Écrire Des opposant·e·s politiques injustement détenus depuis plus d’un an

Les opposants politiques Jaouhar Ben Mbarek, Khayyam Turki, Issam Chebbi, Ghazi Chaouachi, Ridha Belhaj et Abdelhamid Jelassi sont détenus de manière arbitraire depuis février 2023 pour des accusations infondées de « complot contre la sûreté de l’État ».

En janvier 2024, la justice a rejeté les derniers recours en date contre le maintien prolongé en détention provisoire de ces six détenus, qui avaient été déposés par le Comité de défense des détenus politiques. Le parquet antiterroriste tunisien enquête sur eux pour avoir tenté de « changer la forme du gouvernement » au titre de l’article 72 du Code pénal, qui prévoit la peine de mort.

Nous appelons les autorités tunisiennes à les libérer immédiatement et sans condition et à abandonner les accusations retenues contre eux, car elles découlent uniquement de l’exercice pacifique de leurs droits humains.

Depuis février 2023, les autorités tunisiennes mènent une enquête pénale contre au moins 50 personnes pour des accusations infondées de complot. Amnesty International a recensé les cas de huit personnes dont six sont actuellement détenues dans le cadre de cette enquête, notamment l’homme politique Khayyam Turki, arrêté le 11 février 2023 ; le dissident et homme politique Abdelhamid Jelassi, arrêté le 12 février ; le militant de l’opposition Issam Chebbi, arrêté le 22 février ; le militant de l’opposition Jaouhar Ben Mbarek, arrêté le 24 février ; et enfin les avocats Ghazi Chaouachi et Ridha Belhaj, arrêtés le 25 février. La figure de l’opposition Chaima Issa, arrêtée le 22 février, et le dissident Lazhar Akremi, arrêté le 13 février, ont été remis en liberté provisoire le 13 juillet 2023, après avoir passé près de cinq mois en détention arbitraire.

Le 12 février 2024, ces six détenus ont entamé une grève de la faim pour protester contre leur détention arbitraire. Deux d’entre eux ont dû y renoncer pour raisons de santé, mais Khayyam Turki, Abdelhamid Jelassi, Issam Chebbi et Jaouhar ben Mbarek l’ont poursuivie jusqu’au 27 février. Selon Ayachi Hammami, avocat spécialiste des droits humains et membre du Comité de défense des détenus politiques, leur état de santé s’est détérioré. Ils avaient déjà observé une première grève de la faim pour des raisons similaires, du 26 septembre au 12 octobre 2023, à laquelle ils ont mis fin pour des raisons de santé.

Les huit accusé·e·s font l’objet d’une enquête liée à des accusations fallacieuses de complot au titre de 10 articles du Code pénal tunisien, notamment l’article 72, qui prévoit la peine de mort obligatoire pour les tentatives visant à « changer la forme du gouvernement ». Ils sont également inculpés de plusieurs infractions au titre de 17 articles de la loi antiterroriste de 2015, notamment de son article 32, qui prévoit une peine allant jusqu’à 20 ans de prison pour la formation d’« une organisation terroriste ». Le juge et la cour d’appel de Tunis ont tout d’abord rejeté les demandes de remise en liberté provisoire soumises par les avocats des huit suspect·e·s. Puis, en juillet, le tribunal a libéré Chaima Issa et Lazhar Akremi, leur interdisant de voyager à l’étranger et d’« apparaître dans des lieux publics », et prolongé la détention préventive des six autres afin de « garantir le bon déroulement de l’enquête ».

En octobre 2023, Ayachi Hammami, avocat spécialisé dans la défense des droits humains visé par une enquête dans la même affaire que ses clients détenus et pour des accusations similaires, a été convoqué pour interrogatoire par le juge d’instruction. En octobre, une procédure judiciaire distincte a été ouverte à l’encontre des avocat·e·s Dalila Msaddek Ben Mbarek et Islam Hamza, tous deux membres du Comité de défense des détenus politiques, pour des commentaires publics qu’ils ont faits au sujet de l’affaire dans des émissions de radio. Ils font l’objet d’une enquête pour diffusion de fausses informations au titre du Décret-loi n° 54 relatif à la cybercriminalité.

Depuis que l’enquête a débuté en février 2023, les autorités judiciaires ont convoqué au moins 42 militant·e·s politiques, membres de l’opposition, hommes d’affaires, anciens membres du Parlement, avocat·e·s, défenseur·e·s des droits humains et anciens responsables des forces de sécurité pour les interroger dans le cadre de la même affaire.

Le 14 février 2023, le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Volker Türk, s’est dit préoccupé par la récente vague d’arrestations visant des figures de la société civile et des personnes considérées comme des opposants, ainsi que par les attaques persistantes des autorités tunisiennes contre le pouvoir judiciaire. Un porte-parole du Haut-Commissaire a de façon spécifique mentionné les poursuites pénales engagées contre « des opposants présumés » accusés de « complot contre la sûreté de l’État ».

Le Haut-Commissaire a appelé les autorités tunisiennes « à respecter les normes d’une procédure régulière et d’un procès équitable dans toutes les procédures judiciaires et à libérer immédiatement toutes les personnes détenues arbitrairement, y compris toute personne détenue en relation avec l’exercice de ses droits à la liberté d’opinion ou d’expression ».

Le 22 février 2023, le président Kaïs Saïed a déclaré que quiconque « osait exonérer » ce qu’il a décrit comme étant « des réseaux criminels » était fondamentalement leur « complice ». Cette déclaration, associée à la révocation arbitraire de 57 juges ordonnée par le président en 2022, contribue à renforcer le climat d’intimidation pour la magistrature.

Le 25 juillet 2021, le président Kaïs Saïed s’est octroyé les pleins pouvoirs, invoquant des pouvoirs d’exception prévus selon lui par la Constitution tunisienne de 2014. Depuis qu’il s’est accaparé le pouvoir, il a dissous le Parlement tunisien, édicté des décrets-lois menaçant les droits humains, notamment les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique, supervisé la rédaction d’une nouvelle Constitution et cherché à renforcer son influence sur le pouvoir judiciaire. Le 1er juin 2022, le président Kaïs Saïed a arbitrairement révoqué 57 magistrat·e·s accusés, notamment, de s’être abstenus d’enquêter sur des affaires de terrorisme et d’adultère et d’avoir organisé des soirées alcoolisées. Le ministère de la Justice a rejeté une décision du Tribunal administratif tunisien ordonnant la réintégration de 49 d’entre eux.

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