Koweït. Une loi relative à l’application de la peine de mort pour blasphème violerait le droit international

Amnesty International exhorte l’émir du Koweït, le cheikh Sabah al Ahmed al Jaber al Sabah, à rejeter un projet de loi adopté dernièrement par le Parlement koweïtien qui rendrait le blasphème passible de la peine de mort.

Comme l’a récemment affirmé le Comité des droits de l’homme des Nations unies, les lois relatives au blasphème ou interdisant le manque de respect envers un système religieux ou fondé sur une autre forme de croyance sont incompatibles avec les obligations internationales des États en matière de droits humains. L’application de la peine de mort pour blasphème constituerait une violation flagrante du droit international.

Si cette loi entre en vigueur, tout musulman qui, par le biais d’une quelconque forme d’expression, insulte Dieu, ses prophètes, ses messagers, les épouses du prophète Mahomet ou le Coran sera passible de la peine capitale s’il ne se repent pas. Si le prévenu se repent publiquement, une peine d’au moins cinq ans d’emprisonnement et/ou une amende équivalente à environ 28 000 euros sera prononcée à son encontre. Les récidivistes seront obligatoirement condamnés à mort. Les non-musulmans qui commettent un blasphème encourront 10 ans de prison, et la même peine est prévue pour les personnes qui « se décrivent comme des nouveaux prophètes ou messagers de Dieu ».

L’article 111 du Code pénal koweïtien interdit actuellement le dénigrement de la religion et prévoit jusqu’à un an d’emprisonnement et une amende pour cette infraction.

Le projet de loi, qui introduirait selon certaines sources deux nouveaux articles dans le Code pénal, a été rapidement présenté et adopté par la Commission parlementaire des affaires législatives et juridiques du Koweït à la suite de l’arrestation de Hamad al Naqi, un membre de la minorité chiite du pays accusé d’avoir insulté le prophète Mahomet sur Twitter.

Cet homme est actuellement détenu provisoirement pour « diffamation envers le Prophète », infraction qu’il est accusé d’avoir commise dans des messages publiés sur le site de réseau social en mars dernier. Il nie être l’auteur de ces écrits et affirme que quelqu’un a piraté son compte Twitter.

Amnesty International demande sa libération immédiate et sans condition. Si son compte Twitter a effectivement été piraté, aucun fait ne peut lui être reproché. S’il a publié ces tweets, alors, Hamad al Naqi est un prisonnier d’opinion détenu uniquement pour avoir exercé pacifiquement son droit à la liberté d’expression et les poursuites engagées contre lui au titre de l’article 111 du Code pénal doivent être abandonnées.

Complément d’information

Le Parlement du Koweït a voté en faveur d’une extension du champ d’application de la peine de mort en modifiant l’article 111 du Code pénal, au cours d’une deuxième lecture le 3 mai faisant suite à un premier vote favorable le 12 avril.

S’il est approuvé par le chef d’État koweïtien, ce texte entrera alors en vigueur après avoir été publié au Journal officiel sous un mois après son approbation. Si l’émir ne l’approuve pas, le projet de loi sera renvoyé devant le Parlement où, si les deux tiers des députés votent à nouveau en sa faveur, il deviendra une loi.

Les normes internationales en matière de droits humains incitent les États à progresser vers l’abolition complète de la peine capitale et disposent que, dans les endroits où il continue d’être appliqué, ce châtiment ne peut être prononcé que pour les crimes les plus graves, à l’issue de procédures conformes aux garanties internationales relatives à l’équité des procès, et il ne peut pas être impérativement prévu par la loi.

L’article 6-2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel le Koweït est partie, énonce que « [d]ans les pays où la peine de mort n’a pas été abolie, une sentence de mort ne peut être prononcée que pour les crimes les plus graves… » Les organes internationaux ont interprété cette disposition comme désignant les crimes intentionnels ayant entraîné la mort. Les « infractions » à caractère religieux telles que le blasphème n’entrent pas dans la catégorie des « crimes les plus graves ».

Le droit international relatif aux droits humains, en particulier les articles 18 et 19 du PIDCP, proclame en outre le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, ainsi qu’à la liberté d’opinion et d’expression. Toute limite imposée à l’exercice de ces droits doit être prévue par la loi et n’est permise que s’il peut être prouvé qu’elle est nécessaire et proportionnée en vue de protéger certains intérêts publics ou les droits et libertés d’autrui. La protection de concepts abstraits ou de croyances religieuses ou autres, de leurs déités, de leurs figures vénérées ou des sensibilités religieuses de leurs adeptes n’est pas une raison acceptable pour restreindre la liberté d’expression.

Le Comité des droits de l’homme, l’organe d’experts chargé de veiller à l’application du PIDCP, a souligné que les lois relatives au blasphème sont incompatibles avec ce traité international, excepté dans les circonstances particulières envisagées en vertu de l’interdiction par le PIDCP des appels à la haine constituant une incitation. En novembre 2011, le Comité des droits de l’homme a engagé le Koweït à « revoir sa législation relative au blasphème et les lois connexes […] afin de les rendre entièrement compatibles avec le [PIDCP] ».

Amnesty International s’oppose en toutes circonstances et sans aucune exception à la peine de mort, qui constitue le châtiment le plus cruel, le plus inhumain et le plus dégradant qui soit, ainsi qu’une violation du droit à la vie tel qu’il est reconnu par la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Pour en savoir plus, veuillez consulter le document suivant

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit