Indonésie

De violents affrontements se sont produits toute l’année en Papouasie et la population de cette région était toujours en butte à de sérieuses restrictions de ses droits à la liberté d’expression et de réunion. Dans l’ensemble de l’archipel, des policiers se seraient livrés à des actes de torture et à d’autres mauvais traitements, et auraient eu recours de manière excessive ou injustifiée à la force. Plusieurs cas d’homicides illégaux ont ainsi été relevés. Le système judiciaire n’était toujours pas à même de résoudre le problème de l’impunité dont jouissaient les auteurs d’atteintes aux droits humains, passées et présentes. Aucune exécution n’a été signalée cette année. Une nouvelle disposition autorisant la lapidation a cependant été adoptée dans la province de l’Aceh. Des agressions contre les défenseurs des droits humains ont été déplorées cette année encore. On dénombrait au moins 114 prisonniers d’opinion. La nouvelle loi sur la santé comportait des dispositions contraires au principe d’égalité en matière d’accès aux services de santé maternelle.

RÉPUBLIQUE D’INDONÉSIE
CHEF DE L’ÉTAT ET DU GOUVERNEMENT : Susilo Bambang Yudhoyono
PEINE DE MORT : maintenue
POPULATION : 230 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 70,5 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 37 / 27 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 92 %

Contexte

Des élections législatives ont eu lieu au mois d’avril, suivies en juillet par le scrutin présidentiel. Susilo Bambang Yudhoyono a été réélu au premier tour à la tête de l’État pour un second mandat de cinq ans. Les élections se sont déroulées sans incidents majeurs, hormis en Papouasie.
En juillet, deux attentats à la bombe ont fait au moins neuf morts à Djakarta.

Liberté d’expression

Au moins 114 personnes ont été arrêtées et placées en détention parce qu’elles avaient exprimé, pourtant sans violence, leurs opinions. Dans leur immense majorité, il s’agissait de militants condamnés à des peines d’emprisonnement pour avoir brandi des drapeaux indépendantistes dans l’archipel des Moluques ou en Papouasie.
 ?Buce Nahumury a été condamné en mars à quatre ans d’emprisonnement pour avoir participé, en juin 2007 à Amboine (Moluques), à une danse cakalele pacifique. Pendant cette danse, le drapeau « Benang Raja », emblème du mouvement pour l’indépendance du sud des Moluques, avait été déployé devant le président de la République. Tous les autres danseurs de la troupe, soit 22 personnes, purgeaient eux aussi des peines allant de sept à 20 ans d’emprisonnement.
Cette année encore, des défenseurs des droits humains ont été la cible d’actes d’intimidation et de harcèlement. Au moins sept militants étaient poursuivis en diffamation et encouraient une peine d’un peu plus de cinq ans d’emprisonnement aux termes du Code pénal. La plupart des affaires d’atteintes aux droits humains perpétrées contre des défenseurs de ces droits (torture, meurtre et disparition forcée, entre autres) n’avaient pas été élucidées, et ces crimes restaient impunis.
Bien que deux personnes aient été reconnues coupables d’avoir participé au meurtre de Munir Said Thalib (plus connu sous le simple nom de Munir), personnalité en vue du mouvement de défense des droits humains, un certain nombre d’allégations cré-dibles laissaient penser que les commanditaires du crime étaient toujours en liberté. Munir Said Thalib est mort empoisonné le 7 septembre 2004.

Liberté de religion

Les minorités religieuses restaient exposées à d’éventuelles violences de la part d’acteurs non étatiques et souffraient de diverses discriminations.
Les étudiants de l’université chrétienne Sekolah Tinggi Ilmu Teologi Injil Arastamar (STT Setia) vivaient et étudiaient toujours dans des locaux provisoires et rudimentaires. Ils avaient été évacués de Pulo, à Pinang Ranti, une division administrative du sous-district de Makassar (Djakarta-Est), après avoir été attaqués, en juillet 2008, par des militants du Front des défenseurs de l’islam (FPI). En octobre 2009, 17 étudiants au moins ont entamé une grève de la faim pour protester contre un projet d’expulsion vers un site encore moins adapté, selon eux, aux besoins d’un établissement d’enseignement. À la fin de l’année, les étudiants de l’université STT Setia étudiaient et résidaient toujours dans des installations temporaires à Djakarta.

Papouasie

Les élections législatives et présidentielle ont été marquées par une nette recrudescence de la violence, dans un climat ambiant de peur et de menaces. Selon certaines informations, les forces de sécurité ont fait preuve d’une brutalité injustifiée ou excessive lors de manifestations. Des personnes interpellées auraient été maltraitées, voire torturées, au moment de leur arrestation ainsi que pendant leur interrogatoire et leur détention. Des membres de ces mêmes forces de sécurité se seraient également rendus coupables de meurtres. Le droit d’expression et de réunion pacifique a par ailleurs fait l’objet de restrictions draconiennes.
 ?Le 6 avril, des policiers ont ouvert le feu sur des manifestants à Nabire, une ville de la province de Papouasie, blessant au moins sept personnes, dont un garçon de 10 ans qui a été atteint d’une balle alors qu’il rentrait de l’école. Un policier a également été blessé par une flèche. Les policiers ont en outre frappé et malmené Monika Zonggonau, Abet Nego Keiya et 15 autres militants politiques au moment de leur arrestation et pendant leur garde à vue. Le corps d’Abet Nego Keiya a été retrouvé le 9 avril à Waharia, une sous-division du district de Nabire.
 ?Condamnés respectivement à 15 et 10 ans d’emprisonnement, les détenus d’opinion Filep Karma et Yusak Pakage étaient toujours incarcérés. Ces deux hommes avaient été condamnés en 2005 pour avoir brandi le drapeau emblème de l’indépendance papoue.

Police

La torture était toujours aussi fréquente, que ce soit au moment des interpellations, pendant les interrogatoires ou, plus généralement, durant la garde à vue. Les personnes soupçonnées d’infractions de droit commun et appartenant aux couches les plus pauvres et les plus défavorisées de la société, ainsi que les militants politiques pacifiques, risquaient tout particulièrement de faire l’objet de violences de la part de la police, qui n’hésitait pas à faire un usage injustifiée ou excessif de la force, entraînant dans certains cas la mort des victimes. La torture et, plus généralement, les mauvais traitements étaient également monnaie courante. De plus, la police manquait souvent à son devoir de protection des manifestants et des membres des minorités religieuses.
 ?Au mois de janvier, au moins 75 habitants de Suluk Bongkal, un village de la province de Riau, ont été inculpés d’appropriation illégale de biens fonciers. La police avait arrêté ces personnes en décembre 2008, après les avoir expulsées de force. Elles ont été condamnées en août à 10 mois d’emprisonnement et à une amende d’un million de rupiahs indonésiennes (environ 78 euros). À la fin de l’année, elles n’avaient reçu ni indemnisation ni réparation. On ne leur avait pas non plus proposé de solution de relogement acceptable.
Un nouveau règlement codifiant l’usage de la force par la police a été promulgué au mois de janvier (n° 1/2009). Ce texte était dans ses grandes lignes conforme aux Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois [ONU]. Un autre règlement prévoyant la mise en œuvre des principes relatifs aux droits humains au sein de la police a été promulgué en juin (n° 8/2009). Les mécanismes internes et externes destinés à garantir que les policiers responsables d’abus rendent des comptes restaient cependant peu efficaces.

Impunité

Rien n’a été fait pour en finir avec l’impunité dont jouissaient les auteurs des graves atteintes aux droits humains commises dans le passé, entre autres dans l’Aceh, en Papouasie et au Timor-Leste. Le gouvernement a poursuivi sa politique de réconciliation avec le Timor-Leste, sacrifiant au passage les exigences de justice pour les crimes perpétrés de 1975 à 1999, pendant l’occupation indonésienne de ce qui était à l’époque le Timor oriental.
 ?Le gouvernement indonésien s’est ingéré en août dans le processus judiciaire timorais, en faisant pression sur son homologue de Dili pour qu’il libère Martenus Bere, un ancien chef de milice inculpé d’extermination de la population civile de la ville de Suai, ainsi que de plusieurs autres crimes contre l’humanité commis en 1999. Martenus Bere a été autorisé en octobre à regagner le Timor occidental, qui fait partie de l’Indonésie, avant que son procès ait pu avoir lieu dans des conditions équitables devant un tribunal indépendant.
Plus de 300 personnes inculpées par la Commission spéciale pour les crimes graves au Timor-Leste [ONU], entre autres pour crimes contre l’humanité, étaient toujours en liberté, hors d’atteinte de la justice timoraise. La plupart d’entre elles se trouvaient vraisemblablement en Indonésie. Le gouvernement refusait d’extrader les inculpés, au motif qu’il ne reconnaissait pas le droit de l’ONU de juger au Timor-Leste des citoyens indonésiens.
Au mois de septembre, la Commission spéciale de la Chambre des Représentants du peuple chargée des disparitions survenues en 1997-1998 a instamment prié le gouvernement de mettre en place un tribunal des droits humains ad hoc, dont la mission serait de juger les responsables présumés de disparitions forcées. Cette même Commission a également invité le gouvernement à ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Le pouvoir exécutif n’avait cependant pas donné suite à ces recommandations à la fin de l’année.

Peine de mort

Aucune exécution n’a été signalée. Au moins 117 per-sonnes étaient sous le coup d’une condamnation à mort en Indonésie.
Au mois de septembre, le Parlement régional de l’Aceh a adopté un Code pénal islamique, d’application locale, qui prévoyait notamment la peine de mort par lapidation pour les personnes convaincues d’adultère et une peine pouvant aller jusqu’à 100 coups de canne pour celles qui seraient reconnues coupables d’homosexualité. Bien que le gouverneur de l’Aceh ait refusé de signer ce texte, il est entré automatiquement en vigueur en octobre.

Droit à la santé

Les taux de mortalité maternelle restaient élevés, en particulier dans les catégories les plus pauvres et défavorisées de la population.
Une nouvelle loi sur la santé a été adoptée en septembre. Contrairement au Code pénal, elle autorisait l’interruption de grossesse dans certaines circonstances. L’avortement était permis lorsque la vie de la mère ou de l’enfant était menacée, ou lorsque la grossesse était le résultat d’un viol ayant entraîné un traumatisme psychologique pour la victime. Certaines ONG locales ont critiqué cette nouvelle loi, au motif qu’elle introduisait une discrimination contre les célibataires, notamment en matière d’accès à l’information sur la sexualité et la procréation.

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