Droit à la vie de famille dénié : les épouses étrangères des Palestiniens interdites de séjour.

Enaya Samara est une dame de 56 ans de nationalité américaine et d’origine palestinienne.
Pendant 31 années elle a habité Ramallah avec son mari, Adel Samara, qui est un résident des territoires occupés et leurs deux enfants. Et pendant ces trois décennies, elle a dû voyager à l’étranger tous les trois mois en vue de renouveler son visa de touriste. Les tentatives répétées de la famille d’obtenir l’unification de famille et d’établir le droit d’Enaya Samara de résider dans les territoires occupés n’ont pas abouti. Le 26 mai 2006, après plus de 120 voyages, elle s’est vu refuser l’entrée quand elle a essayé de retourner à la maison. Elle n’a pas vu sa famille jusqu’à 23 février 2007 date à laquelle le ministère de l’Intérieur israélien lui a accordé un visa de trois mois.
Elle ne sait pas s’il sera renouvelé.

Israël contrôle les frontières des territoires occupés (OPT) et interdit aux conjoints étrangers d’entrer. Les conjoints étrangers qui se voient ainsi refuser l’accès aux OPT, ne cherchent pas à entrer en Israêl même : ils veulent simplement entrer dans les OPT pour vivre avec leur conjoint dans la bande de Gaza ou la Cisjordanie.

En tant que puissance occupante, Israël est obligée de respecter les droits familiaux des Palestiniens . Cependant les violations de ce droit à la vie de famille ont persisté depuis des décennies et ont empiré au cours des dernières années . Jusqu’en 2006, au moins 120.000 familles en furent affectées. Et depuis 2006, les restrictions à la vie de famille et le nombre de familles affectées par de telles restrictions ont augmenté – le droit d’accéder aux OPT est également refusé aux conjoints originaires de pays pour lesquels des visas anticipés ne sont pas exigés pour entrer en Israël.
Ces restrictions sont profondément discriminatoires.
Les colons juifs dans les territoires – dont la présence est clairement illégale au regard du droit international – ne font face à aucune restriction quant à l’obtention auprès des autorités israéliennes d’autorisation pour leus épouses d’accéder aux OPT et de résider là avec eux.

Restrictions aux épouses étrangères.

Les restrictions à ce qui est appelé « l’unification de famille » dans les territoires ne se basent sur aucune loi. Auparavant, les épouses originaires de l’extérieur et souhaitant l’unification de famille, demandaient aux autorités israéliennes un permis de résidence qui leur permettait de résider dans les territoires. Cela prenait souvent beaucoup de temps pour obtenir un tel permis. En attendant ce permis, elles pouvaient séjourner dans les territoires en obtenant un visa temporaire qui devait être régulièrement renouvelé. Cela se faisait en se rendant en Jordanie ou un autre pays étranger tous les 3 mois et en obtenant un renouvellement de visa. Cela causait des inconvénients mais au moins elles pouvaient vivre avec leur famille.
Ce processus a pris fin lorsque la seconde intifada a commencé en septembre 2000. Les autorités israéliennes ont suspendu toute procédure d’unification familiale pour les résidents des territoires mariés à des conjoints étrangers, et aucun permis de résidence ne fut plus accordé. Et en même temps les visas n’ont plus été renouvelés.
Avec pour résultat que les conjoints d’origine étrangère qui ne veulent pas être séparés de leurs conjoints et enfants ont deux options : rester illégalement dans les territoires à l’expiration de leur visa , ou partir et être séparés de leur famille. Ceux qui restent illégalement sont coupés de leur famille, amis et relations d’affaires en-dehors du pays. Ils vivent dans la crainte constante d’être appréhendés et déportés, et ne peuvent se déplacer librement dans les territoires étant donné les nombreux points de contrôle de l’armée entre les villes et villages. Ils sont essentiellement confinés dans leur maison et les environs immédiats .
Ceux qui ont quitté les territoires, par exemple pour visiter un parent malade, ne sont pas autorisés à rentrer. Les autorités permettent parfois à une épouse palestinienne de quitter les territoires mais cela peut supprimer le droit de résider de nouveau si l’absence est longue.
Ces restrictions ont un impact dévastateur en empêchant une vie de famille normale. Les familles sont séparées de force. Les enfants sont séparés d’un de leurs parents pour une longue période, et souvent de la famille élargie : grands-parents, oncles, tantes, cousins.

La grande majorité de ceux à qui est dénié le droit d’entrée, sont des femmes jordaniennes d’origine palestinienne qui sont mariées à des Palestiniens. Bien qu’Israël justifie son attitude par des raisons de sécurité, Amnesty International ne connaît aucun cas dans lesquels une femme de cette catégorie a été impliquée dans un incident de sécurité important.

Yahya Bassa, un commerçant de 40 ans résidant dans les territoires est marié à Nibin, citoyenne jordanienne d’origine palestinienne, depuis 6 ans. Ils ont 2 enfants Nur, 4 ans et Talin, 18 mois, qui vivent avec leur mère en Jordanie.
Yahya avait l’habitude de voyager entre Aizariyah près de Jérusalem et Amman , capitale Jordanienne, pour voir son épouse et sa famille et mener ses affaires. Ses ennuis ont commencé, dit-il, il y a 4 ans environ, lorsqu’il a refusé une requête du Shin Beth, service de sécurité d’Israël, de devenir informateur. Les 2 années qui ont suivi ce refus, il ne lui a pas été permis de quitter les territoires et se rendre en Jordanie. Il a fait appel à la Haute Cour de Justice : il lui a été accordé 2 visites. Les forces de sécurité lui ont proposé de lui permettre de quitter les territoires s’il restait à l’extérieur pour 4 ans. Il a refusé.
Yahya a alors été harcelé par les forces de sécurité. En 2005 il a été accusé d’avoir tué un « collaborateur » : le dossier à charge contre lui a été mis sans suite. En 2006 il a été placé en détention administrative sans charges ni procès pour 6 mois. Quand il a été libéré, il a cherché à rejoindre son épouse en Jordanie, mais les autorités israéliennes lui ont refusé de pouvoir partir et ensuite revenir à moins qu’il ne reste absent pour 4 ans. Entre-temps, il n’a pas été permis à son épouse d’entrer dans les territoires, il leur est ainsi refusé de jouir d’une vie de famille normale.
Yahya a mené une action devant la Haute Cour de Justice pour obtenir l’autorisation pour sa femme de venir dans les territoires ou pour lui d’aller en Jordanie. La cause n’a pas encore été entendue. Cependant, en réponse à cette action, le procureur lui a permis de rencontrer son épouse et ses enfants sur le pont Allenby qui franchit le Jourdain et forme la frontière entre Israël et la Jordanie, mais juste pour une durée de 3 heures. Sa fille aînée, Nur, qui détient la nationalité palestinienne, a été autorisée à le rejoindre temporairement, mais sa plus jeune fille, Talin, qui n’a pas la nationalité et son épouse se voient toujours refuser l’entrée.

De nombreux autres à qui l’accès a été refusé sont originaires de régions d’Europe de l’Est, pour qui un visa préalable est requis.

S, un Palestinien de Ramallah en Cisjordanie, a rencontré son épouse bulgare M quand il étudiait en Bulgarie. Ils se sont mariés en Bulgarie en 1992 et leur premier enfant est né là-bas. En 1998 ils sont venus à Ramallah où leur second enfant est né.

M est entrée dans les territoires avec un visa de touriste et la famille a demandé immédiatement l’application de la procédure d’unification familiale. Le visa de M a expiré après 6 mois et le couple attendait le résultat de la requête d’unification familiale. En septembre 2000 ils ont été informés que l’application était accordée en principe et que M recevrait les papiers pour la fin de l’année. Peu après a commencé l’intifada et les procédures d’unification familiale ont été suspendues.
M a dit à Amnesty International :
« Je suis constamment dans la crainte d’être arrêtée et déportée et séparée de mon mari et mes enfants et je suis dans l’incapacité de bouger. En 2002, lors d’une incursion de l’armée israélienne, les soldats sont entrés dans la maison et quand ils ont constaté que je n’avais pas de permis valide, ils m’ont emmenée dehors et m’ont dit que j’allais être déportée : ils m’ont gardée dehors pendant 2 heures .Ce fut la pire expérience que j’aie vécue : l’idée que je serais séparée de mon mari et de mes enfants et qu’il ne me serait pas permis de vivre avec eux me terrifiait.
Chaque année mon mari et mes enfants vont visiter la famille en Bulgarie, mais je ne peux les accompagner car il ne me serait pas permis de revenir à Ramallah. Je n’ai plus revu ma mère depuis que j’ai quitté la Bulgarie. Que pouvons-nous faire ? La seule option pour moi, mon époux et mes enfants serait de partir en Bulgarie. Mais nous avons travaillé dur ici pour y faire notre vie, mon époux travaille et nous voulons vivre ici. Nous ne devrions pas être forcés de partir pour pouvoir vivre une vie familiale normale et, dans ce cas, pour mon époux et mes enfants, perdre le droit de revenir vivre dans leur pays d’origine. »

Restrictions renforcées.

Jusqu’en 2006, les épouses étrangères originaires de pays comme les USA et la plupart des pays européens avaient habituellement la possibilité d’être avec leurs époux dans les territoires en quittant et regagnant le pays avec un visa touriste. Les gens de ces pays, contrairement à ceux d’Europe de l’Est, n’ont pas besoin de visa préalable pour pénétrer en Israël et dans les territoires.
Cependant après la victoire du Hamas aux élections les autorités israéliennes ont accentué les restrictions d’entrée dans les territoires pour les épouses étrangères. Il est aussi dénié le droit d’entrée aux parents.
Ce ne sont pas seulement les familles qui sont affectées. L’extension des restrictions empêche souvent l’accès aux étrangers travaillant dans les domaines de l’éducation ou du développement économique. Ces personnes tentent d’améliorer les conditions dans les territoires où la pauvreté est répandue et où les Palestiniens sont exposés à une crise humanitaire croissante.
Depuis janvier 2007, en réponse à des protestations à l’égard de cette politique, l’administration civile israélienne a permis à peu près 200 courtes extensions de visa à ceux à qui cela avait été refusé précédemment. Cependant la plupart de ceux à qui l’accès a été dénié se voient toujours opposer ce refus.

Riad Sharma citoyen américain de 50 ans, marié à une Palestinienne, vivant à Ramallah, a déjà souffert d’une longue séparation forcée, et s’apprête à la vivre encore. Il souffre de diabète aigu et nécessite des soins médicaux réguliers aux USA. Il mène ses affaires là-bas également. Au cours de l’année passée, il a été bloqué deux fois à son arrivée à l’aéroport Ben Gourion en Israël et renvoyé aux USA.
La première fois, le 6 janvier 2006, il lui a été dit de ne pas tenter de revenir en Israêl et dans les territoires, pour au moins un an. Le 20 décembre 2006, l’entrée lui a été également refusée. Le 3 janvier 2007, il a tenté d’entrer via la Jordanie par le pont Allenby, et on lui refusa l’entrée. N éanmoins, à cette occasion, il a engagé un avocat ( pour un coût de 9400 USD, comprenant les frais d’avocat, les frais de cour, et une caution), et a pu obtenir un visa d’entrée pour deux semaines. Juste avant l’expiration, il a obtenu une extension de 10 jours qui expire le 4 avril, et ce à l’intervention d’un autre avocat ( dont coût : 6000 USD). La possibilité pour Riad Sharma d’être réuni avec sa famille a un coût exorbitant, un coût hors de portée pour la plupart de ceux qui aspirent simplement à vivre avec leur épouse, et membres de leur famille dans les territoires
.

.Conclusion

La politique de refus d’unification familiale n’a pas de lien perceptible avec la sécurité. Les autorités israéliennes n’ont pas affirmé que les épouses étrangères à qui il n’est pas permis d’entrer dans les territoires constituent un risque de sécurité pour Israël. Les restrictions ne visent pas des cas particuliers mais s’appliquent aux épouses de Palestiniens en général et sont pour cela complètement discriminatoires.
Comme tel, ces restrictions constituent une forme de punition collective contre les Palestiniens dans les territoires : l’imposition d’une punition collective est une violation du droit humanitaire international.
C’est depuis longtemps qu’existe une politique démographique israélienne pour refuser ou limiter les droits de résidence des Palestiniens, que ce soit en Israël, à Jérusalem Est, dans la bande de Gaza et la Cisjordanie. La loi de citoyenneté et d’entrée en Israël de 2003 empêche les Palestiniens de vivre avec leur épouse Israélienne en Israël et Jerusalem Est. Dans les territoires cette politique est appliquée sans référence à aucune loi. Cela a entraîné le départ de personnes souhaitant de vivre une vie de famille normale. Ces personnes sont maintenant considérées comme non résidentes par les autorités israéliennes et il leur est interdit de rentrer dans les territoires.

RECOMMANDATIONS

Amnesty international demande aux autorités israéliennes de :
 reprendre le processus de l’unification familiale pour les conjoints étrangers et les familles de Palestiniens résidant dans les territoires occupés, et de procéder de manière diligente et non-discriminatoire.
 Etablir un processus pour traiter rapidement l’arriéré des milliers de demandes d’application et de réexaminer, selon les principes de non-discrimination, les applications qui ont été refusées avant la suspension de processus d’application.
 Fournir par écrit à n’importe quel demandeur dont la demande est refusée, les raisons spécifiques prises sur base individuelle, et établir un mécanisme juste et non discriminatoire permettant aux candidats de comprendre les raisons et pouvoir aller en appel.
 s’assurer que les étrangers à qui il est refusé un visa connaissent la justification de ce refus et puissent aller en appel .

Exemple de lettre à adresser aux autorités israéliennes :

Version anglaise :
Dear Minister,

As member of Amnesty International, I call on the Israeli authorities to :

 Resume the processing of family unification applications for foreign spouses and families of Palestinian residents of the OPT, and do so in an expeditious and non-discriminatory manner.

 Establish a mechanism to promptly process the backlog of thousands of applications and to re-examine, according to the principle of non-discrimination, applications that were refused prior to the suspension of the processing of applications.

 Provide details in writing to any applicant whose family unification application is rejected of the specific grounds, on an individual basis, for the rejection of their application, and establish a fair and non-discriminatory mechanism before which applicants can challenge such refusals and have them independently reviewed.

 Ensure that foreign nationals who seek to enter the OPT are not refused a visa without a clearly stated reason, so that they may challenge the grounds for rejection.

Yours faithfully.

Version française :

(Appellation,)

En tant que membre d’Amnesty International, je m’adresse à vous pour vous demander d’user de votre influence pour :

 reprendre le processus de l’unification familiale pour les conjoints étrangers et les familles de Palestiniens résidant dans les territoires occupés, et de procéder de manière diligente et non-discriminatoire.

 Etablir un processus pour traiter rapidement l’arriéré des milliers de demandes d’application et de réexaminer, selon les principes de non-discrimination, les applications qui ont été refusées avant la suspension de processus d’application.

 Fournir par écrit à n’importe quel demandeur dont la demande est refusée, les raisons spécifiques prises sur base individuelle, et établir un mécanisme juste et non discriminatoire permettant aux candidats de comprendre les raisons et pouvoir aller en appel.

 s’assurer que les étrangers à qui il est refusé un visa connaissent la justification de ce refus et puissent aller en appel .

Veuillez agréer, …., l’assurance de ma haute considération.

Adresses des autorités :

Ehud Olmert
Prime Minister
Office of the Prime Minister
3 Kaplan Street
PO Box 187
Kiryat Ben-Gurion
Jerusalem 91919
Israel
Fax : +972 2 566 4838
+972 2 670 5475
Telex : 25279 MPRES IL
email : rohm@pmo.gov.il
pm_eng@pmo.gov.il
URL : www.pmo.gov.il
Ronnie Bar-On
Minister of the Interior
Ministry of the Interior
2 Kaplan Street
PO Box 6158
Kiryat Ben Gurion
Jerusalem 91061
Israel
Fax : +972 2 670 1628
email : sar@moin.gov.il
URL : www.moin.gov.il
Tzipi Livni
Vice Prime Minister and Minister of Foreign Affairs
Ministry of Foreign Affairs
9 Yitzhak Rabin Boulevard
Kiryat Ben-Gurion
Jerusalem 91035
Israel
Fax : +972 2 530 3367
email : sar@mfa.gov.il
URL : www.mfa.gov.il
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