Rapport Annuel 2016

Guatémala

République du Guatemala
Chef de l’État et du gouvernement : Alejandro Maldonado Aguirre (a remplacé Otto Pérez Molina en septembre)

Le président et la vice-présidente ont démissionné et ont été placés en détention pour des accusations de corruption. D’importants progrès ont été réalisés en faveur du respect de l’obligation de rendre des comptes, mais la justice restait un objectif difficilement atteignable pour les victimes des violations des droits humains et des crimes de droit international commis au cours du conflit armé interne. Des défenseurs des droits humains, notamment des défenseurs de l’environnement et du droit à la terre opposés à des projets miniers et hydroélectriques, ainsi que des journalistes ont été menacés, agressés, harcelés et intimidés. Les femmes et les filles étaient toujours en butte à une violence endémique.

CONTEXTE

Le Guatemala a été ébranlé, en avril, par les révélations de la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala et du Bureau du procureur au sujet de faits de corruption de grande ampleur impliquant le service des douanes. Plus d’une dizaine de hauts responsables ont été arrêtés et mis en accusation pour leur participation présumée à ces faits, notamment la vice-présidente Roxana Baldetti. En septembre, le président Pérez Molina a démissionné, un jour après que le Congrès eut levé son immunité. Otto Pérez Molina a été le premier président en exercice à faire l’objet de poursuites pénales.
Le scandale a pris de l’ampleur au cours des mois qui ont suivi, et la contestation publique s’est intensifiée. D’importantes manifestations contre la corruption se sont déroulées pendant plusieurs mois dans un certain nombre de villes, rassemblant de façon inédite différents groupes et secteurs de la société. Cependant, dans ce contexte de mobilisation sociale, de manifestations et d’activités civiques intenses, les participants ont fait l’objet de menaces et d’actes d’intimidation.
En septembre, Alejandro Maldonado Aguirre, ancien juge de la Cour constitutionnelle, a prêté serment en tant que président. L’élection présidentielle avait été programmée avant que le scandale n’éclate et le premier tour s’est déroulé en septembre. James Ernesto Morales Cabrera est sorti vainqueur du second tour, en octobre, et il devrait prendre ses fonctions en janvier 2016.

IMPUNITÉ

Les progrès pour obtenir vérité, justice et réparations pour les violations des droits humains et les crimes de droit international commis au cours du conflit armé interne, entre 1960 et 1996, demeuraient lents et hésitants. Cependant, des étapes importantes ont été franchies pour amener les responsables présumés à rendre compte de leurs actes. En octobre, une cour d’appel de la ville de Guatemala a estimé qu’un décret d’amnistie datant de 1986 ne pouvait pas s’appliquer aux crimes contre l’humanité et aux génocides. Les poursuites judiciaires contre l’ancien président et chef d’état-major des armées José Efraín Ríos Montt ont ainsi pu se poursuivre.
En août, le Tribunal de haut risque a estimé que José Efraín Ríos Montt devait être jugé à huis clos dans le cadre d’une procédure pénale spécifique devant débuter en janvier 20161. L’ancien président sera représenté par un tiers au cours du procès, et le tribunal n’est pas habilité à prononcer de peine d’emprisonnement en raison des problèmes de santé de l’accusé, âgé de 89 ans. En janvier, un tribunal civil de Guatemala a reconnu Pedro García Arredondo, ancien chef d’une unité de la police nationale aujourd’hui dissoute, coupable d’avoir orchestré l’incendie de l’ambassade d’Espagne de la ville, qui avait fait 37 morts en 1980. Il a été condamné à une peine de 90 ans d’emprisonnement pour meurtre, tentative de meurtre et crimes contre l’humanité2.
Des organisations de la société civile ont continué de militer en faveur de l’adoption de la Loi n° 3590 relative à la création d’une commission nationale pour la recherche des victimes de disparition forcée et d’autres formes de disparition. La loi avait été présentée pour la première fois devant le Congrès en 2006.

DÉFENSEURS DES DROITS HUMAINS

Des défenseurs des droits humains, en particulier des dirigeants et des manifestants indigènes qui défendaient l’environnement et leurs droits à la terre en s’opposant à d’énormes projets hydroélectriques et miniers, ont été agressés, menacés, harcelés et victimes de manœuvres d’intimidation tout au long de l’année.
L’organisation guatémaltèque de défense des droits humains UDEFEGUA a rassemblé des informations sur 337 actes d’agression contre des défenseurs des droits humains au cours du premier semestre de 2015 ; ce chiffre était supérieur à celui enregistré pour l’ensemble de l’année 2012, année où le président Pérez Molina était entré en fonction. Le nombre d’agressions recensées a augmenté de plus de 166 % au cours de son mandat, d’après l’UDEFEGUA. Toujours selon l’UDEFEGUA, près de 71 % de l’ensemble des agressions et actes d’intimidation recensés commis contre des défenseurs des droits humains au cours du premier semestre de 2015 visaient des dirigeants et des militants indigènes qui travaillaient sur des questions relatives aux droits fonciers et à l’environnement. Des dirigeants de mouvements d’opposition à des projets hydroélectriques dans le département de Huehuetenango ont été arrêtés arbitrairement et jugés dans le cadre de procès qui, d’après des associations locales, ont été entachés d’irrégularités et de violations des garanties prévues par la loi.
D’après l’UDEFEGUA, huit défenseurs des droits humains se trouvaient en prison à la fin de l’année.

LIBERTÉ D’EXPRESSION – JOURNALISTES

En mars, Danilo López, correspondant de Prensa Libre, et Federico Salaza, reporter de Radio Nuevo Mundo, ont été abattus par des hommes armés dans un parc à Mazatenango, la capitale du département de Suchitepéquez. Danilo López, qui d’après les autorités était probablement la cible de cette attaque, avait souvent fait l’objet de menaces en raison de ses articles sur la corruption du gouvernement local. Peu avant sa mort, il enquêtait sur une affaire de blanchiment d’argent. Les autorités ont arrêté plusieurs personnes qu’elles ont accusées d’avoir commis ou planifié ces meurtres, dont deux policiers. Cependant, personne n’a été accusé de les avoir commandités. À la fin de l’année, on ne savait toujours pas qui se trouvait derrière cette attaque, et l’enquête était toujours en cours.

CONFLITS FONCIERS

En juillet, une cour d’appel a suspendu les activités de la mine d’or contestée d’El Tambor, en attendant que d’autres consultations soient organisées avec les communautés concernées. Dans une autre affaire, en septembre, un tribunal pénal a suspendu les activités d’une entreprise produisant de l’huile de palme dans le département de Petén, dans l’attente d’un complément d’enquête sur la responsabilité présumée de cette entreprise dans la pollution d’un fleuve. Dans les deux affaires, des militants et des défenseurs des droits humains ont été menacés et agressés, et ont fait l’objet d’actes d’intimidation.

VIOLENCES FAITES AUX FEMMES ET AUX FILLES

L’Institut médicolégal national a indiqué que 766 femmes avaient été victimes de meurtre au cours de l’année, contre 774 en 2014. D’après le ministère public, les violences faites aux femmes ont constitué le crime le plus fréquemment signalé dans le pays en 2013 et 2014. Le Guatemala n’a toujours pas appliqué la décision prise en 2014 par la Cour interaméricaine des droits de l’homme concernant l’affaire María Isabel Véliz Franco, âgée de 15 ans au moment de sa mort en 2001. La Cour avait reconnu le Guatemala responsable de cet homicide lié au genre et de l’absence d’enquête, de poursuites et de sanctions à l’encontre des responsables.
Dans son verdict, la Cour avait demandé aux autorités de mener une enquête efficace, de présenter des excuses publiques et de renforcer les institutions de l’État pour qu’elles puissent enquêter sur les affaires de violences liées au genre et poursuivre les responsables. L’indemnisation due aux victimes, notamment à la mère de María Isabel Véliz Franco, n’avait toujours pas été versée à la fin de l’année.

1.Guatemala. L’affaire Ríos Montt révèle les failles du système judiciaire (nouvelle, 25 août)
2.Guatemala. Justice a enfin été faite pour l’attentat contre l’ambassade d’Espagne commis en 1980 (communiqué de presse, 20 janvier)

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