix critiques et de dissuader les organisations de participer aux affaires publiques en Hongrie. Rédigé en termes vagues, ce texte portait création d’une nouvelle autorité chargée d’enquêter sur les organisations et les personnes considérées comme une « menace pour la souveraineté nationale ».

Discrimination

Personnes LGBTI

Quinze États membres de l’UE et le Parlement européen ont saisi la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour défendre les droits des personnes LGBTI dans le cadre d’une procédure d’infraction en cours contre la loi relative à la « propagande », adoptée en 2022. Cette loi interdisait « la promotion et la représentation de l’homosexualité et du changement de genre » dans les services de médias linéaires. À la fin de l’année 2023, la procédure était toujours en instance.
Les autorités ont commencé à appliquer des sanctions au titre de la « loi sur la propagande », infligeant des amendes aux librairies qui exposaient dans leur rayon de littérature jeunesse des livres évoquant l’homosexualité ou qui ne les vendaient pas sous emballage scellé. Une entreprise a contesté la décision la concernant, et l’affaire était toujours en cours à la fin de l’année.
En juin, la CEDH a jugé que la Hongrie avait violé les droits des personnes transgenres car celles-ci n’avaient pas la possibilité de faire reconnaître leur genre à l’état civil. Cet arrêt portait sur une affaire précédant l’interdiction de la reconnaissance du genre à l’état civil en 2020.
Le Conseil des médias a refusé d’autoriser une publicité télévisée pour la marche et le festival annuels des fiertés de Budapest au motif que celle-ci pouvait « encourager la propagation de l’homosexualité ». Les organisateurs et organisatrices ont présenté un recours contre cette décision, recours qui était toujours en cours d’examen à la fin de l’année.
En juillet, un banc aux couleurs de l’arc-en-ciel inauguré à l’occasion de la marche des fiertés de Budapest a été vandalisé à plusieurs reprises par des supporters d’un club de football et des militants d’extrême droite. Les auteurs y avaient graffé « Stop LGBTQ », en référence à la campagne homophobe et transphobe que menait le gouvernement. Une enquête de police concernant cet acte motivé par la haine était en cours à la fin de l’année.

Femmes

Dans son évaluation périodique de la Hongrie, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes [ONU] a fait état de sa vive inquiétude concernant les droits reproductifs dans le pays, soulignant que l’accès aux avortements sûrs et légaux était limité et que le gouvernement renforçait les stéréotypes de genre.
La Hongrie n’avait toujours pas ratifié la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul), qu’elle avait signée en 2014.
Selon l’indice d’égalité des genres 2023, publié par l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes, la Hongrie était classée à la 26e place sur les 27 États membres de l’UE pour ses performances globales, et à la dernière place dans le domaine du pouvoir.

Roms

Des groupes d’extrême droite ont organisé une série de manifestations dans des quartiers roms dans le but d’intimider les membres de cette communauté. La police n’a pas pris de mesures adéquates pour protéger les Roms contre le harcèlement et les menaces. Cette minorité a cette année encore été victime de racisme et de discrimination dans les domaines de l’emploi, du logement et de l’éducation.

Droits des personnes réfugiées ou migrantes

Le Conseil de l’Europe a adopté une résolution intérimaire exhortant la Hongrie à mettre fin aux expulsions collectives vers la Serbie et à accorder des réparations aux personnes expulsées. Les renvois sommaires de réfugié·e·s et de migrant·e·s se sont poursuivis tout au long de l’année 2023 ; pour atteindre le nombre de 100 108 à la fin du mois de décembre.
En juin, la CJUE a estimé que la Hongrie avait enfreint les règles de l’UE en restreignant l’accès de demandeurs et demandeuses d’asile à une protection, sur son territoire ou à ses frontières. Le gouvernement a maintenu un système instauré en 2020, qui limitait la possibilité de solliciter l’asile en Hongrie en conditionnant l’accès à cette procédure à la soumission préalable d’une « lettre d’intention » à l’ambassade hongroise de Belgrade ou de Kiev, qui devait donner son accord. À la fin de l’année 2023, l’accès à la procédure d’asile n’avait été accordé que dans 16 cas dans le cadre de ce système. Ces restrictions ne s’appliquaient pas aux réfugié·e·s ukrainiens, qui étaient 40 605 à avoir obtenu une protection temporaire depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022.
La CEDH a rendu six arrêts concluant que la Hongrie avait violé les droits de réfugié·e·s et migrant·e·s en les arrêtant arbitrairement et en faisant usage d’une force excessive à la frontière.

Droit à un procès équitable

Le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a adopté en mars une résolution intérimaire condamnant la Hongrie au motif qu’elle n’avait toujours pas appliqué l’arrêt Baka, qui avait été rendu en 2016 pour garantir la liberté d’expression des juges et contrer l’effet dissuasif que la restriction de cette liberté pourrait produire sur eux.
En mai, la Hongrie a adopté d’importantes réformes judiciaires dans l’espoir de pouvoir accéder aux fonds suspendus par l’UE. Ces réformes ont permis de renforcer l’indépendance de la justice et de limiter les prérogatives de l’Office national de la justice, l’organe administratif du système judiciaire, qui était jusque-là doté d’un pouvoir discrétionnaire excessif. Cependant, selon une évaluation réalisée par des ONG, les exigences de l’UE n’avaient toujours pas été pleinement prises en compte.
Plusieurs responsables gouvernementaux et médias progouvernementaux ont continué de jeter le discrédit sur des juges du Conseil national de la magistrature, car ceux-ci avaient dénoncé les politiques gouvernementales portant atteinte à l’indépendance du pouvoir judiciaire.

Droit à un environnement sain

Selon l’Indice de performance climatique (Climate Change Performance Index), la Hongrie s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 50 % d’ici 2030, un objectif inférieur à celui de l’UE, qui préconisait une réduction de 55 % minimum.
Dans plusieurs villes, des personnes ont manifesté devant leurs instances gouvernementales locales contre l’ouverture d’usines par des fabricants de batteries chinois, alors qu’aucune étude approfondie d’impact environnemental n’avait été réalisée.
En application d’un décret pris en septembre par le gouvernement, les entreprises dont les émissions polluantes industrielles ne respectaient pas les exigences environnementales ont été exemptées de sanctions à condition de signer un contrat dans lequel elles s’engageaient à ne plus enfreindre ces règles.

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