IGNOMINIE SANS LIMITES Communiqué de la Communauté de Paix de San José de Apartado

Le gouvernement colombien, à travers sa Brigade XVII de l’armée, annonce, une fois de plus, qu’il va exterminer la Communauté de Paix de San José de Apartado.

Pendant les dernières 12 années, il a fait savoir, à de multiples occasions, qu’il y avait deux façons de la détruire : soit en soumettant ses membres et dirigeants à "des montages judiciaires" qui les privent de leur liberté et les jettent en prison, soit en faisant appel à des groupes paramilitaires qui les assassinent ou cherchent à les soumettre avec des menaces de mort permanentes. Ces dernières années, il a également fait appel à la corruption, en utilisant les fonds du programme d’"Action sociale de la Présidence de la République", afin d’attirer et de récompenser ceux qui prendraient leurs distances avec la Communauté de Paix et seraient d’accord pour l’attaquer et la stigmatiser.

Le 17 janvier 2009, Reinaldo Areiza, membre de notre Communauté de Paix, reçut un appel téléphonique de Wilfer Huiguita, un jeune qui habitait jadis dans le hameau de La Unión (qui fait partie de la Communauté de Paix. N du T) et qui lui dit qu’il savait que plusieurs dirigeants et des personnes soutenant la Communauté avaient des problèmes très sérieux avec "la Fiscalìa" (Bureau du Procureur. N du T). Mais lui connaissait quelqu’un qui pourrait les aider à résoudre ces difficultés. Reinaldo répondit qu’il n’avait aucun problème avec la Fiscalía et qu’il n’avait donc besoin d’en parler à personne. Moins de 5 minutes plus tard, Reinaldo reçut un appel d’un GSM ( numéro 312-7206117 ) d’une personne se présentant comme un colonel de la Brigade XVII qui lui dit qu’il voulait s’entretenir avec lui à propos des problèmes de la Communauté. Reinaldo répondit qu’il n’avait rien à lui dire, et que la Communauté n’avait pas de problèmes judiciaires. Le colonel lui demanda son aide pour détruire la Communauté de Paix et lui offrit beaucoup d’argent. Le colonel demanda également l’aide de Reinaldo dans le cas de deux femmes membres de la guérilla voulant se livrer à l’armée et il lui proposa 2 millions de pesos par cas. Il proposa à Reinaldo de le rencontrer pour concrétiser leur accord, ce à quoi Reinaldo s’opposa clairement.

Pendant ces derniers mois (décembre 2008 et janvier 2009) différents membres et accompagnateurs de la Communauté de Paix ont reçu de nombreux messages d’avertissement, de la part de personnes ayant des contacts avec des fonctionnaires de l’Etat, au niveau local, départemental ou national, avec l’argument suivant : suite à la démobilisation du guérilléro "SAMIR", ancien commandant d’une compagnie du Vème des FARC ayant opéré dans une zone proche de San José de Apartado, la brigade XVII, en accord avec la Fiscalía, serait en train de préparer des montages judiciaires de grande envergure contre des dirigeants de la Commuanuté de Paix et certains de ses accompagnateurs, tels que le père Javier Giraldo ou l’ancienne bourgmestre Gloria Cuartas. La démobilisation de "SAMIR" a été tenue secrète par les médias pendant plus de 2 mois, tandis que cette personne était gardée de façon illégale dans les locaux de la Brigade XVII pendant la préparation du montage dans l’idée probable de l’utiliser comme "témoin" contre la Communauté de Paix.

Les relations de "SAMIR" avec la Communauté ont toujours été conflictuelles. La Communauté dénonça publiquement l’assassinat de plusieurs paysans injustement accusés par lui d’être des paramilitaires, tandis qu’il reprocha à la Communauté de n’apporter de soutien logistique à aucun acteur armé.

Ce n’est pourtant pas la première fois que l’armée, en accord avec la Fiscalía, essaie de fabriquer des montages sur la base de "témoignages" de membre de la guérilla ou de miliciens de la région démobilisés. Partant de la politique de « démobilisation »
du gouvernement actuel, la brigade XVII est passée progressivement d’un plan d’extermination de la Communauté de Paix basé sur les exécutions extrajudiciaires, les disparitions, les massacres, les bombardements et les déplacements massifs à une stratégie basée sur la fabrication de procès judiciaires truqués. C’est dans ce but que l’administration judiciaire de la région fait l’objet d’une rigoureuse mise sous contrôle de la Brigade.

Actuellement, c’est l’armée qui décide qui est poursuivi par la justice et qui ne l’est pas. Les paramilitaires, bénéficiaires d’une "démobilisation" fictive, ne sont pas poursuivis, malgré les épouvantables crimes contre l’humanité perpétrés. Ils contrôlent aujourd’hui le hameau de San José, le commerce de drogue, la prostitution avec la complicité avérée de la force publique. Les anciens miliciens étaient obligés ces dernières années de collaborer avec la guérilla dans des tâches secondaires. Cela allait de la production agricole à l’information sur les mouvements de l’armée. Ils le faisaient pour ne pas être forcés d’abandonner leurs parcelles (seul moyen de subsistance).Ils
ont pris leurs distances avec cette collaboration dès qu’ils ont estimé qu’ils pouvaient le faire….En revanche, ces personnes sont poursuivies par la Brigade XVII et la Fiscalía avec acharnement.

Depuis l’année 2003, la Communauté de Paix a dénoncé des cas de montages honteux, mettant en évidence que la Brigade XVII contrôle le pouvoir judiciaire. Non seulement les militaires et la police décident qui est poursuivi et qui ne l’est pas, ils arrêtent également qui bon leur semble, sans mandat d’arrêt. Il se peut qu’un procureur soit en désaccord et ordonne la libération des détenus. Au lieu de le faire, les militaires négocient avec un autre procureur qui leur est favorable un nouvel ordre d’arrêt, sur la base de "preuves" qu’ils ont eux-mêmes apportées. Ces preuves sont généralement des "témoignages" de "démobilisés", ou des renseignements élaborés par la force publique, ou des "ordres de bataille" (IL FAUDRAIT EXPLIQUER CELA) de même origine. La Communauté de Paix a pu constater comment des personnes conduites dans les locaux de la Brigade XVII, de la police, ou de la DAS (services de renseignement. N du T) sont soumises à la torture, au chantage. Faisant l’objet de promesses ou de récompenses, elles sont obligés de proférer des accusations contre les dirigeants et les membres de la Communauté et elles font état de situations invérifiables, truffées de données mensongères. Les militaires les présentent devant les procureurs et les juges avec l’argument qu’il faut "une pluralité de témoignages", se basant sur le principe tacite selon lequel plusieurs mensonges peuvent représenter la vérité.

Afin d’éviter tout développement pouvant exiger des preuves, les détenus sont forcés, en violation de nombreuses règles de procédure pénale, d’accepter la formule "de jugement anticipé". La "Defensoria del Pueblo" (Bureau du médiateur) elle-même s’est efforcée de convaincre les victimes qu’il n’y avait pas d’autre issue, afin de contribuer aux directives du gouvernement central qui –dans le cadre de l’image qu’il cherche à se donner face à la communauté internationale- cherche à gonfler ses statistiques de démobilisation.

La Communauté de Paix a récemment demandé aux Hauts Tribunaux que soit déclaré "un état de situation inconstitutionnel" dans la région d’Uraba, où sont violés de façon systématique de nombreux principes constitutionnels. Il s’agit du principe de séparation des pouvoirs, de l’égalité des citoyens devant la loi, de la "due diligence" (devoir d’élémentaire précaution), du principe de légalité, du droit d’être jugé par des juges et des tribunaux indépendants, compétents et impartiaux. Cela concerne également la majorité des principes fondateurs du code de procédure pénale, tels que le caractère idoine des témoins, l’impartialité et l’équilibre de tous les acteurs impliqués dans la procédure pénale, la chaîne de surveillance des preuves matérielles, l’invalidité des preuves de référence, la défense technique entre autres. De nombreux fonctionnaires corrompus ont été identifiés et il a été demandé instamment aux autorités judiciaires qu’ils soient écartés de leurs fonctions judiciaires. De même, il a été prouvé que de nombreuses personnes de la Communauté ou de son entourage ont été illégalement et injustement privées de liberté pendant des mois et des années, et qu’elles doivent être indemnisées par l’Etat.

Dans le cadre de nombreux procès truqués menés contre des membres de la Communauté ou de la région, il a été constaté que d’anciens miliciens "démobilisés" ont été forcés par des représentants de la force publique à déclarer que la Communauté avait effectué des donations en argent, en aliments, en machines et même en armes, à la guérilla commandée par "SAMIR". Les dossiers contiennent de nombreuses affabulations ne reposant sur aucune preuve, mais dont l’audace récompensée et rémunérée scandalise. Ils cherchent à faire accréditer l’idée selon laquelle c’est "SAMIR" qui a dicté les directives de base régissant le fonctionnement de la Communauté de Paix, alors que la Communauté a toujours dénoncé publiquement ses délits et ses pressions. Il semble évident qu’en collaborant maintenant avec la Brigade XVII, il recevra de nombreux avantages et autres rémunérations afin qu’il invente des "collaborations" de la Communauté avec la guérilla, dans le seul but de poursuivre ses dirigeants, ses membres et ses accompagnateurs devant la justice.

Plus d’une fois nous avons pu constater comment la Brigade XVII rémunérait largement non seulement les fausses déclarations, mais aussi l’assassinat de villageois, les vols et les agressions à main armée contre la Communauté. Le vol de l’ordinateur de la Communauté en juillet 2006 ou le massacre de 6 jeunes dans le hameau de "La Cristalina" le 26 décembre 2005 en sont des exemples.

Après le massacre de février 2005 dans les hameaux de "Mulatos" et "La Resbalosa", la Brigade, en connivence avec la vice-présidence de la République, a fait appel à des faux témoignages afin d’élaborer une version mensongère destinée au corps diplomatique et à la communauté internationale. Ce n’est que grâce à la ténacité d’un groupe de parlementaires des Etats-Unis voulant enquêter et faire la lumière sur ces horribles crimes que la Fiscalía fut obligée d’abandonner le montage imaginé par le gouvernement. Elle a accepté de poursuivre les militaires ayant commis ces crimes. Il n’en reste pas moins que plus de 600 crimes contre l’humanité continuent d’être dans la plus totale impunité, en raison du modèle de justice mis en place et soigneusement contrôlé par la Brigade et la Fiscalía. La Communauté a constaté comment des millions de pesos étaient offerts par la Brigade à des paysans privés de liberté afin qu’ils déclarent que les victimes des crimes de l’armée étaient "des guérilleros morts au combat".

Tant de corruption et d’ignominie de la part des institutions de l’Etat qui se targuent de respecter la Constitution et les lois nous amène à nouveau à nous tourner vers la communauté internationale. Nous demandons aux personnes ayant des principes éthiques, aux réseaux de solidarité qui nous ont toujours soutenu dans notre lutte pour le respect de nos droits élémentaires qu’ils s’adressent à nouveau au gouvernement colombien afin de censurer ses injustices inqualifiables et d’exiger le respect du droit et de l’éthique.

Communiqué de la Communauté de Paix de San José de Apartado, 28 janvier 2009
Traduction : Claudio Guthmann, AIBF - Coordination Colombie

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