3.Améliorer la situation des droits humains : mettre un terme aux exécutions

Pour que le bilan des Jeux soit positif, et conformément au principe fondamental olympique de préservation de la dignité humaine, il faut que la Chine renonce à détenir le record du monde des exécutions. Dans un premier temps, ce pays doit rendre public le nombre réel des personnes exécutées et restreindre radicalement le champ d’application de la peine de mort.

La peine de mort est une violation du droit à la vie et bafoue l’interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains et dégradants. Elle constitue une atteinte à la dignité humaine. Ces considérations sont valables aussi bien pour le système de la peine capitale que pour les conditions de détention des condamnés à mort en Chine.

Le 1er janvier 2007, le gouvernement a mis en œuvre une importante réforme en rétablissant la validation par la Cour populaire suprême de toutes les condamnations à mort prononcées en Chine. Amnesty International appelle les autorités chinoises à s’appuyer sur cette réforme pour améliorer la transparence du système, d’une part en veillant à ce que les familles et les avocats des condamnés à mort soient informés du déroulement des affaires et puissent rencontrer les condamnés, et d’autre part en rendant public le nombre total d’exécutions dans le pays. Elle demande aux autorités de limiter la portée de la peine de mort, dans l’attente d’une abolition totale en droit.

Améliorer la transparence à propos de la peine capitale

« La publication des statistiques sur la peine de mort protégerait le droit légitime des citoyens de comprendre et d’appréhender la situation relative à cette peine en Chine. » Professeur Zhao Bingzhi, spécialiste du droit pénal chinois.

Depuis le 1er janvier 2007, la Cour populaire suprême est de nouveau officiellement chargée de valider toutes les condamnations à mort prononcées en Chine. Amnesty International se félicite de cette évolution. Certains juristes chinois ont affirmé que le rétablissement du contrôle de la Cour populaire suprême entraînerait probablement une diminution de 20 à 30 p. cent du nombre d’exécutions en Chine. Cependant, en raison du manque de transparence, il est difficile d’évaluer les véritables effets de cette mesure.

L’absence de transparence reste aussi une préoccupation de premier ordre pour les familles des personnes condamnées à mort et exécutées :

    • La famille de Nie Shubin continue de se battre pour obtenir une indemnisation à la suite de l’exécution, en 1995, de cet homme injustement condamné pour le viol et le meurtre d’une femme de sa région. La police l’avait apparemment torturé jusqu’à ce qu’il fasse de faux aveux ; début 2005, un suspect arrêté dans le cadre d’une autre affaire a avoué être le véritable auteur des faits et aurait décrit la scène du crime en détail. À l’issue du procès, la famille de Nie Shubin n’avait obtenu aucune information sur la situation de ce dernier au regard de la loi, pas même un exemplaire du jugement. Elle affirme ne pas avoir été autorisée à le contacter après son arrestation, et son père aurait appris qu’il avait été exécuté en se rendant à la prison pour lui apporter à manger. Terrassé par la douleur d’avoir perdu son fils, le père de Nie Shubin aurait tenté de se suicider. Sa mère ajoute : « Je n’ai qu’un fils, tous mes espoirs reposaient sur lui. Ils ont détruit mon avenir […] Sans mon fils, ma famille et moi ne pouvons plus continuer. »
    • De même, la famille de Wu Zhenjiang, un étudiant de vingt-quatre ans reconnu coupable de coups et blessures volontaires, et exécuté en janvier 2005, affirme qu’elle n’a pas pu le voir après son procès en première instance. Depuis, sa mère, Meng Zhaoping (son nom a été modifié) a présenté une requête aux autorités afin d’obtenir plus d’informations ; elle voudrait notamment savoir ce qu’il est advenu du corps de son fils, puisqu’il n’a pas été rendu à sa famille après la crémation. Elle pense que ses organes ont été prélevés sans autorisation pour servir à des transplantations, mais elle ne dispose d’aucune preuve formelle pour confirmer ses soupçons.


Garantir l’équité des procès et dénoncer les cas de mauvais traitements

En Chine, les condamnations à mort ne sont jamais prononcées à l’issue de procès équitables satisfaisant aux normes internationales. Les procès sont généralement marqués, entre autres, par l’impossibilité de bénéficier rapidement des services d’un avocat, le mépris de la présomption d’innocence, l’ingérence des milieux politiques et l’utilisation à titre de preuve de déclarations arrachées sous la torture. Un certain nombre d’affaires révélées dans la presse chinoise, comme celle de Nie Shubin (voir ci-dessus), montrent que des innocents ont été exécutés en Chine du fait de ces dysfonctionnements.

Amnesty International se félicite du rétablissement du contrôle de la Cour populaire suprême, mais déplore que ce dernier semble devoir porter exclusivement sur le respect des procédures et la cohérence de l’application de la peine de mort dans le pays, et non sur le fond de chaque affaire. Elle craint qu’un telle approche ne permette pas de révéler de graves violations des droits humains, comme le recours à la torture par la police pour arracher des « aveux », dans les cas où aucun élément relatif à ces violations n’aura été présenté lors du procès.


Réduire le nombre de crimes passibles de la peine de mort

« Nous ne pouvons faire reposer sur la peine de mort tout notre espoir de réduire la criminalité.Nous pouvons combattre l’augmentation de cette criminalité par beaucoup d’autres moyens[…] Cette idée est aussi conforme à la tendance mondiale, qui est à l’allègement progressif des peines. En conséquence, les peines les plus sévères doivent être réservées à un petit nombre de crimes graves. » Liu Jiachen, ancien vice-président de la Cour populaire suprême.

Amnesty International déplore vivement que la Chine continue d’appliquer la peine de mort pour quelque 68 crimes, dont des crimes non violents comme des infractions liées à la drogue et diverses malversations de nature économique (fraude fiscale ou financière, par exemple). Cette peine est utilisée très largement et de façon arbitraire, et son application résulte souvent d’une ingérence politique dans les procédures judiciaires. Le nombre de condamnations à mort augmente pendant les campagnes périodiques « de répression sévère de la criminalité », au cours desquelles les accusés peuvent être condamnés à mort pour des crimes habituellement passibles de peines d’emprisonnement. L’usage de la peine de mort est aussi renforcé à certaines périodes de l’année, notamment à l’approche d’événements importants dans le pays, comme la Fête nationale (le 1er octobre) et la Journée internationale contre l’abus et le trafic illicite des drogues (le 26 juin). Amnesty International a également constaté une très forte augmentation du nombre d’exécutions en décembre 2006. On a attribué cette hausse à la volonté des tribunaux locaux de « liquider »certaines affaires avant la réintroduction du contrôle de la Cour populaire suprême le 1er janvier 2007.

Une chance à saisir pour le gouvernement chinois

La peine de mort constitue une violation du droit à la vie et de l’interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains et dégradants. Elle porte également une atteinte fondamentale au principe de « préservation de la dignité humaine », qui est au cœur de la Charte olympique. Amnesty International exhorte donc les autorités chinoises à mettre en place des mesures qui limitent de manière significative le recours à ce châtiment, dans l’objectif, à terme, de l’abolir totalement en Chine. D’ici la fin 2008, les autorités doivent notamment :

    • publier régulièrement des statistiques officielles sur le nombre total de prisonniers condamnés à mort et exécutés, permettre systématiquement aux familles et aux avocats des condamnés à mort de rencontrer ces derniers, et leur fournir toutes les informations nécessaires sur les questions administratives et de procédure ;
    • réduire le nombre de crimes passibles de la peine de mort en engageant des réformes substantielles concernant les crimes non violents.
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