Écrire Huit civils risquent d’être condamnés a mort

Un tribunal militaire égyptien s’apprête à condamner huit hommes à mort après un procès inique. Ces hommes, ainsi que 20 autres, sont poursuivis pour des accusations liées au terrorisme dans le cadre d’une affaire entachée d’actes de torture et de disparitions forcées.

Un tribunal militaire du Caire a entamé la procédure de condamnation à mort de huit civils le 7 février 2016, lorsqu’il a transmis leur affaire au grand mufti une obligation légale pour les tribunaux égyptiens prévoyant de prononcer des peines de mort. Le tribunal a indiqué qu’il communiquerait son jugement le 24 avril.

Ces hommes font partie d’un groupe de 28 accusés poursuivis pour des accusations d’« activités terroristes ». Des procureurs militaires ont inculpé ces hommes pour possession d’armes à feu et d’explosifs, complot en vue d’assassiner des militaires, possession d’informations militaires confidentielles sans autorisation et appartenance à la confrérie interdite des Frères musulmans. Parmi ces hommes, 19 sont en détention, un a été libéré et huit sont jugés par contumace.

Les forces de sécurité ont arrêté les 19 hommes entre le 28 mai et le 7 juin 2015, et 18 d’entre eux ont été transférés à l’État-major des renseignements militaires dans le quartier de Nasr City, au Caire, et un autre a été conduit à une prison militaire du gouvernorat d’Ismaïlia. Des agents des renseignements militaires ont détenu les hommes au secret pendant 17 à 46 jours et ne leur ont pas permis de contacter leurs proches et leurs avocats, dans des conditions s’apparentant à des disparitions forcées. Lorsque les hommes ont « avoué » les faits qui leur étaient reprochés en présence d’un procureur militaire, des agents des renseignements militaires les ont transférés à la prison de Tora, dans le sud du Caire.

Une fois à la prison de Tora, les hommes ont pu voir leurs proches et leurs avocats. Les hommes ont déclaré que les agents des renseignements militaires les avaient torturés pour leur extorquer des « aveux ». Ils ont indiqué que des agents les ont fouettés avec des linges brûlants, leur ont infligé des décharges électriques (notamment au niveau des parties génitales) et les ont pendus par les poignets après les avoir menottés les mains dans le dos. Les proches de ces hommes ont indiqué à Amnesty International qu’ils portent toujours les marques des brûlures. Leurs avocats ont déclaré que le tribunal militaire avait refusé de demander une enquête médicolégale sur les allégations d’actes de torture et d’autres mauvais traitements.

Un tribunal militaire du Caire a transmis l’affaire concernant six détenus au grand mufti ; une obligation légale pour les tribunaux égyptiens qui prévoient de prononcer des condamnations à mort. Les personnes concernées par ces condamnations sont les suivantes : Ahmad Ghazali, Mohammed Fawzi Abd al Gawad, Ahmed Mustafa Ahmed Mohammed, Reda Matamad, Mahmoud al Sharif et Abdul Basir Abdul Rauf. Le tribunal a également transmis l’affaire concernant deux autres hommes en leur absence : Abdullah Noureddin et Ahmed Abdul Baset. Le tribunal devrait également prononcer de lourdes peines d’emprisonnement à l’encontre de 11 autres détenus dans le cadre de la même affaire. Les personnes concernées par ces condamnations sont les suivantes : Sohaib Saad Mohamed Mohamed, Omar Mohammed Ali, Abdul Rahman Ahmad, Muhammad Bili, Khaled Ahmad Mustafa al Saghir, Mohammed Fawzi Abdel Gawad, Hisham Mohammed Saeed Abdul Khaliq, Abdullah Subhi Abu al Qasim, Abdullah Kamal Hassan Mehdi, Ahmed El Sayed et Mohammed Mohsen Mahmoud.

Après l’arrestation de ces hommes, de nombreuses familles ont déclaré les avoir cherchés dans les postes de police, les prisons et les bureaux des procureurs et avoir envoyé des télégrammes au procureur général et aux ministres de l’Intérieur et de la Justice. Les autorités ont soit nié qu’elles détenaient les hommes ou ignoré les appels. La plupart des familles ont indiqué à Amnesty International qu’elles n’avaient appris que les hommes étaient détenus que le 10 juillet 2015, lorsqu’elles ont vu une vidéo du ministère de la Défense à la télévision à propos de l’arrestation de « la cellule terroriste la plus dangereuse » d’Égypte. La vidéo montrait certains des détenus « avouant » appartenir à des groupes interdits et avoir attaqué des institutions militaires.

L’agent des renseignements militaires qui a préparé l’affaire contre les hommes a également témoigné contre eux au tribunal. Dans son témoignage, qu’Amnesty International a pu consulter, il a répondu à presque toutes les questions du tribunal en disant « je ne me souviens pas » ou « tout est détaillé dans les enquêtes officielles ». Le tribunal s’est malgré tout appuyé uniquement sur les enquêtes de cet agent, même si lorsqu’il a témoigné il n’était pas capable de se souvenir des noms des accusés ou de leur rôle présumé dans l’affaire.

Depuis 2011, des milliers de civils ont été poursuivis devant des tribunaux militaires égyptiens. Les autorités ont également largement accru les pouvoirs de ces tribunaux pour leur permettre de juger des civils. La nouvelle Constitution égyptienne, qui est entrée en vigueur en 2014, prévoit spécifiquement que les civils soient jugés par des tribunaux militaires au titre de l’article 204. En octobre 2014, le président a ratifié une nouvelle loi qui étend largement les compétences de la justice militaire.

Six hommes ont été exécutés en mai 2015 à l’issue d’un procès inique devant un tribunal militaire, procès sur lequel Amnesty International a recueilli des informations. Les forces de sécurité avaient soumis les hommes à des actes de torture et d’autres mauvais traitements dans le but de leur extorquer des « aveux » quant à des accusations liées au terrorisme. Des responsables ont par ailleurs falsifié les dates d’arrestation de ces hommes dans les documents officiels (voir l’AU 84/15). Les tribunaux militaires pour civils en Égypte bafouent le droit de tout accusé à un procès équitable devant un tribunal compétent, indépendant et impartial. Ce droit est pourtant garanti par l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel l’Égypte est partie.

Au titre du droit égyptien, les tribunaux ne peuvent prononcer des condamnations à mort qu’après avoir transmis l’affaire au grand mufti pour qu’il donne son opinion. Cependant, cette opinion n’est pas juridiquement contraignante pour le tribunal qui peut prononcer des condamnations à mort s’il n’a pas reçu de réponse du grand mufti dans les dix jours. Les accusés peuvent faire appel de la décision du tribunal devant la Cour suprême militaire dans un délai de 60 jours. La Cour suprême militaire peut décider de rejeter l’appel ou de l’accepter et ainsi confier l’affaire à un autre tribunal militaire pour qu’il rejuge l’affaire. Le président doit ratifier toutes les condamnations à mort dans un délai de 14 jours après la date de la décision finale.

Amnesty International s’oppose à la peine de mort en toutes circonstances, sans exception.

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