Communiqué de presse

Un an après l’arrêt rendu dans l’affaire M.S.S., la Grèce continue de bafouer les droits humains des demandeurs d’asile

Alors que plus d’un an s’est écoulé depuis l’arrêt historique rendu par la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire M.S.S. c. Belgique et Grèce, Amnesty International demeure vivement préoccupée par le traitement réservé aux demandeurs d’asile en Grèce.

L’organisation s’inquiète vivement du fait que les demandeurs d’asile sont systématiquement détenus pendant des périodes prolongées pouvant atteindre six mois. Plus particulièrement, le placement en détention des enfants demandeurs d’asile non accompagnés ou séparés de leur famille se poursuit. Ils sont bien souvent retenus pendant des périodes prolongées, jusqu’à ce qu’une place leur soit trouvée dans un centre d’accueil pour mineurs.

Par ailleurs, Amnesty International est fortement préoccupée par les conditions de détention dans plusieurs centres de l’immigration et postes de police où les demandeurs d’asile, y compris les enfants non accompagnés ou séparés de leur famille, sont retenus. Fin novembre 2011, des délégués de l’organisation se sont rendus dans le centre de détention pour migrants d’Amygdaleza, destiné à accueillir des garçons non accompagnés ou séparés de leur famille. Les détenus, tous mineurs, y séjournent pendant des périodes prolongées, dans des conditions déplorables. Ils dorment dans des lits sur socles, sans oreillers, sur des matelas vieux et sales. Ils ont raconté aux délégués d’Amnesty International qu’ils n’étaient autorisés à sortir faire de l’exercice qu’une fois par semaine. Un mois avant cette visite, certains mineurs avaient mis le feu à leurs matelas pour protester contre leur maintien prolongé en détention. Sept d’entre eux avaient alors dû être hospitalisés. Avant cela, en mai 2011, Amnesty International s’est rendue dans les postes de garde-frontières de Ferres, Soufli et Tihero, dans le centre pour migrants de Filakio dans la région d’Evros, et dans les postes de police athéniens d’Exarheia, d’Omonoia et d’Aghios Panteleimon. À Soufli, Tihero et Filakio, et dans une cellule du poste d’Exarheia, les délégués ont constaté des conditions à la fois inhumaines et dégradantes, tandis qu’ailleurs elles étaient déplorables.

La grande majorité des demandeurs d’asile, notamment les mineurs non accompagnés, sont laissés sans ressources, privés de tout soutien de la part des autorités. Ils se retrouvent à dormir dehors ou dans des conditions totalement inadéquates. Il est à noter que cela s’inscrit dans un contexte où, au cours des huit derniers mois, les agressions à caractère raciste contre les réfugiés, les demandeurs d’asile et les migrants se sont multipliées.

À la lumière de tous ces éléments, Amnesty International est vivement préoccupée par la pénurie de centres d’accueil et par leur capacité globale insuffisante pour héberger les demandeurs d’asile, notamment les mineurs non accompagnés ou séparés de leur famille.

Elle estime que, malgré la création annoncée de deux nouveaux centres à Athènes, le nombre total de lits disponibles demeure extrêmement limité à l’aune des besoins réels.

Par ailleurs, les cas de refoulement demeurent préoccupants. Selon certaines informations, aux mois de septembre et d’octobre 2011, sept demandeurs d’asile ont été renvoyés de force vers la Turquie à des dates différentes, alors qu’ils avaient exprimé le souhait de solliciter l’asile et que le Conseil grec pour les réfugiés en avait informé les autorités.

Autre point très préoccupant, les sérieuses difficultés concernant l’accès aux procédures de demande d’asile. Selon des informations parvenues à Amnesty International, tous les samedis, devant le bâtiment de la Direction des étrangers d’Attika, à Athènes, en dépit du très grand nombre de demandeurs d’asile qui attendent pour remettre leur dossier, les autorités de la Direction n’enregistrent qu’un très petit nombre de demandes. Très récemment, le président de la communauté afghane en Grèce a indiqué qu’au cours des deux derniers mois la police de la Direction d’Attika n’avait enregistré aucune demande des personnes faisant la queue devant le bâtiment, à l’exception des quelques rares personnes en mesure de s’offrir les services d’un avocat pour préparer et déposer en leur nom une demande d’asile. L’organisation déplore que la Direction des étrangers ait semble-t-il refusé de prendre en compte les dossiers de 25 demandeurs d’asile qui étaient accompagnés par des représentants d’organisations non gouvernementales (ONG).

Si l’organisation considère comme positive l’adoption de nouvelles lois prévoyant la mise sur pied d’une nouvelle autorité chargée d’examiner les demandes d’asile, elle craint que les difficultés financières de la Grèce et le gel des embauches de fonctionnaires ne compromettent son bon fonctionnement. En attendant que cette nouvelle autorité ne commence à travailler, le rôle de la police comme unique autorité en charge des premières phases de l’examen des demandes de protection internationale demeure préoccupant.

Amnesty International est pleinement consciente des difficultés économiques de la Grèce et des défis qu’elle doit relever depuis quelques années face aux mouvements migratoires mixtes. Cependant, elle s’interroge sur l’incapacité des autorités grecques à utiliser dûment les ressources mises à la disposition de la Grèce par l’Union européenne afin de proposer des conditions d’accueil correctes lors des arrivées et d’évaluer les besoins en termes de protection.

Complément d’information

Dans son arrêt rendu le 21 janvier 2011 dans l’affaire M.S.S. c. Belgique et Grèce, qui concernait un demandeur d’asile afghan nommé M.S.S., que les autorités belges avaient renvoyé en Grèce au titre du Règlement Dublin II, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a conclu, entre autres, que la Grèce ne disposait pas d’un système d’asile efficace. La Cour a notamment estimé que M.S.S. n’avait pas bénéficié d’une véritable procédure de demande d’asile, en raison des déficiences structurelles majeures du système en vigueur. Enfin, la Cour a statué que les conditions de détention de M.S.S. et les conditions de dénuement dans lesquelles il vivait en Grèce à sa libération s’apparentaient à un traitement dégradant et inhumain.
La Cour de justice de l’Union européenne a réitéré les conclusions de l’affaire M.S.S. dans des arrêts rendus le 21 décembre 2011. Dans deux affaires connexes, elle a conclu que les demandeurs d’asile transférés vers la Grèce en vertu du Règlement Dublin II risquaient de subir de graves atteintes aux droits humains.

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