Qatar - Rapport annuel 2023

Les autorités ont continué de restreindre le droit à la liberté d’expression et de réduire au silence les voix dissidentes. Les travailleuses et travailleurs migrants étaient toujours victimes de nombreuses violations, notamment de vols de salaires, de travail forcé et d’exploitation, et n’avaient pas suffisamment accès aux mécanismes de plainte et de réparation. Les femmes étaient toujours en butte à des discriminations, dans la législation comme dans la pratique. Des lois discriminatoires faisaient courir aux personnes LGBTI le risque d’être placées en détention.

Liberté d’expression

Les autorités ont continué de restreindre les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique. Des personnes ont notamment été placées arbitrairement en détention pour le seul fait d’avoir exercé leurs droits fondamentaux.
Des militant·e·s ont reçu en 2023 des informations fiables indiquant que la Cour d’appel pénale de la capitale, Doha, avait confirmé à la mi-2022 la condamnation de Hazza et Rashed al Marri. Ces deux frères avocats étaient déclarés coupables d’avoir contesté des lois ratifiées par l’émir, « menacé » celui-ci sur les réseaux sociaux, compromis l’indépendance de l’État, organisé des réunions publiques non autorisées et « porté atteinte » aux valeurs sociales sur Internet. Ils avaient été condamnés à la réclusion à perpétuité en lien avec des discours qu’ils avaient prononcés ou des poèmes qu’ils avaient publiés en ligne, dans lesquels ils critiquaient la loi électorale du pays, qui était discriminatoire envers les membres de la tribu al Murra.
Deux militants emprisonnés pour des publications en ligne ont été remis en liberté à l’issue de leur peine. L’un d’eux, Abdullah al Mohannadi, a été libéré en août après avoir purgé une peine de huit mois de prison pour des publications et actes militants relatifs à la campagne nationale pour les citoyen·ne·s subissant une interdiction de voyager. Il restait toutefois sous le coup d’une telle interdiction.

Droits des personnes migrantes

Des travailleuses et travailleurs migrants ont cette année encore été victimes de graves violations, notamment des vols de salaires, des restrictions pour changer d’emploi, et des mécanismes de plainte et de réparation inadaptés.
Des centaines de vigiles et agents de sécurité embauchés par la société qatarienne Teyseer Security Services, qui avaient effectué un nombre d’heures excessif, sans jours de repos, sur les sites de la Coupe du monde 2022 organisée par la Fédération internationale de football (FIFA), ont manifesté quelques jours avant la fin de leur contrat pour réclamer le paiement de tout ce qui leur était dû[1]. Certains ont déclaré à Amnesty International que des représentants de Teyseer et du gouvernement leur avaient promis qu’ils seraient indemnisés, une promesse qui n’a pas été tenue.
Selon l’OIT, le salaire minimum mensuel au Qatar demeurait trop bas pour que les travailleuses et travailleurs puissent avoir un niveau de vie suffisant ou se sortir d’une situation de servitude pour dettes causée par le paiement de frais de recrutement illégaux.
Les autorités qatariennes ont semble-t-il appliqué la législation relative au stress thermique pour le travail en extérieur dans le secteur du bâtiment, mais pas dans le secteur de la sécurité.
Les travailleuses et travailleurs migrants continuaient de se heurter à des obstacles bureaucratiques lorsqu’ils voulaient changer de travail sans l’autorisation de leur employeur, alors même que la loi n’imposait plus d’obtenir une telle autorisation.
Dans le secteur des travaux domestiques, qui employait principalement des femmes, les travailleuses logées au domicile de leur employeur·euse restaient exposées à des conditions de travail difficiles et à des atteintes aux droits humains, le gouvernement n’ayant toujours pas mis en œuvre les mesures de protection introduites en 2017.
Contrairement aux employé·e·s de nationalité qatarienne, les travailleuses et travailleurs migrants n’avaient toujours pas le droit de créer de syndicat ni d’y adhérer.


Droit à la vérité, à la justice et à des réparations

Un certain nombre d’obstacles continuaient d’empêcher les travailleuses et travailleurs migrants d’accéder à la justice et de recevoir des réparations pour diverses atteintes à leurs droits, en particulier celles commises par le passé. Ces personnes se heurtaient notamment à des retards pouvant aller jusqu’à un an dans la procédure judiciaire, à la barrière de la langue, au non-versement des sommes dues lorsque la justice leur donnait raison, à l’exclusion de certaines violations comme le paiement de frais de recrutement illégaux, et à l’impossibilité d’accéder à la justice à distance après avoir quitté le pays.
Les autorités n’ont pas publié les chiffres 2023 du fonds public d’indemnisation pour les travailleuses et travailleurs, mais elles ont déclaré à Amnesty International que ce fonds avait « augmenté ses versements », sans apporter d’informations pour étayer cette affirmation. Le plafond d’indemnisation, fixé à 5 500 dollars des États-Unis par travailleur·euse, ne permettait pas à certain·e·s de recevoir l’intégralité des salaires qui leur étaient dus[2].
Les autorités n’enquêtaient toujours pas efficacement sur les décès de travailleuses et travailleurs migrants, et n’obligeaient ni les employeurs ni les pouvoirs publics à rendre des comptes pour ces morts. Cela empêchait d’établir si les décès étaient liés au travail et privait les familles de la possibilité d’être indemnisées. Le Qatar et la FIFA, instance dirigeante du football mondial, n’ont pas pris les mesures qui s’imposaient de longue date pour garantir des réparations, notamment sous la forme d’indemnisation, aux nombreuses personnes dont les droits ont été bafoués pendant dix ans alors qu’elles travaillaient sur des projets liés à la Coupe du monde de football 2022.

Droits des femmes

Les femmes étaient toujours en butte à des discriminations, dans la législation et dans la pratique. En vertu du système de tutelle masculine, elles étaient tenues d’obtenir la permission d’un tuteur, généralement leur mari, père, frère, grand-père ou oncle, pour se marier, étudier à l’étranger avec une bourse d’État, occuper de nombreux postes de la fonction publique, voyager à l’étranger (si elles avaient moins de 25 ans) et accéder à des soins de santé reproductive.
Même si le droit de la famille indiquait que le mari ne devait pas « blesser physiquement ou moralement » son épouse, la loi ne protégeait toujours pas suffisamment les femmes de la violence domestique.

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes

La législation qatarienne contenait des dispositions discriminatoires à l’égard des membres de la communauté LGBTI, et les autorités continuaient de placer des personnes en détention uniquement en raison de leur orientation sexuelle ou de leur expression de genre.
Le Code pénal érigeait en infractions un certain nombre d’actes sexuels librement consentis entre adultes de même sexe. Son article 296(3) prévoyait ainsi une peine d’emprisonnement pour toute personne qui « conduisait ou incitait un homme de quelque façon, y compris par la séduction, à commettre un acte de sodomie ou de débauche », et son article 296(4) rendait passible de prison le fait de « provoquer ou séduire un homme ou une femme, de quelque façon, dans le but de commettre des actes contraires à la morale ou à la loi ».
« C’est quelque chose d’inacceptable dans notre religion », a déclaré le Premier ministre, interrogé sur les droits des personnes LGBTI, dans une interview diffusée en septembre. « Nul n’a à craindre pour sa sécurité, à condition de respecter la loi dans les lieux publics. »

Droit à un environnement sain

Le Qatar faisait toujours partie des cinq pays du monde émettant le plus de CO2 par habitant·e. Le pays a également augmenté sa production de gaz naturel liquéfié et a signé en juin un accord d’approvisionnement sur 27 ans avec des compagnies pétrolières de Chine et d’Europe.

[1]« Qatar. Des centaines de travailleurs migrants employés comme agents de sécurité lors de la Coupe du monde de la FIFA n’ont pas obtenu justice pour les atteintes subies », 15 juin
[2]A Legacy in Jeopardy : Continuing Abuses of Migrant Workers in Qatar One Year After the World Cup, 16 novembre

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